Retirer les parcelles à ceux qui les ont acquises, régulièrement, avant même qu’il ne soit nommé PDG de l’ACI (Agence de Cession Immobilière). Ensuite, les revendre à ses proches, en l’occurrence, son neveu, étudiant vivant chez lui. Une pratique, reprochée à Mamadou Tiéni Konaté, ex- PDG de l’ACI (Agence de Cession Immobilière) dans le viseur des opérateurs économiques.
Certains menacent de porter plainte contre lui, devant les tribunaux, pour « détournement du bien d’autrui » ; d’autres, de passer par d’autres moyens pour rentrer en possession de leurs parcelles à usage d’habitation « régulièrement acquises ». Dans un camp, comme dans l’autre, la colère le dispute à l’indignation.
Au rang de ses victimes, on peut citer, entre autres, Ibrahima Karagnara, opérateur économique ; Issaka Sidibé, ancien président de l’Assemblée nationale ; Abba Maïga, Ousmane Maïga, ancien directeur général de l’OMH…
L’ACI, de charybde en Scylla
Ancien président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali, Mamadou Tiéni Konaté avait été parachuté à la tête de l’ACI à la place de Cheick Siddiya Sissoko dit Kalifa, nommé ministre de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Affaires Foncières.
Trois ans après, L’ACI était au bord de la banqueroute. Selon le rapport de l’inspection des finances, son déficit était estimé à plus de 2 milliards CFA. S’y ajoute un climat délétère entre lui et les travailleurs de l’entreprise. Qui menaçaient d’aller en grève…illimitée. A cause, notamment, de sa gestion jugée « familiale » des parcelles de l’ACI.
A la mi-décembre 2020, il est limogé. Brutalement. Mais, un an après, la colère de ses victimes n’a d’égale que leur indignation, face à ce qu’elles considèrent comme une « spoliation arbitraire » au profit de Papa Oumar Samaké, son neveu, étudiant vivant sous son toit.
La stratégie de Mamadou Tiéni Konaté était simple. Elle consistait à spolier les acquéreurs, qui avaient acquis leurs parcelles bien avant qu’il soit nommé PDG de l’ACI. Avant de les revendre à son neveu, Papa Oumar Samaké, étudiant. D’où la question : avec sa misérable bourse, un étudiant peut-il se tailler de s’acheter des parcelles de terrain à usage d’habitation à l’ACI, avec le prix du mètre carré oscillant entre 5 et 10 millions CFA ? Qui est l’acquéreur anonyme, qui se cache derrière cet étudiant ?
Quatre parcelles vendues à son neveu, étudiant, le même jour, au mépris des procédures
Les quatre parcelles, issues du morcellement du terrain de sports n°3095, initialement prévu comme « équipement collectif dont le changement de vocation est intervenu suivant l’arrêté n°015-G-DB-CAB du 1er septembre 2015 » en est la parfaite illustration.
Issues du titre foncier n°1339, situé à l’ACI 2000, ces quatre parcelles avaient été retirées à ses légitimes acquéreurs. Avant d’être revendues à son neveu étudiant. En l’occurrence, Papa Oumar Samaké. Pire, sans passer par la traditionnelle vente aux enchères.
Dans une lettre confidentielle datée du 10 avril 2020, Mamadou Tiéni Konté avoue, en ces termes, que les quatre parcelles ont été vendues à son neveu étudiant. Par cession directe. C’est à dire, sans passer par le traditionnel processus de vente aux enchères.
« Nous vous informons que les quatre parcelles vendues à Monsieur Papa Oumar Samaké, ainsi que toutes les autres parcelles issues du lotissement Hamdallaye ACI 2000, dans sa mise à jour 2015, n’ont pas vendues aux enchères ».
« Au regard des constatations ci-dessus énumérées, la mission recommande à l’attention du PDG de l’ACI d’annuler la vente des quatre parcelles au sieur Papa Oumar Samaké et de soumettre à la vente aux enchères les quatre parcelles, conformément au mandat MFC-ACI du 30 mars 1994, donné par le ministre des Finances et du Commerce à l’ACI-SA) », rappelle la mission de vérification à Mamadou Tiéni Konaté, PDG d’alors de l’ACI.
Et son ministre d’alors, Imrane Abdoulaye, qui se doutait bient qu’il y avait anguille sous roche, de le rappeler à l’ordre. C’était, dans une lettre confidentielle du 19 mars 2020.
« Il m’a été rapporté que le titre foncier n°1339 de Bamako a fait l’objet de morcellement et il en a résulté quatre parcelles, qui ont fait l’objet de cession à la même personne, le sieur Papa Oumar Samaké et le même jour. Si tel est le cas, je vous demande de m’indiquer les motivations qui ont prévalu au morcellement et à la cession des parcelles à la même personne, ainsi que les conditions dans lesquelles la cession a été effectuée », écrit le ministre Imrane dans sa lettre.
Une affaire pendante devant la justice
Parmi les personnalités spoliées, par Mamadou Tiéni Konaté, Ibrahima Karagnara, opérateur économique, bien connu.
Après la revente de ses parcelles, par Mamadou Tiéni Konaté, à un certain Mohamed Moussa Soumaré, son avocat, Feu Me Magatte Seye saisit le directeur des Domaines et du Cadastre en ces termes :
« Mon client, Mr Ibrahima Karagnara a acquis, auprès de l’ACI trois parcelles n°04/2433, n°04/3027 et n°04/3028, toutes sises à Hamdallaye ACI 2000. Conformément aux ordres de paiement établis par l’Agence de Cession Immobilière (ACI), Mr Karagnara s’est acquitté d’un montant de 686,8 millions CFA.
Nonobstant ces paiements, il fût surpris d’avoir été informé, par l’ACI, que lesdits paiements qu’il vient d’effectuer ne concernaient que les deux parcelles n°04/2433, N°043027 et que la troisième parcelle n°04/3028 avait été vendue à un certain Mohamed Moussa Soumaré », écrit-il. Avant de porter l’affaire devant les tribunaux.
D’autres opérateurs économiques lui ont emboité le pas, apprend-t-on de sources concordantes.
Le fameux étudiant, acquéreur, aussi, d’un bâtiment administratif
Mais, comme à l’accoutumée, Mamadou Tiéni Konaté tente de convaincre son ministre que la vente de ces quatre parcelles, le même jour, à un étudiant, sans passer par le traditionnel processus des ventes aux enchères, était normale. Sans succès.
Plus grave encore, sur les formules de vente, Papa Oumar Samaké était, tantôt, présenté comme étudiant. Comme en témoigne sa carte NINA, dont le canard déchaîné s’est procuré copie. Tantôt, présenté comme « opérateur économique ».
Selon nos informations, ce fameux étudiant serait, aussi, l’heureux acquéreur d’un bâtiment administratif, estimé à plusieurs centaines de millions de nos francs.
Nous y reviendrons dans notre prochaine édition.
Oumar Babi
Source : Canard Déchaine