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Les Egyptiens sont las du chaos et du marasme économique

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Cinquante millions d’électeurs sont appelés aux urnes aujourd’hui et demain en Egypte, pour un référendum sur la future Constitution du pays. Malgré la crainte d’attentats, les bureaux de vote ont ouvert ce matin. Quels sont les principaux enjeux de ce référendum ? Nathalie Bernard-Maugiron, chercheur à l’IRD, l’Institut de Recherche pour le Développement, juriste, spécialiste du droit contemporain des pays arabes répond aux questions de RFI.

Ce texte constitutionnel rédigé après le départ de Mohamed Morsi est censé poser les nouvelles bases de la société égyptienne. Est-ce que l’on peut parler de vrais progrès pour la démocratie ?

Nathalie Bernard-Maugiron : Il y a des progrès au niveau de la protection des droits de l’homme. La liste des droits protégés est renforcée, avec des protections plus fortes des droits de la femme, de l’enfant, l’interdiction de la torture. Toute une liste de droits économiques sociaux et culturels, la liberté de la presse, une référence aux conventions internationales des droits de l’homme qu’il n’y avait pas auparavant. Se pose le problème, bien sûr, de la mise en œuvre de ces textes qui sont dans la Constitution et qui doivent après être appliqués par des lois. Et puis, quand on regarde la politique actuelle dans le pays, la Constitution a beau protéger la liberté de manifester, on sait très bien que les manifestations sont réprimées par une nouvelle loi qui a été adoptée au mois de novembre. En même temps que la Constitution a été élaborée, le gouvernement adoptait une loi anti-manifestation très liberticide.

La Constitution protège aussi la liberté de la presse, alors qu’un grand nombre de journalistes, notamment ceux de la chaîne qatarie, ont été emprisonnés en étant accusés d’être pro-Frères musulmans. Cette nouvelle Constitution diminue également la place de la religion par rapport à celle de 2012, mais elle continue quand même à faire de la charia, la source principale de la législation. Et à côté de ces améliorations, il y a des domaines où il n’y a pas eu par contre d’améliorations, notamment en ce qui concerne le statut des minorités religieuses. Certes, les chrétiens et les juifs, qui sont considérés comme les religions du Livre, continuent à bénéficier d’une liberté religieuse et du droit d’appliquer leurs propres lois en matière de statut personnel. Mais ce privilège n’est réservé qu’aux chrétiens et aux juifs, donc ceux qui ne sont pas musulmans, ni chrétiens, ni juifs, les autres minorités non-musulmanes comme les Bhaï, les témoins de Jéhovah, continuent à ne pas bénéficier de la liberté religieuse.

Il y a pire au niveau des droits de l’armée. Là, à ce niveau-là, c’est pire que la Constitution de 2012 des Frères musulmans et celle de 1971 de Sadate, puisque cette nouvelle Constitution donne des privilèges à l’armée, que les Constitutions précédentes ne lui donnaient pas.

Des pouvoirs très larges, très élargis de l’armée. Est-ce que les Egyptiens prennent la mesure de ce statut très privilégié, toujours très privilégié de l’armée ?

L’armée a toujours bénéficié d’un grand prestige en Egypte. Et bien que pendant un an elle ait géré le pays de façon très chaotique, après le départ de Moubarak et jusqu’à l’élection de Morsi – donc de février 2011 à juin 2012 -, le pays a été administré par l’armée directement. Là, on n’avait pas un président civil qui cachait un régime militaire comme actuellement. C’était directement le Conseil suprême des forces armées qui exerçait le pouvoir. Et ça a été désastreux. Mais les Egyptiens apparemment ont la mémoire très courte et ils sont revenus à cette ferveur en faveur de l’armée. Et je pense qu’ils sont un peu las de tout ce chaos que connaît l’Egypte depuis trois ans et qu’ils ont envie de revenir à l’ordre, à la sécurité, comme disait la personne qui a été interviewée tout à l’heure dans le journal, à la stabilité, et qu’ils veulent un homme fort qui reprenne en main le pays et qui les sorte du marasme économique dans lequel ils se trouvent plongés depuis trois ans.

Et pourtant, certains affirment que l’on va vers un retour de la sécurité d’Etat, telle qu’elle existait sous Moubarak. C’est aussi votre opinion ?

Oui, c’est mon opinion et je crains que ce ne soit même pire. Le régime depuis le 3 juillet s’est attaqué essentiellement aux Frères musulmans, en les privant totalement de toute participation politique, en les déclarant « organisation terroriste », en emprisonnant des milliers de Frères musulmans, en réprimant par la force et en tuant des centaines de manifestants Frères musulmans. Donc, au début, cette violence était dirigée contre les Frères musulmans. Mais maintenant, depuis quelques semaines, elle est également dirigée contre des jeunes révolutionnaires de 2011. Actuellement en prison se trouvent plusieurs jeunes révolutionnaires, des bloggeurs qui étaient à l’origine de la révolution du 25 janvier et qui maintenant sont victimes de ce renforcement du régime sécuritaire. Et les ONG aussi, il y a quelques semaines une ONG a également été victime de ces mesures de sécurité. Donc on a l’impression que le gouvernement actuel va essayer de faire taire toute opposition, qu’elle vienne de la droite – si on peut considérer les Frères comme étant de la droite – ou de la gauche, que seraient les libéraux et les jeunes révolutionnaires.

Le général al-Sissi qui assure la transition n’a pas caché qu’il serait candidat à la future présidentielle en cas de plébiscite du « oui » à cette Constitution, ce qui finalement ne fait guère de doute. Est-ce que ça veut dire que l’Egypte ne peut pas envisager autre chose que l’armée à la tête de l’Etat ?

A court terme, ça me semble difficile. Les partis islamistes sont laminés. Les Frères musulmans, de toutes façons, n’ont plus accès aux politiques, le parti Nour qui s’est prononcé en faveur du coup d’Etat du 3 juillet ne peut à lui seul remporter les élections parlementaires. Et les partis libéraux, qui étaient considérés comme les libéraux, les laïques, sont divisés. Beaucoup soutiennent eux aussi l’armée. Amr Moussa par exemple, qui s’était présenté contre le candidat Morsi aux dernières élections et contre Ahmed Chafik, candidat de l’armée aux dernières élections, a dit qu’il ne se présenterait pas. Si le général al-Sissi se présente, il aura très peu de concurrents en face de lui. Et de toutes façons il gagnera sans aucun doute les élections s’il décide de se présenter. Et effectivement, il a lié sa candidature aux résultats de ce scrutin.

Le « oui » va l’emporter, c’est sûr. Mais ce qui est intéressant c’est de voir le taux de participation. Ils veulent faire plus que les Frères. La Constitution des Frères musulmans avait été adoptée à 33 % en décembre 2012. Donc de toutes façons ils veulent faire plus que 33 % pour montrer que cette Constitution a plus de légitimité que celle des Frères. Et ils veulent faire un score beaucoup plus important pour donner une légitimité, à la fois au coup d’Etat et plébisciter la candidature d’Abdel Fattah al-Sissi.

rfi

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