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Libération des otages au Niger: «AQMI a tout fait pour les protéger»

ministres français Jean-Yves Le Drian ministre defense Laurent Fabius  ministres Affaires étrangères président  Niger Mahamadou Issoufou

On devrait au fil des heures en savoir davantage sur les conditions de détention de ces quatre hommes et sur les conditions de leur libération. Les opérations de libération d’otages sont toujours extrêmement délicates, encore plus dans le contexte régional sahélien avec l’intervention militaire française au Mali pour combattre Aqmi. Décryptage avec Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte anti-terroriste à la DST, la Direction de la sûreté du territoire.

Pour vous cette libération, c’est l’aboutissement d’un mécanisme ?

C’est l’aboutissement d’abord de très bons contacts, puisque le président l’a souligné, le Niger a joué un rôle clef dans cette affaire. Ce qui veut dire que les otages avaient pour les terroristes une valeur considérable, parce qu’en début de l’intervention française, pendant l’opération Serval, ils tenaient à avoir en vie ces otages. Parce que vraisemblablement, ils ont libéré ces otages en échange d’une rançon. Je ne vois pas d’autre possibilité en dehors du paiement d’une rançon, parce que malgré tout le talent du président de la République du Niger et des négociateurs, je ne vois pas pour quelle raison les gens d’AQMI auraient libéré des gens qu’ils détiennent depuis trois ans, uniquement pour faire plaisir à la France. C’est une bonne chose. Nos compatriotes sont sains et saufs, c’est la meilleure nouvelle qui pouvait arriver.

Quand vous dites, la France, est-ce le gouvernement – François Hollande avait dit qu’il ne paierait plus de rançon -, n’est-ce pas plutôt Areva, Vinci, Satom, les sociétés concernées, qui ont pu payer ?

Il est vraisemblable que ces sociétés -qui avaient engagé des négociations à travers M. Gadoullet (ancien colonel, il a notamment oeuvré pour la libération de Françoise Larribe NDLR) et d’autres- sont tout à fait disposées à payer. Alors il est vraisemblable que le gouvernement n’a pas payé, et respecte son engagement à ne pas payer, mais d’autres ont payé. Mais je ne pense pas que ce soit un sujet de polémique, ce qui est important, c’est que les otages soient libérés.

Quand vous avez-vous ces combats au nord du Mali entre l’armée française et les probables ravisseurs, n’avez-vous pas été très inquiets ?

Il était certain que, compte tenu de l’attitude de la France qui a stoppé l’invasion d’AQMI, il pouvait y avoir des risques de représailles. Pour autant, nous avons vu qu’AQMI a géré, et les a vraisemblablement mis à l’abri. En dépit de toutes les opérations qui ont été tentées dans le nord du Mali, dans le massif des Iforas, où l’on pensait que les otages étaient détenus, AQMI a vraisemblablement pris la décision de les faire sortir du Mali, et de les cacher dans le nord du Niger ou dans le sud de la Libye, où ils avaient toute liberté et à l’abri des services français. Donc vraiment, ce qui est rassurant, c’est que ces otages étaient détenus depuis trois ans, ils avaient une grande valeur pour l’organisation, et qu’elle a tout fait pour les protéger.

Iyad ag Ghali, chef rebelle islamiste a-t-il joué un rôle pour les libérer ?

C’est une des filières possibles, puisqu’il a déjà joué un grand rôle par le passé, et qu’il est toujours lié à cette mouvance AQMI, Belmokhtar, etc. Et cette mouvance a un besoin financier. Et il est évident que le paiement de cette rançon va leur permettre de poursuivre leurs activités.

Où étaient-ils ces derniers mois ?

Je pense plus au sud de la libye qu’au sud de l’Algérie. Il y a tellement de troupes dans le sud de l’Algérie, qu’il aurait été difficile pour des gens d’AQMI de se maintenir et d’assurer leur protection, parce qu’ils risquaient des attaques à tout moment de l’armée algérienne qui avait déployé énormément de troupes dans le sud. Donc ils étaient plutôt dans ce ventre mou que constitue le sud de la Libye, où AQMI a toute liberté pour disposer de caches, et éviter des actes de représailles.

Ce qui veut dire que les successeurs d’Abou Zeid disposent de nouvelles sommes d’argent ?

Oui, ils continuent de toute façon à en avoir parce qu’ils se livrent à toutes sortes d’activités comme le trafic de drogue. Ils inscrivent leurs actions sur la durée et donc ne sont pas pressés. Ils ont perdu une bataille, ils se sont repliés, ils attendent, parce qu’ils sont persuadés que leurs idées, leurs combats sont légitimes, et qu’ils le reprendront progressivement en menant des opérations comme ils le font ponctuellement, en menant une guerre asymétrique, comme en Afghanistan.

La libération des quatre otages est-elle une bonne nouvelle pour les deux autres détenus au Sahel ?

Oui, ça veut dire que les autres organisations ont tout intérêt à les conserver en vie pour en tirer un avantage. Et je pense qu’elles sont plutôt dans cette logique d’avoir des otages en bonne santé et en vie, pour pouvoir négocier et en tirer un avantage.

Jusqu’à présent les négociateurs étaient plutôt du côté de Bamako ou de Ouagadougou. Niamey, c’est nouveau, non ?

Oui, mais si vous voulez, la famille touareg est une grande famille qui se déplace en permanence, donc, il est évident que des touaregs au Mali ou au Niger ont les bons contacts pour arriver jusqu’aux gens qui détiennent les otages. C’est à travers cette communauté qu’il a du y avoir une facilité pour arriver au bout de la négociation.

Donc le conseiller touareg à la présidence nigérienne, M. Akotey a joué un rôle clef ?

Oui, d’autant que M. Issoufou est très lié à la France, et il tenait à montrer, suite à l’opération d’Arlit, que son pays était aux côtés de la France et qu’il a mis tous les moyens pour que les otages soient libérés. Il pouvait être inquiet des actions des terroristes, et en particulier du groupe Belmokhtar, puisqu’il y a eu des opérations à Niamey, à Agadez, il a tout intérêt à ce que la France le soutienne.

Qui joue un rôle clef auprès de François Hollande ?

C’est la DGSE qui a en charge par principe toutes les questions concernant la libération des otages. Elle a l’exclusivité de ces dossiers. Et c’est tout à fait logique parce qu’elle a une parfaite connaissance de cette zone et des relations avec les chefs d’Etat africains. Je crois qu’au cours de ces trois ans, la DGSE n’a cessé de travailler, pour que les otages soient libérés, et c’est donc une victoire pour elle.

Y a-t-il eu une différence d’approche entre Nicolas Sarkozy et François Hollande ?

Je crois que les deux chefs d’Etat ont tout fait pour que nos compatriotes soient libérés. Les chefs d’Etat s’appuient sur les services, et les services avant et après Hollande sont les mêmes. Je crois que les services secrets sont bons en permanence.

 

Source : RFI

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