Penser la logistique au plus juste, s’attaquer aux têtes des réseaux criminels et terroristes, coordonner les forces des pays du G5-Sahel, l’armée française ne chôme pas dans la bande sahélo-sahélienne. D’autant moins qu’elle a vocation à se retirer, à terme. De hauts responsables de l’opération Barkhane se confient.
La longue caravane de la logistique
Officiellement, l’opération Barkhane, c’est 3000 hommes répartis sur cinq pays. Un véritable défi pour l’armée française, qui n’a pas connu un théâtre d’opération aussi vaste depuis la Seconde Guerre mondiale. Un défi logistique, quand on sait qu’il faut compter pas loin de cinq heures de vol pour aller de Ndjamena à Gao en avion de transport militaire. Mais au sein de Barkhane, tout est pensé au plus juste. A Ndjamena, on compte sur les doigts d’une seule main les avions de transport militaires (ATT) déployés. Au final, beaucoup de choses se font par la route. En quatre mois de missions, les camions logistiques de Barkhane parcourent 1,5 million de kilomètres ! A Tessalit où vivent toujours 70 militaires français (deux DLAO-Détachement de Liaison et d’Appui opérationnel), les camions de ravitaillement arrivent deux fois par mois.
L’armée fait tout pour rendre ces petits détachements les plus autonomes possible, mais « le plus difficile c’est le ravitaillement en eau, parce que c’est le plus lourd, mais sans eau vous ne faites rien », confie un responsable de la logistique. Avec des températures qui peuvent dépasser les 40°C, il faut compter 7 à 10 litres d’eau par jour, par soldat.
Des progrès enregistrés
« Bien sûr, qu’on voudrait avoir toujours plus de matériel, mais dans notre situation, l’important, c’est justement d’être au bon endroit au bon moment », indique-t-on au plus haut niveau de Barkhane, d’où l’importance du renseignement. « Ce qu’il faut, c’est s’attaquer avant tout aux têtes de réseau ».
A ce niveau-là, les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso) sont appelés à apporter une aide précieuse ; mais si tous ont convenu de lutter contre le terrorisme, ils n’ont pas forcément la même lecture de la menace, et donc leurs réponses et leurs règles d’engagements (ROE) peuvent être différentes. Barkhane est donc aussi une courroie de transmission et des progrès ont été enregistrés, alors qu’il y a encore quelques années, les droits de poursuites étaient difficilement accordés entre voisins du Sahara et du Sahel.
Zones transfrontalières
En août dernier, Maliens, Mauritaniens et Français ont coordonné leurs efforts pour mener une vaste opération de fouille dans le secteur de la Forêt de Ouagadou, connue pour avoir hébergé des éléments jihadistes. Un poste de commandement tripartite avait été mis en place à Bamako.
D’autres opérations communes seront menées à l’avenir. « Cela va dans le bon sens, parce qu’à terme, l’armée française se retirera. Ce sont les pays du G5-Sahel qui devront être en mesure de contrer la menace ». « L’idée, c’est penser régional pour avoir des effets à l’échelle locale », commente-t-on à la tête de Barkhane. Ainsi, pour enrayer l’action des groupes jihadistes dans l’extrême nord du Mali, il faudrait couper leur flux de ravitaillement. Or les véhicules qui ravitaillent ces groupes armés empruntent des pistes situées dans les pays voisins, comme le Niger. « Quand on survole ces zones de jour, on ne voit qu’une grande étendue de sable, mais la nuit, grâce à nos jumelles de visions nocturnes, on voit beaucoup de points lumineux : il s’agit de feux de camp », assure un pilote de Rafale. « Il nous arrive même de tomber sur des pick-ups en plein désert à 100 kilomètres du premier village ! Le désert n’est pas si vide que ça », conclut-il.