Au moins 44 migrants ont été tués et une centaine blessés dans une frappe contre un centre de détention près de la capitale libyenne Tripoli, un raid condamné mercredi par la communauté internationale et dénoncé comme un possible «crime de guerre» par l’ONU.
La frappe aérienne menée mardi tard le soir à Tajoura a été attribuée par le gouvernement d’union nationale (GNA) basé à Tripoli aux forces rivales de Khalifa Haftar engagées dans une offensive pour s’emparer de la capitale d’un pays plongé dans le chaos depuis 2011.
Le centre de détention abritait environ 600 migrants, en majorité érythréens et soudanais, et deux de ses cinq hangars ont été touchés et fortement endommagés, selon le responsable du centre Noureddine al-Grifi.
«Ce carnage ignoble et sanglant» est «une conséquence des plus horribles et tragiques» de «l’absurdité de cette guerre», a estimé l’émissaire de l’ONU, Ghassan Salamé, dans un communiqué de la Mission des Nations unies en Libye (MANUL).
Selon le texte, au moins 44 migrants ont péri et plus de 130 ont été grièvement blessés dans ce centre à Tajoura, une banlieue est de Tripoli.
Quelque 120 migrants étaient détenus dans le hangar n°3 quand il a été touché à 23h34, a indiqué M. Grifi.
Sur le sol du hangar, restes humains, couvertures maculées de sang, débris et morceaux tordus de la structure métallique du bâtiment entourent un cratère de trois mètres de diamètre, a constaté un journaliste de l’AFP.
«Les trois PAS»
Dans un communiqué, le GNA, reconnu par l’ONU, a dénoncé «un crime odieux» et accusé les forces du «criminel de guerre, Khalifa Haftar», l’homme fort de l’est libyen, d’avoir mené une attaque «préméditée».
C’est la deuxième fois que ce centre pour migrants est touché depuis le début de l’offensive des pro-Haftar.
Les forces de M. Haftar n’ont pas réagi aux accusations du GNA. Mais des médias pro-Haftar ont fait état mardi soir d’une «série de raids aériens» à Tripoli et Tajoura. Ce secteur abrite plusieurs sites appartenant aux groupes armés pro-GNA et est régulièrement la cible de raids aériens des pro-Haftar.
Après ce carnage, des ONG ont fait part de leur «effroi». L’Union européenne a condamné une «horrible attaque» et s’est associée à l’appel de l’ONU pour l’ouverture d’une enquête. L’Union africaine, la France et l’Italie ont également condamné la frappe.
Ankara, qui soutient militairement le GNA, a qualifié l’attaque de «crime contre l’humanité».
Sur Twitter, le chef du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a porté «trois messages clés: les migrants et réfugiés ne doivent PAS être en détention, les civils ne doivent PAS être des cibles, la Libye n’est PAS un lieu sûr pour un renvoi» des migrants.
Le porte-parole du HCR s’est dit inquiet face aux « rumeurs » selon lesquelles le centre servait de «dépôt d’armes».
Médecins Sans Frontières (MSF) a réclamé «l’évacuation immédiate des réfugiés et migrants enfermés dans des centres de détention à Tripoli».
Transférer les migrants
Les agences de l’ONU et organisations humanitaires rappellent régulièrement leur opposition à ce que les migrants arrêtés en mer soient ramenés en Libye.
La Libye est en proie à des luttes de pouvoir et à l’insécurité avec de multiples milices qui font la loi depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi après une révolte en 2011.
Malgré une insécurité persistante, ce pays reste un important point de transit pour les migrants fuyant les conflits et l’instabilité dans d’autres régions d’Afrique et du Moyen-Orient.
La Manul a maintes fois exprimé son inquiétude sur le sort d’environ 3500 migrants et réfugiés «en danger dans des centres de détention situés près de zones d’affrontements».
«Nous devons garantir immédiatement des mesures sérieuses de protection et, en particulier, transférer les migrants se trouvant dans les installations d’accueil à l’abri des combats», a dit le chef de la diplomatie italienne, Enzo Moavero.
Les pro-Haftar ont promis cette semaine d’intensifier les raids aériens contre les forces du GNA, après avoir perdu Gharyan, ville au sud de Tripoli dont le maréchal avait fait son centre opérationnel dans la bataille de Tripoli, à plus de 1000 km de son bastion de Benghazi.
Les deux camps rivaux s’accusent mutuellement de recourir à des mercenaires et de profiter du soutien militaire, y compris aérien, de puissances étrangères.
Avec lapresse