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Location de véhicules : La crise plombe ce business lucratif

Le contexte d’insécurité et de récession économique a un impact négatif sur les agences qui évoluent dans le secteur. Si certaines arrivent encore à tirer leur épingle du jeu, les opportunités d’affaires ont considérablement diminué

 

La location des véhicules est un business lucratif. Agences de voyage, vendeurs de voitures ou même des chauffeurs s’adonnent de plus en plus à cette activité. Ils louent les véhicules à des particuliers dans le cadre des voyages, des cérémonies de mariages et autres courses. Les Organisations non gouvernementales (ONG – nationales et internationales), les entreprises privées, les services publics louent également les véhicules pour leurs missions à Bamako et à l’intérieur du pays.

La jeune fille Bintou Diarra aime les excursions. «Une fois par mois, je sors avec des amis hors de Bamako histoire de déstresser. Nous cotisons et louons un véhicule pour le déplacement. On n’a jamais eu de problème avec les agences de location. Certaines sont strictes par rapport à l’heure de retour 23 heures ou 00 heure, selon les agences. Tant que tu ne dépasses pas ce délai, il n’y a pas de problème», raconte-t-elle.

A. Coulibaly, responsable d’un bureau d’étude, fait appel au service d’une agence de location de véhicules depuis des années. «Quand nous avons des missions, je sollicite Safety voyage et service. Je peux souvent louer plus d’une dizaine de véhicules quand nos experts viennent à Bamako. On n’a jamais eu de problèmes avec leurs véhicules. En plus, leurs chauffeurs sont assez professionnels», témoigne-t-il.

Le promoteur de l’agence de voyage Safety voyage et service explique que sa structure loue plusieurs marques de véhicules au demandeur, en fonction des moyens financiers de celui-ci. En la matière, la clientèle est variée, selon lui.

«Outre les organisations internationales, surtout les ONG, plusieurs secteurs de l’État louent nos véhicules dans le cadre des enquêtes. Pendant les activités de campagnes, les hommes politiques nous font recours pour mettre à leur disposition des véhicules. Des particuliers louent nos véhicules pour les cérémonies de mariages. Certaines personnes louent nos services quand leurs véhicules tombent en panne », explique Mory Sako.

Les frais de location sont fixés en tenant compte de beaucoup de facteurs notamment la durée de la location, la marque du véhicule et la distance à parcourir, précise le promoteur. «Nous signons des contrats d’une année avec certaines sociétés. Quelqu’un qui loue le véhicule pour un mois ou une année n’a pas le même tarif que celui qui le loue pour trois ou quatre jours. Celui qui loue nos véhicules pour la Région de Ségou n’a pas le même tarif que celui qui va à Gao. Il y a aussi ceux avec qui nous avons des partenariats. Leur prix sera forcément différent des autres», explique-t-il, ajoutant que l’activité nourrit son homme et crée beaucoup d’emplois. Lui-même emploie une vingtaine de chauffeurs et des gérants, argumente Mory Sacko.

L’INSÉCURITÉ- Comme difficultés, il déplore l’état des routes qui détériore l’état des véhicules. «Sur chaque litre de carburant que nous achetons, nous payons l’entretien routier mais les routes ne sont pas entretenus.

Nous interpellons l’État à accomplir son devoir car nos véhicules sont toujours en panne», proteste-t-il. S’y ajoute l’insécurité à laquelle ils sont de plus en plus exposés. «On a été victime de vol de véhicules, des chauffeurs ont été braqués et des véhicules enlevés», déplore Mory Sacko. Il dit ne pas avoir de problèmes avec les clients car leurs exigences en matière de qualité du service sont toujours satisfaites.

Comme lui, Nancouma Keïta est aussi dans la location de véhicules. Rencontré dans son parc à l’ACI 2000, il se plaint de la situation actuelle du pays qui a des impacts réels sur ses affaires. «Avec la maladie à coronavirus, ajoutée aux différentes crises que le pays a connues, la location ne marche plus comme avant», confie-t-il.

Dans cette activité depuis 2013, il dit n’avoir jamais travaillé avec les services de l’État. Il précise que le gros de sa clientèle est constitué de Chinois. Comme tout métier, il rencontre des difficultés dans l’exercice de son travail. Nancouma Keïta cite l’exemple de clients qui louent les véhicules et parcourent plus de distance que prévu en changeant de destination. Certains ne respectent pas le délai de remise du véhicule et refusent de payer le surplus, confie-t-il.

Le secteur est de plus en plus envahi par des individus qui évoluent dans l’illégalité. «Il y a des fonctionnaires qui se lèvent du jour au lendemain, achètent des véhicules et se lancent dans la location. Ils n’ont aucun document, ni agrément. Il faut que les autorités prennent des mesures. On ne peut pas prendre nos agréments, payer les impôts et être privés de nos marchés», interpelle Nancouma Keïta.

Son collègue Mamadou Séga Diallo dit «l’homme» plaide lui aussi pour assainir le milieu. «Tu embauches quelqu’un comme chauffeur aujourd’hui, demain il se lance dans la location de véhicules. Il ne paye ni impôt ni taxe et nous prend nos marchés. Plusieurs chauffeurs que nous embauchons sont devenus loueurs», explique-t-il. Selon lui, les clients sont généralement en contact avec les chauffeurs.

Quand ils n’arrivent pas à nous joindre, ils les appellent. Au lieu de nous en informer, ces derniers passent par l’intermédiaire d’un de tes proches pour sous-traiter le marché avec le client. Pourtant, ils n’ont ni bureau, ni aucune charge car ils évoluent dans l’illégalité, accuse celui qui évolue dans la location depuis une vingtaine d’années.

Son parc compte une dizaine de véhicules. Quand la demande est forte comme lors des grandes rencontres à Bamako telles que les sommets, les conférences de haut niveau, il sollicite la collaboration d’autres collègues. «Lors d’une rencontre de haut niveau qui devait se tenir à Bamako, on m’a demandé de fournir 108 véhicules. J’ai été informé à 18 heures. Le lendemain à 10 heures, j’ai pu mobiliser 125 véhicules», se targue-t-il.

Selon lui, le coût de la location dépend de la qualité du véhicule, de la distance et de la durée. «Par exemple, le véhicule V8 est loué entre 80.000 et 120.000 Fcfa par jour sans compter le carburant. Les petites voitures tournent entre 25.000 Fcfa dans la ville de Bamako et 30.000 à 35.000 Fcfa à l’intérieur du pays», explique l’homme.

ACCÈS DIFFICILE AU CRÉDIT- Il existe deux types de contrats de louage. «Des gens prennent le véhicule sans chauffeur. S’ils ont des garanties, nous faisons le contrat et leur donnons le véhicule sans chauffeur. Dans ce cas, tout ce qui arrivera au véhicule comme problème sera de leur responsabilité. Quand nous fournissons le chauffeur, nous sommes garant des dommages et charges. Si le véhicule tombe en panne, sur le champ nous envoyons un autre véhicule pour le remplacer», précise Mamadou Séga Diallo. Les frais de location sans chauffeur sont légèrement élevés pour décourager les clients à opter pour cela.

Depuis quelques années, le business connaît des difficultés. À cause de la crise sécuritaire. «La majeur partie de nos clients, ce sont les ONG et les agents qui installent les réseaux. Mais ces temps-ci, beaucoup d’activités sont à l’arrêt. Nous avons trop de problèmes sur le terrain. Certaines parties du pays sont inaccessibles à cause de l’insécurité.

Les bandits enlèvent le chauffeur et le véhicule. Même s’ils viennent à libérer le chauffeur, ils emportent le véhicule le plus souvent», explique «l’homme» qui déplore aussi les difficultés à obtenir des crédits auprès des banques. «Quand nous avons des missions, nous rencontrons des difficultés d’accès au crédit auprès des banques pour les préfinancer. Ce sont les entreprises de micro-finance qui nous accordent des prêts à un taux d’intérêt très élevé», relève Mamadou Séga Diallo. L’homme exhorte l’État à accompagner les Petits et moyennes entreprises (PME) et Petits et moyennes industries (PMI).

«90% des gens qui font la location de véhicules ne bénéficient pas d’aide. Nous contribuons à la création d’emplois. J’emploie une trentaine de chauffeurs à temps partiel. J’ai eu à placer une centaine de chauffeurs à Bamako et dans les régions», argumente Mamadou Séga Diallo. Il précise que personne n’est à l’abri des abus et des escroqueries de la part de certains clients véreux.

Il s’est fait voler une voiture qui ne lui appartenait pas. Trois personnes (des étrangers) l’ont approché pour louer cette voiture, sans chauffeur. Devant son refus d’accorder cette option, les clients ont fini par accepter l’offre avec chauffeur. Ils ont payé les frais de location pour une semaine à raison de 30.000 Fcfa par jour. Ainsi faisaient-ils la navette entre Bamako et Kati.

«Un soir, ils m’ont demandé la permission pour que le chauffeur puisse dormir chez eux. Le chauffeur a accepté. La nuit, pendant que ce dernier était dans les bras de Morphée, ils ont fermé la porte à clé et emporté le véhicule. Depuis, ils sont introuvables. J’ai dû rembourser le propriétaire du véhicule », raconte Mamadou Séga Diallo. Depuis, il exige des garanties pour louer ses véhicules. Comme le dit le dicton : «Chat échaudé craint l’eau froide».


Aminata Dindi SISSOKO

Source : L’ESSOR

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