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L’œil de Le Matin : Une pensée solidaire pour la femme en milieu carcéral

Le Mali célèbre ce mercredi 8 mars la Journée internationale de la Femme, à l’instar de la communauté internationale. «Pour un monde digital inclusif : innovation et technologies pour l’égalité des sexes» est le thème associé à la thématique prioritaire de la 67e session de la commission de la condition de la femme (CSW-67) : «L’innovation, le changement technologique et l’éducation à l’ère du numérique pour réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles» !

Nous avons une pensée pour les femmes qui vont célébrer cet événement privé de leur liberté, pour une raison ou une autre, depuis quelques heures ou depuis des années. Coupables ou non des faits reprochés, il est clair qu’elles sont aujourd’hui dans la profondeur de l’abîme. Certes, il est difficile de s’émouvoir, de ne pas avoir un haut-le-cœur pour certaines qui ont commis des crimes avec un effroyable sang froid et qui ne semblent nourrir aucun regret d’être passé​es​ au cruel acte !

Mais, d’autres sont derrière les barreaux par désespoir, victimes du coup du sort.  Elles ne savent même pas comment elles se sont retrouvées dans ce trou tellement les choses sont allées vite pour leur permettre de garder le contrôle. Ainsi, elles sont jugées ou présumées coupables de vols qualifiés, de meurtres, de coups mortels, d’attentats aux institutions, d’escroquerie, de trafics de stupéfiants, de faux et usage de faux…

Des actes qui peuvent faire en sorte qu’une personne se retrouve derrière les barreaux pendant de longues années sans des circonstances atténuantes. Sans bien sûr oublier des cas d’erreurs judiciaires. Certaines s’y retrouvent, souvent, par erreur et croupissent en prison pendant des années avant de recouvrer la liberté. La privation de liberté n’est jamais gaie ! Et surtout que, dans notre société, on peut recouvrer la liberté, mais rarement sa dignité et son honneur après un emprisonnement juste ou non.

Pour une mère qui doit réfléchir à son sort et s’inquiéter aussi pour sa progéniture ainsi privée de son affection protectrice, les choses sont encore plus dures. Combien d’enfants sont aujourd’hui dans la rue parce que privés de l’affection et des conseils d’une maman, morte ou vivant loin d’eux ? Selon «Prison Insider» (une plateforme de production et de diffusion d’informations sur les prisons dans le monde), en 2021 on avait 2,8 % de femmes incarcérées au Mali contre 1,3 % de mineurs, et 69 % de prévenus.

Dans notre pays, en mars 2019, on comptait seulement 0,0013 % de femmes (environ 50,40 % de la population malienne, selon les projections démographiques de la Direction nationale de la  population de 2018) dans la prison des femmes à Bolé. La construction de cette prison découle d’une volonté politique de mettre les femmes en conflit avec la loi dans un environnement plus convenable, plus intime. N’empêche que, même si des efforts ont été consentis, de nombreux défis restent encore à relever par rapport au respect strict de leurs droits en milieu carcéral.

Et oui, les détenus aussi ont des droits ! Tous les prisonniers, qu’ils soient femmes, enfants ou hommes, bénéficient tous de la protection du «droit international humanitaire» selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Malgré la volonté politique, ce n’est un secret pour personne que nos prisons souffrent de beaucoup d’insuffisances qui ne permettent pas de garantir un avenir meilleur à ces infortunées dames ou jeunes filles voire aux adolescentes dont la vie est ainsi brisée à jamais.

La prison doit permettre à la personne de se remettre en cause pour se reconstruire en franchissant un palier dans sa vie. Mais, on constate que tous les moyens sont malheureusement utilisés pour brimer certains prisonniers, certaines prisonnières par un incompréhensible acharnement de l’appareil judiciaire. Et aujourd’hui, pour de nombreux Maliens, Mme Bouaré Fily Sissoko (elle est inculpée et placée en détention provisoire depuis le 26 août 2021) incarne cet acharnement de la justice sur un justiciable.

Privée de sa liberté depuis août 2021 (dans l’affaire dite «Avion présidentiel»​)​, l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances s’est adressée en janvier dernier à l’Association malienne des procureurs et poursuivants (AMPP) dans un mémoire de trois pages. A travers ce syndicat de magistrats maliens, elle requiert formellement l’implication de l’Association internationale des procureurs pour sa cause.

Selon Mme Bouaré Fily Sissoko, c’est à travers sa défense qu’une Ordonnance (datant du 21 octobre 2022) de la Chambre d’instruction lui a notifié sa mise en liberté, en contrepartie du paiement d’une caution ou la constitution de sûreté de même valeur. Et cette ordonnance stipule que «l’instruction du dossier de l’affaire est suffisamment avancée, que la détention de l’inculpée n’est plus nécessaire à la manifestation de la vérité…».

Mais, pour garantir la représentation de l’inculpée et couvrir les éventuels frais de procédure ainsi que les condamnations pécuniaires, sa mise en liberté a été conditionnée au dépôt d’une garantie ou la constitution d’une sûreté… d’un montant fixé à… 500 millions F CFA… Et naturellement que la détenue juge ce montant trop élevé pour un fonctionnaire malien.

«Demander à un fonctionnaire malien de constituer cette somme faramineuse, dans une procédure d’instruction conduite suivant le principe de la présomption d’innocence  et par une Chambre qui, en principe, a vocation à  instruire à charge et à décharge, équivaut tout simplement à le traiter de criminel financier de classe exceptionnelle sans en apporter les preuves», s’est-elle défendue.

«On lui a tendu un piège pour se compromettre, mais elle a su le déjouer», nous a confié un juriste chevronné. «Quand j’ai appris le montant de la caution, j’ai réellement compris que ce dossier était vide et que tout cela a une motivation politique», a-t-il déploré. Être jugée ! C’est pourtant tout ce que Mme Bouaré demande à la justice. Nous ne voyons pas en quoi juger un citoyen qu’on a accablé de tous les péchés d’Israël est devenu de la mer boire ? De toutes les manières, il est de notre devoir d’informer, de témoigner sur les conditions de détention au regard des droits fondamentaux et de dénoncer quand les choses ne se déroulent pas comme il le faut.

N’accablons par notre regard réprobateur les femmes qui ont la chance de finalement réussir à s’extraire des griffes de la justice. Au contraire, il faudra les aider à tourner la page pour avancer dans la vie. Entre-nous, quel être humain ne mérite pas une seconde chance pour se rattraper, se refaire afin de pouvoir se regarder dans le miroir, se faire réadmettre sur le banc de la société ?

Au finish, la prison n’est un bon endroit pour personne, à commencer par la Femme !

Moussa Bolly

Source: Le Matin

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