Jamais le retour à son pays natal d’un citoyen n’a suscité autant de tollé et n’a ébranlé autant la République que celui de l’Imam Mahmoud Dicko. Parti en Algérie pour des soins, ne faisant pas l’objet ni d’un mandat d’arrêt émis à son encontre, encore moins d’une plainte pour quelques motifs qu’ils soient, l’Imam Dicko est aujourd’hui considéré comme un pestiféré par les autorités de son propre pays.
En effet, le retour au Mali de l’autorité morale du Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces Patriotiques M5 RFP, avait été annoncé pour le vendredi 14 Février 2025, mais il n’a finalement pas eu lieu .Face à ses adeptes, prêts à sortir en masse pour l’accueillir , les forces de l’ordre déterminées à empêcher tout rassemblement avaient été mobilisées par milliers pour la circonstance et ont investi l’aéroport et toutes les voies menant à cet endroit où devrait atterrir l’avion de l’Imam Dicko. La question qui taraude les esprits est de savoir pourquoi le retour de l’Imam Dicko a-t-il suscité une telle mobilisation des forces de l’ordre ? Pourquoi les forces de l’ordre étaient-elles en état d’alerte maximum comme pour traquer un grand terroriste ?
Les autorités, en prenant de telles dispositions pour le retour de l’Imam Dicko au Mali, semblent avoir leurs bonnes raisons de le faire, mais pour les citoyens lambda, tout comme les partisans de la paix sociale, de la concorde, du vivre ensemble et de la réconciliation, aucune raison ne saurait justifier ce branle-bas de combat. Dans tous les cas de figure c’est un énième rendez-vous manqué pour les autorités d’amorcer véritablement la réconciliation tant souhaitée et scandée à coups de renforts médiatiques. Tous les observateurs s’accordent à dire que l’ancien Président de la Commission des bons offices et non moins ancien Président du Haut Conseil Islamique du Mali, est une figure incontournable dans le processus de paix et de réconciliation entamé par les autorités. Il est le seul capable aujourd’hui de fédérer toutes les couches sociopolitiques et est à même de parler à tous les protagonistes, autorités maliennes, ex rebelles, et même ceux qui sont qualifiés de terroristes. Doit-on se passer d’une telle personnalité ? La réponse est sûrement non. Ne serait-ce qu’au regard du rôle éminemment important qu’il a joué dans le combat contre les dérives du régime défunt d’IBK, l’autorité morale, titre que ses compagnons de lutte lui ont attribué, ne mérite pas l’ image que l’on veut lui coller . Qu’il soit dit en passant sans Dicko la révolution allait échouer. Relégué au rang de paria par les autorités de son pays, l’Imam Mahmoud Dicko est devenu persona non grata au Mali d’où la fébrilité des gouvernants à l’annonce de son retour.
Pourquoi le retour de l’Imam Dicko a-t-il suscité une telle mobilisation des forces de l’ordre ?
Le dispositif sécuritaire mis en place par le gouvernement pour empêcher les partisans de l’Imam Dicko de se regrouper à l’aéroport et tout au long de la route afin de réserver un accueil digne d’un héros qui rentre à la maison après une bataille victorieuse, n’avait rien à envier au dispositif d’une armée pour traquer un grand terroriste. Les informations circulant sur les réseaux sociaux font état de plus de 1500 hommes, policiers et gendarmes réquisitionnés pour le maintien d’ordre. Tout ça pour ça s’indigne un observateur de la scène politique. Le hic est que l’Imam Mahmoud Dicko ne fait l’objet d’aucun mandat d’arrêt encore moins d’une condamnation pour un acte qu’il a posé. D’après certaines indiscrétions, son tort serait simplement son long séjour en Algérie, au cours duquel il aurait eu des échanges avec ceux qui sont en rupture de ban avec la République et qui ont pris des armes contre le Mali, à savoir les ex Rebelles et même avec les autorités algériennes. Ces allégations ont été rejetées en bloc par l’Imam, qui, dans une vidéo a clairement expliqué les raisons de son séjour en Algérie et celles de ses rencontres avec les autorités et même les ex rebelles Touaregs. Pour bon nombre d’observateurs, les raisons sont à chercher ailleurs. Selon des sources bien introduites l’Imam fait plutôt peur aux autorités, sachant bien sa capacité de nuisance elles craignent qu’il ne cristallise toutes les frustrations pour en faire une armée de combat et mettre en mal le régime de transition et pourquoi pas arriver à bout des autorités actuelles.
Pourquoi les forces de maintien d’ordre étaient-elles d’ailleurs en état d’alerte maximum comme pour traquer un grand terroriste ?
Il était vraiment rare de voir un tel dispositif sécuritaire à Bamako avec des consignes fermes comme si on était en train de traquer un grand terroriste. Bamako a été quadrillé par un imposant dispositif sécuritaire au motif d’assurer le maintien d’ordre pour éviter tout dérapage. Pour Rappel ce dispositif sécuritaire a été déployé à l’aéroport, tout au long de la route et même des patrouilles dans les grandes artères et dans les rues de Bamako pour empêcher tout attroupement des partisans de l’Imam Dicko. Jamais l’annonce du retour d’une personnalité fut-il l’Imam Dicko, n’a suscité autant de remous au point de faire trembler la République. Les forces de l’ordre étaient en état d’alerte maximum et les populations étaient inquiètes des risques d’affrontements. La mobilisation sécuritaire fut finalement une pure perte car l’Imam Dicko n’est pas venu !
En définitive, c’est incontestablement un énième rendez-vous manqué par les autorités. Celui d’amorcer un véritable tournant vers la réconciliation des cœurs et des esprits. Les autorités en adoptant l’option du rapport de force, semblent ouvrir une boîte de pandore aux conséquences incommensurables pour la paix et le vivre ensemble. Elles ne doivent pas voir en Dicko un adversaire ou un ennemi irréductible, mais plutôt quelqu’un qui peut jouer un rôle très important dans la promotion de la paix, de la réconciliation et du vivre ensemble. Donc il vaut mieux l’avoir avec soi plutôt que de l’avoir contre soi.