Depuis plus de cinq mois que le cercle de Niono est en proie à une crise sécuritaire marquée par une emprise totale qu’exercent les groupes djihadistes sur les localités de cette circonscription administrative, que n’a-t-on pas essayé pour résoudre cette crise sécuritaire ?
Le mode de solution privilégié, par tous, a été la voie du dialogue et à cet effet, nombreuses ont été les actions entreprises par les uns et par les autres en vue d’amener les protagonistes à la réconciliation. C’est dans ce cadre qu’un médiateur patenté, un homme hors du commun, s’est attelé à la recherche de solutions. Il s’agit de Komane Tanapo, un marabout vivant dans la région de Ségou et dont l’activité de prédilection est d’œuvrer pour la consolidation de la paix et le vivre ensemble entre les communautés maliennes depuis des décennies. Sa largesse ne souffre d’aucune ambiguïté et il affectionne mener ses activités de conciliation et de réconciliation dans la plus grande discrétion. Comme pour mieux légitimer ses actions, le ‘’médiateur’’ Komane Tanapo a jugé bon et utile d’associer, à ses actions, le Haut Conseil Islamique Malien (HCIM) et d’autres personnalités engagées depuis des années dans la résolution de la crise au centre du Mali. S’accommodant de l’appel à lui lancé par Komane, le HCIM a accepté de faire sienne la recherche de solutions pour pacifier le cercle de Niono en général et particulièrement la localité de Farabougou qui a été le foyer de cette insécurité.
Ainsi, l’organisation faîtière des musulmans du Mali avait rencontré, le dimanche 14 mars 2020, des groupes protagonistes de la crise sécuritaire dans le cercle de Niono. Il y avait comme participants à cette rencontre, d’un côté, une centaine de chasseurs traditionnels communément appelés ‘’dozos’’, et de l’autre côté une centaine de djihadistes de la katiba Macina affiliée au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et donc à Al-Qaïda au Maghreb islamique. Tous les éléments de ces deux groupes portaient des armes tandis qu’en face d’eux il y avait un groupe de huit médiateurs membres du HCIM qui ont reçu mandats des autorités de la transition, pour les besoins de médiation. S’il est vrai qu’au sortir de la rencontre tripartite entre les Dozos, les Djihadistes et le HCIM, une espèce de scepticisme avait plané du fait que les djihadistes avaient exigé le ‘’décampement’’ des FAMA de la localité de Farabougou, il faut dire que cette exigence n’a entamé en rien le dévouement des membres du HCIM pour parvenir à résoudre le défi sécuritaire dans le cercle de Niono.
Et cela leur a bien réussi étant donné que leur entreprise a bien pu conduire à la levée du blocus de Farabougou et c’est ce qui a fondé M. Diallo un autochtone de Farabougou, à témoigner « nous sommes très émus et contents de rentrer tout de suite à Farabougou. Après un blocus de plus de 05 mois, nous voilà avec les chasseurs Dozos, les peuls, la délégation du Haut Conseil Islamique, les facilitateurs. La population est sortie massivement ! Nous remercions Dieu le Tout Puissant qui nous a montré ce jour. C’est un jour historique pour Farabougou et pour l’ensemble du Mali. Nous confirmons ici et tout de suite que Farabougou est complètement libéré. Et cela grâce à la médiation de beaucoup de personnes à savoir, la délégation du Haut Conseil Islamique, des facilitateurs, des Dozos, des Djihadistes, de tout le monde. C’est un grand effort fourni par l’ensemble de la population aussi qui nous ont accompagné du début jusqu’à aujourd’hui. Nous remercions le Grand Dieu ».
Comme pour se réjouir de cette prouesse réussie par les religieux musulmans, nombreux sont ceux qui soutiennent que pour une fois, le HCIM honore son rôle de vraie interface. Cette observation est d’autant pertinente quand on sait que depuis 19 ans qu’il existe, c’est pour la toute première fois que le Haut Conseil Islamique Malien (HCIM) s’est investi dans la résolution d’une crise sécuritaire de cette envergure. Rappelons que le Haut Conseil Islamique Malien (HCIM) est une structure créée en janvier 2002, regroupant des associations religieuses musulmanes et ayant pour objectif de faire l’interface avec les autorités.
Sous la présidence de Thierno Hady Boubacar Thiam (2003 à 2008) presque toutes les actions posées par le HCIM se rapportaient essentiellement aux questions de dogme et de culte.
Ensuite vint la présidence de Mahmoud Dicko (2008-2019) où il y a eu une presque ‘’immixtion’’ du religieux dans le domaine politique. Toute chose qui a été à l’origine de nombreux remous socio-politiques qui n’ont contribué qu’à rendre délétère une situation naguère précaire. Enfin vint la présidence Ousmane Madane Haïdara, la période que nous vivons présentement.
Depuis avril 2019 que les rênes du HCIM ont échu à Haïdara, la faîtière des musulmans du Mali semble vouloir garder ses distances avec le microcosme politique, mais tout en gardant un regard inquisiteur sur la vie de la Nation. Nul n’est besoin de dire que les maliens préfèrent de loin, cette attitude d’efficacité dans la discrétion du HCIM, plutôt que celle qui consiste à constamment chercher des poux aux autorités publiques.
El Hadj Mamadou GABA
Source : Le Soir De Bamako