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L’œil de Le Matin : Des ambitions politiques noyées dans le rejet de la laïcité

De l’indépendance à nos jours, le Mali a toujours été une République laïque et cela n’a créé aucun problème. Bien au contraire,  ce choix a aussi été un socle de l’unité nationale et de la cohésion sociale. Et soudainement, certains se réveillent en faveur de la révision constitutionnelle pour coller au concept tous les péchés d’Israël. A croire que nous n’avons pas la même définition de la laïcité.

Rappelons que, selon des dictionnaires, le terme laïc vient de «laos», c’est-à-dire le peuple. Il s’oppose à «klêros» ou «clergé» qui constitue un groupe à part. La laïcité s’oppose donc au cléricalisme, à la reconnaissance d’une religion d’État. La laïcité suppose la séparation de l’État et des organisations religieuses. L’ordre politique est fondé sur la seule souveraineté du peuple, des citoyens. Et l’État, qui ne reconnaît et ne salarie aucun culte, ne régit pas le fonctionnement interne des organisations religieuses.

Le principe de la laïcité a donc pour conséquence la séparation de l’État et des organisations religieuses. La laïcité cherche ainsi à créer un cadre dans lequel les droits de tous dans la société sont protégés… Dans une exploration utile du terme, des spécialistes comme Jeremy Rodell identifie trois principes fondamentaux de la laïcité : la séparation institutionnelle, la liberté de croyance et l’absence de discrimination fondée sur la religion ! Ces conditions permettent aux «concepts concurrents de la bonne vie» d’être poursuivis dans la société

En tant que philosophie, la laïcité cherche à interpréter la vie à partir de principes issus uniquement du monde matériel, sans recours à la religion. Il déplace l’attention de la religion vers des préoccupations «temporelles» et matérielles. Ce concept implique la neutralité de l’Etat et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou de conviction. La laïcité garantit aux croyants et aux non-croyants le même droit à la liberté d’expression de leurs croyances ou convictions. Elle garantit la liberté de conscience. De celle-ci découle la liberté de manifester ses croyances ou convictions dans les limites du respect de l’ordre public.

La laïcité implique la neutralité de l’Etat et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou de conviction. Elle assure le libre exercice des cultes et la liberté de religion, mais aussi la liberté vis-à-vis de la religion : personne ne peut être contrainte au respect de dogmes ou prescriptions religieuses ! La République laïque impose ainsi l’égalité des citoyens face à l’administration et au service public, quelles que soient leurs convictions ou croyances. Elle n’est donc pas une opinion parmi d’autres, mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas une conviction, mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l’ordre public.

Comme l’a bien dit Amadou Tiéoulé Diarra (avocat), «ne donnons pas au mot (laïcité) le sens qu’il n’a pas ! Il n’empêche personne d’être musulman ou catholique ou païen». Il signifie, souligne-t-il,  «que nul autre ne possède de pouvoirs d’autorité publique que l’État ; il n’existe plus trace de noblesse territoriale dans la constitution (Diamanatigui) ; aucune fonction publique n’est l’apanage de dignitaire de culte ; aucun prêtre religieux ne possède, en cette qualité, de pouvoirs publics quelconques ; les cultes et l’administration sont nettement séparés…».

Dans une République, la laïcité est donc l’un des grands principes permettant à chacun d’être libre de croire en un Dieu ou plusieurs, de ne pas croire, de changer de religion, d’adopter ou d’abandonner une religion. Pourquoi vouloir remettre en cause ce qui a toujours été le socle de la cohésion nationale en favorisant la cœxistence pacifique de nos religions et le dialogue interreligieux ?

Ceux qui veulent remettre en cause le principe de la laïcité dans la nouvelle constitution, oublient que  toutes ces religions monothéistes sont venues d’ailleurs et que nous avions aussi  (et nous avons toujours) des croyances socioculturelles fortes régissant la vie en communauté et en société. Et malgré tout, on leur a fait de la place pour leur expansion. Et comme le dit si pertinemment un jeune leader politique, «si Soundiata n’était pas laïc, l’islam n’allait pas s’implanter dans le Mandé. Mais, les mosquées soninké y ont été tolérées quand elles étaient minoritaires».

En réalité, ces gens cherchent autre chose. Ils nourrissent d’autres desseins inavoués et inavouables ; ils nourrissent des ambitions politiques noyées dans la demande de rejet de la laïcité dans la nouvelle mouture de notre constitution. Le Chérif de Niono, après sa rencontre avec le Colonel-major Ismaël Maïga, a bien résumé la situation en rappelant, «les politiciens, et tous ceux-là qui font du bruit autour ce projet de constitution, veulent nous ralentir dans notre travail (de refondation). Pour moi, la laïcité est un faux débat. Ce qui compte est qu’il ne nous est rien imposé qui puisse porter préjudice à nos valeurs religieuses» !

Et c’est vraiment le plus important, l’essentiel pour tout bon musulman digne de ce nom !

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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