La convocation aux accents condescendants adressée aux Chefs d’États du G5 Sahel, par le président français à sa “réunion de vérité” de Pau en France, a été très mal accueillie en Afrique. Le dire est un euphémisme. Si la rencontre a finalement été reportée sine die, officiellement à cause de l’attaque terroriste contre un camp de l’armée nigérienne (71 morts), il n’est pas à écarter qu’il s’agisse d’un prétexte pour permettre au président français de ne pas perdre la face. En effet, il ressort de mes investigations qu’au moins trois des présidents des pays convoqués avaient clairement signifié aux autorités françaises qu’ils n’iraient pas à ce sommet, vu le ton qui avait été utilisé dans les déclarations publiques par lesquelles Emmanuel Macron annonçait la tenue de cette réunion, dont le but était d’amener les dirigeants des cinq pays du Sahel à lutter contre les discours anti-français désormais hors de contrôle au sein des opinions de ces pays.
Ce qui devrait être rappelé au condescendant Emmanuel Macron, qui menace de retirer ses troupes sans le Sahel, c’est que la guerre de l’armée française dans cette région d’Afrique est loin d’être une action philanthropique. Les djihadistes qui veulent faire main basse sur les vastes étendues du Sahara souhaitent y établir une sorte de basse arrière “stable et permanente”, créer un sanctuaire à partir duquel seront préparés et téléguidés les prochains attentats terroristes qui viseront les pays occidentaux, en premier rang desquels la France dont certaines lois et déclarations officielles jugées islamophobes par des groupuscules terroristes alimentent la volonté de ces fous de Dieu de punir ce pays. La guerre dans le Sahel est donc avant tout celle de la France, des Européens et plus généralement des Occidentaux, et on peut regretter que les dirigeants Africains ne rappellent pas souvent à la France cette réalité.
D’autre part, la sécurisation du Sahel permettrait aux ressortissants de ces puissances, la France en tête, de mener en toute quiétude leurs activités professionnelles dans une région très riches en toutes sortes de ressources naturelles, sans risque de devenir des otages dont la libération a coûté une petite fortune à plusieurs pays occidentaux ces deux dernières décennies.
Jusqu’ici, on entend plutôt toute sorte d’illuminés et de fanfarons sans aucune maîtrise des enjeux stratégiques de politique internationale. L’intérêt de la France dans ses ex-colonies n’est plus économique. Contrairement aux affirmations de la quasi-unanimité des experts autoproclamés qui s’expriment sur la question, la France, l’État français, n’a pratiquement plus d’intérêt économique d’envergure dans le Sahel, pas plus que dans la plupart de ses anciennes colonies d’Afrique. La Chine et la Turquie raflent les 90% des marchés des BTP ; aucune entreprise française n’exploite l’or dans le Sahel, où le métal jaune est plutôt l’affaire des Sud-africains, des Canadiens, des Américains (USA) et dans une moindre mesure des Russes. Le pétrole Tchadien est entre les mains des Américains et l’or noir du Niger est exploité par la Chine. Cette réalité est la même dans des pays anciennement “chasse-gardée” de la France, mais toujours abusivement présenté comme le pré-carré français. Que ce soit en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Gabon ou encore au Congo Brazzaville, les mêmes acteurs se partagent les grands marchés et les contrats d’exploitation des ressources naturelles ne sont plus français depuis au moins une décennie.
Toutes les accusations d’une France prédatrice qui profiterait du désordre qu’elle a créée pour exploiter discrètement les riches sous-sols des États du Sahel relèvent plus du fantasme qui trahi l’ignorance de ceux qui s’expriment sur la présence française dans le Sahel.
L’intérêt de la France dans ses anciennes colonies est aujourd’hui plus une question d’influence stratégique que d’intérêts économiques. La France ne va pas déployer 4000 hommes et dépenser 600 millions d’Euros (393 milliards de CFA, coût annuel de l’opération Barkhane), pour protéger les intérêts de Bolloré, Bouygues, CFAO, Dassault, des compagnies privées, voire familiales et non des entreprises publiques. En s’imposant comme le gendarme protecteur, l’État français fidélise plutôt de futurs soutiens au niveau des instances de l’ONU, des grandes institutions internationales ou pour des négociations autour de certains grands enjeux. Qui votera pour nous quand nous avons besoin de son vote? Qui soutiendra notre candidat pour des postes déterminants dans des organismes internationaux stratégiques? Qui nous aidera, à travers son alignement derrière notre position, à asseoir la réputation d’un État français influent et donc d’une grande puissance dont la voix compte ? Voilà quelques grands enjeux que cachent certaines interventions militaires du genre de celle de la France dans le Sahel. La quasi-totalité des anciennes colonies françaises s’alignent généralement sur les positions françaises quand il s’agit des grandes questions internationales et la France souhaiterait qu’il en soit toujours ainsi. Auparavant, c’est par l’endettement de ces pays que la France maintenait cette forme d’aliénation, et de dépendance, mais désormais la dette des anciennes colonies françaises est surtout détenue par la Chine et d’autres pays. Désormais, c’est aussi par des situations où la France est sollicitée d’intervenir militairement qu’elle se rend indispensable à ces États qui, en retour, se montreront reconnaissants par leur soutien divers aux positions défendues par la France, renforçant le mythe d’une France influente et puissante, même si dans les faits la France est plutôt une puissance décadente.
Toute autre explication de la présence militaire française dans le Sahel relève de raccourcis sans fondements, de simples balivernes et de fake news fabriqués par des officines russes et chinoises, dans la guerre d’intérêts et d’influences que ces différentes puissances se livrent mutuellement, par réseaux sociaux interposés. Et l’Afrique dans tout ça? Elle n’est qu’un terrain de jeu parmi d’autres, un champ de bataille comme il en existe ailleurs. De quoi sourire quand on voit de naïfs populistes, comme nathalie yamb et d’autres, militer pour chasser la France au profit de la Russie. La solution serait donc de remplacer un colon par un autre ? A mourir de tristesse, tant les déclarations passionnées et peu raisonnées des différents influenceurs, aux agendas pas toujours clairs, nous ont imbécilisé.
Source: Page facebook de Said Penda