L’ONU a levé l’état de famine au Soudan du Sud, le 21 juin, mais la situation reste critique.
Rony Brauman, directeur d’étude à la fondation Médecins sans frontières, revient sur les zones concernées.
La Croix : Quelles régions sont les plus touchées par l’insécurité alimentaire ?
Rony Brauman : En général, l’insécurité alimentaire se retrouve dans des régions à l’avenir imprévisible et où il est difficile de se déplacer. Actuellement, cela concerne toute une bande des côtes atlantiques à l’Océan indien, regroupant des pays comme le Tchad, le nord-est du Nigeria, le Soudan du Sud ou encore le Yémen. Cependant, cet enjeu de l’insécurité alimentaire se pose de façon irrégulière et différenciée pour chaque région.
Les Nations unies ont récemment mis fin à l’état de « famine » au Soudan du Sud. Mais le risque reste élevé. Les classifications, les échelles de gravité, et même les chiffres, ne traduisent pas la réalité concrète qui se retrouve dans ces pays. Ces derniers font face à une insécurité globale, un stress collectif, une incertitude de tous les jours, une imprévisibilité qui concerne à la fois les groupes armés insurrectionnels, mais également les forces officielles.
EXPLICATION : Au Soudan du Sud, fin de la famine, poursuite de la crise alimentaire
Comment s’organise l’action de Médecins sans frontières sur place ?
R.B. : Pour les ONG telles que Médecins sans frontières, il s’agit de trouver son chemin face à des situations politiques compliquées. On essaie d’apporter l’aide que l’on peut : des structures sanitaires ici, la fourniture de semences, d’intrants ou de nourriture là. Actuellement, MSF offre des soins nutritionnels notamment, ainsi que des vaccins contre certaines maladies comme la rougeole, qui ont tendance à se développer lors de déplacements de population importants.
Néanmoins, dans toutes ces régions, nous manquons d’une visibilité globale. Certaines zones ne nous sont atteignables que par escorte militaire, d’autres pas du tout. Cela réduit les informations que nous pouvons collecter et les populations que nous pouvons aider.
Quelles sont les solutions pour améliorer l’aide ?
R.B. : L’insécurité alimentaire est liée à l’instabilité politique que connaissent ces régions (prolifération de groupes armés, insurrections, etc.). Sur le court terme, je ne vois pas d’amélioration possible à ce niveau-là. Sur le long terme, je vous répondrais « qu’on ne sait pas », et cette incertitude laisse planer un espoir d’amélioration.
Un second aspect de cette question concerne l’organisation de l’aide internationale. En plus d’une crise de financements, d’un rationnement des aides même, l’action des Nations unies dans ces pays souffre de dysfonctionnements quant à l’utilisation des fonds alloués. En particulier pour ceux d’aide au développement, les détournements et la corruption sont monnaie courante. Un moyen d’améliorer leur efficacité serait de les conditionner, non pas à des résultats mais des pratiques. Avec la possibilité de suspendre les aides si des cas de corruption sont avérés.
Enfin, je souhaite souligner que, malgré les chiffres et les déclarations de l’ONU, les situations restent très différenciées et pas toujours si accablantes. Elles dépendent des capacités de chaque population, des ressources locales disponibles, ainsi que de solidarités locales qui viennent en complément de l’action des ONG.