Une grand-messe aux allures de mobilisation générale. L’invitation, mardi 8 novembre, sous les ors du palais de l’Elysée, des patrons des cinquante sites les plus polluants en France, a été l’occasion pour Emmanuel Macron de conclure un « pacte de décarbonation » avec les industriels. Mais aussi d’assurer « l’équipe de France de l’industrie », selon les mots du ministre en charge de ce secteur, Roland Lescure, que le gouvernement reste à son chevet au milieu des turbulences économiques et géostratégiques.
La flambée des prix de l’énergie en Europe provoquée par la guerre en Ukraine, mais aussi l’accélération des impératifs de transition écologique un peu partout dans le monde viennent en effet mettre à mal les ambitions tricolores pour l’industrie. Dans le cadre de sa politique de l’offre, le président de la République avait fait de la réindustrialisation un marqueur de son premier quinquennat : sommets Choose France chaque année à Versailles à destination des grands investisseurs internationaux, volet industrie du plan de relance post-Covid-19 (30 milliards d’euros sur les 100 milliards du plan), plan France 2030 dévoilé en grande pompe fin 2021. Son second mandat se voulait placé sous les mêmes auspices. En témoigne la baisse de 10 milliards d’euros d’impôts de production (par le biais de la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) qui, même si elle a finalement été étalée sur deux ans, répond à une revendication de longue date des milieux d’affaires.
« Depuis 2016 et la fin du mandat Hollande [pacte de responsabilité, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi…], les indicateurs sont repassés dans le vert en termes d’implantation d’usines, de relocalisation ou de création d’emplois. Cela n’était plus arrivé depuis 2009 », indique David Cousquer, gérant du cabinet Trendeo, qui publie régulièrement un baromètre sur le sujet. Et si la crise liée au Covid-19 a mis un coup d’arrêt à cette expansion, elle a aussi renforcé les velléités de souveraineté industrielle française. Au troisième trimestre 2022, l’emploi industriel a encore augmenté de 0,4 % (+12 500 postes), à son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2015, selon l’Insee.
« Risque de décrochage industriel »
Le fait que l’Europe se retrouve, à la différence de la Chine et des Etats-Unis, plongée dans une crise énergétique inédite, mais aussi que les impératifs écologiques incitent à un retour du protectionnisme, a tout remis en cause. Aux Etats-Unis, l’Inflation Reduction Act (370 milliards de dollars) vise notamment à subventionner les productions locales vertes (véhicules électriques…). La Chine investit aussi massivement pour relancer son économie. Sans oublier la concurrence intra-européenne, avec les 200 milliards d’euros mis sur la table par l’Allemagne pour protéger ménages et entreprises, alors que la taxe carbone aux frontières de l’Union se fait toujours attendre.