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Licenciement abusif : Correa Jean-Brith accuse le lycée français Liberté

Dans une longue lettre adressée aux parents d’élèves et dont une copie nous est parvenue, un professeur d’Education physique et sport (EPS) accuse le lycée français Liberté de l’avoir «licencié pour être tombé malade». Et cela en violation des lois malienne et française en la matière.

 

 Sous contrat, il s’est fait licencier après être tombé malade ! C’est le triste sort que le lycée français Liberté a réservé à l’un de ses professeurs d’EPS, Jean-Brith Corréa. «Chers parents d’élèves de l’établissement Liberté, je me permets de vous écrire pour vous faire connaître la situation dans laquelle je me trouve depuis avril 2021 : L’APEEL (association des parents d’élèves) et la direction du lycée ont en effet profité de mon absence pour raisons médicales pour me licencier. Et ce en dépit de toute considération humaine, de la loi malienne et des valeurs de l’école de la République ou plus simplement de la République française», a déploré l’infortuné dans une longue lettre adressée aux parents et dont nous avons pu nous procurer une copie.

Entre ses premiers symptômes apparus aux alentours de janvier 2020, dit-il, l’absence de visite médicale annuelle professionnelle (prévue par le Code du travail malien) et la situation de pandémie avec des frontières fermées jusqu’en juillet 2020, ce n’est qu’à l’été de la même année qu’il a appris qu’il était atteint d’une maladie rare classée en «Affection Longue Durée» (ALD). «Une maladie qui aura nécessité deux interventions chirurgicales assez lourdes au cours de la seconde vague de la pandémie du Covid-19, entraînant ainsi une absence de plus de six mois…», rapporte le professeur. Et de préciser, «ce congé maladie a été constamment justifié par des arrêts maladie transmis en temps et en heure à mon employeur et à la direction».

En plus de la perte de salaire due au congé maladie, les «oublis de mon employeur quant à ses obligations patronales» l’ont condamné à se retrouver sans aucune ressource pendant une longue période. «C’est seulement grâce au soutien de la famille et des amis que j’ai pu survivre et même revenir à Bamako en mai 2021 avec l’idée de retrouver mon poste, ma santé s’étant améliorée», a précisé M. Corréa dans sa missive.  Hélas, il était loin d’imaginer que sa maladie lui avait coûté son boulot à son absence. En effet, a-t-il rappelé, «j’ai formulé une demande pour réintégrer mon poste sans obtenir de réponse ni de l’APEEL ni de la direction ou encore de l’ambassade (l’ambassade de France à la tutelle du lycée)».

Pis, sa lettre de licenciement lui a été envoyée «sans avertissement ni explication». Ce fut évidemment «un choc pour moi alors que j’étais en pleine convalescence». Selon nos investigations, le droit malien ne permet pas de licencier pour cause de congés maladie. Une suspension est prévue pour un éventuel remplacement. Mais, a déploré le professeur d’EPS, «cela n’a jamais été mis en place».

Et selon un spécialiste consulté, l’article 34/alinéa 5 du Code du travail malien, cité en référence pour justifier son licenciement, s’applique en réalité aux «personnels détenus en prison». Certes l’intéressé a saisi le tribunal du travail, qui instruit en ce moment le dossier. Mais, c’est surtout le choc psychologique qui l’a réellement ébranlé «Autant que la dimension juridique, c’est l’absence totale de toute considération humaine qui me marque. Pendant toute cette période, j’ai alerté au maximum (ambassade, AEFE, ministères…). Mais, mes appels à l’aide sont restés sans réponse», a-t-il dénoncé.

Harcelé pour son engagement syndical ?

Et d’ajouter, «en aucun moment, l’APEEL et la direction n’ont daigné me recevoir, répandant au contraire des accusations calomnieuses à mon égard auprès de parents et de collègues, et se contentant de me demander mon adresse afin de me faire parvenir un solde tout compte. Un solde tout compte que j’ai préféré ne pas encaisser non seulement parce que la somme de ce chèque ne correspondait à rien mais surtout parce que la manière de faire est irrespectueuse et indigne de la personne que je suis et des services rendus». C’est un huissier que le lycée lui a envoyé en dernier ressort.

Dans cette lettre de licenciement, l’APEEL justifie sa décision par la «désorganisation du service fait de votre absence» et par la «nécessité» de le «remplacer définitivement». Et de préciser, «la date de notification» de sa décision «fixera le point de départ du préavis de 3 mois à l’issue duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu».

Mais, l’intéressé explique «cet acharnement» par ses activités syndicales de représentant du personnel en contrat local… «Je ne peux m’empêcher de penser que vous, parents, ne pouvez être solidaires de ces décisions prises en votre nom par l’APEEL et la direction qui ne respectent ni les valeurs de la France ni les lois du Mali, et que vous êtes soucieux d’une gestion transparente et humaine de l’établissement dans lequel vous avez fait le choix de scolariser vos enfants», a souligné M. Jean-Brith Corréa dans sa lettre.

Et tout ce qu’il demande aujourd’hui, c’est d’être «rétabli dans mes droits (je n’ai rien touché, ni solde tout compte ni indemnités de licenciement ni les trois mois de préavis instaurés par la loi…) et que personne, à l’avenir, n’ait à subir cette situation inhumaine d’un licenciement pour cause de maladie grave». Et la première chose qu’il a demandée à la justice est sa «réintégration immédiate».

Certains parents que nous avons pu identifier et interroger n’ont pas caché leur conviction que la direction de l’établissement se cache derrière l’APEEL pour «faire passer beaucoup de choses»… Et cela, ont-t-ils rappelé, parce que les «contrats locaux» de cette école vont en grève plusieurs fois dans une année scolaire. Pour ceux d’entre eux (contrat locaux) qui acceptent de témoigner sous anonymat, leurs salaires et leurs conditions de travail sont nettement inférieurs à ceux des professionnels venant de France et travaillant pour l’éducation nationale française dont les conditions d’embauche sont nettement meilleures. Pourtant, disent-ils, «nous effectuons exactement les mêmes travaux et nous sommes soumis aux mêmes exigences professionnelles».

L’équité ne serait-elle pas responsabilités égales, salaires égaux ? Même si les primes (d’expatriation par exemple) peuvent faire une légère différence !

Kader Toé

Source : Le Matin

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