Oui cher grand-père ! Imagine une démocratie des militaires. Une belle démocratie des porteurs d’armes et de feu. Des élections, législatives et une présidentielle entre la garde nationale, les forces spéciales, l’armée de terre et l’armée de l’air. Des candidats, sûrement les plus hauts gradés ou les commandants en chef. Une très belle démocratie des soldats !
Imagine leur campagne ! Là où un chef militaire dit à ses subalternes : “Votez pour moi. Quand je gagnerai, je renforcerai la garde. Elle sera la mieux équipée, la mieux outillée et la mieux placée”. D’un autre côté, un autre qui hurle : “C’est nous qui sommes nombreux. Nous avons la plus grosse artillerie. Nous commandons la terre. La guerre, c’est nous”.
Au même moment, un autre qui change le béret pour que les siens soient distingués, martèle : “C’est nous le pouvoir. Quand c’est dur, c’est nous. En matière d’urbain, nous sommes les plus forts, les plus rapides. Notre assaut et notre force de frappe, sur ce volet, nous sommes violets. C’est nous le pouvoir. Nous commandons”.
Un quatrième plus sûr de lui-même, qui murmure : “De Bamako à Kidal, Ansongo, Gao et Ménaka, c’est nous qui relions. La route n’étant pas bitumée, sans nous pas de vol. Alors, les artilleries, qu’elles soient lourdes et puissantes, les forces de frappes et même la garde, c’est nous qui faisons le relais. Nous sommes le pont. Sans nous, rien n’est bon”.
Imagine des élections dans ça. Où souvent des simples remaniements conduisent à des coups d’Etats. Le militaire mécontent, c’est le Kalachnikov qui résonne. Des résultats provisoires et imagine des contestations entre la garde, la terre, l’air et les spéciales. Se limiteront-ils au boulevard ? Où nous amèneront-ils dans des mouroirs ? Une démocratie où participent des armes, échapperons-nous à des contestations armées ?
Et comme si la démocratie des militaires avec tous ses dangers, ne suffisait pas, les magistrats aussi rentrent dans la danse. Au Mali, désormais, on a des magistrats à coloration politique, qui ont des opinions et des avis sur la vie politique. Et gare aux justiciables de l’autre bord qui tomberaient sous leurs mains ! Ils ont déjà leur clan et le jugement sera en toute partialité. Le jugement des magistrats politiques.
Cher grand-père, après la chute de nos institutions, voilà où nous en sommes. Une démocratie des militaires et une gestion politique des magistrats. C’est dans ça que nous trainons sous l’applaudissement populaire d’un peuple très averti.
Et gare à celui qui dénonce les corollaires ! La porte de Bollé et celle de la MCA sont grandement ouvertes. Et je m’arrête là, cher grand père. A mardi prochain pour ma 63e lettre. Inch’Allah !
Lettre de Koureichy
Source : Mali Tribune