La vie est parfois cruelle au point que je me demande parfois si Dieu existe. J’ai toujours pensé qu’il serait à mes cotés chaque fois que j’aurais besoin de lui. C’est du moins ce qu’on nous enseigne dans nos différentes confessions religieuses.
J’ai deux filles (des jumelles) et un garçon. J’ai 26 ans. Et à cet âge, je suis déjà veuve et malheureuse. Il y a de cela neuf ans, j’avais 17 ans et je suis tombée enceinte d’un jeune homme de mon quartier. Il s’appelait Adama. Il était dans le même lycée que moi. Il faisait la terminale quand moi, j’étais en seconde. Mes parents étaient furieux. Ils m’ont renvoyée de la maison. Je me suis réfugiée chez ma tante Ami. Cette dernière a pris l’engagement de rencontrer les parents d’Adama pour leur faire part de la nouvelle. La mère d’Adama n’a pas été coopérative du tout. Elle a foutu ma tante à la porte en ajoutant que son fils ne m’avait pas invitée dans son lit. Ma tante m’a gardée chez elle pendant toute la durée de la grossesse. Comme pour nous montrer sa méchanceté, la mère d’Adama a envoyé son fils poursuivre ses études en Angleterre chez son oncle. Elle s’est arrangée pour qu’il ne puisse pas me dire au revoir.
C’est longtemps après que son cousin m’a informée de son voyage. Je me suis sentie abandonnée. Ma tante m’a soutenue jusqu’à mon accouchement. J’ai mis au monde des jumelles : Coumba et Chata.
Après l’accouchement, mes parents m’ont pardonnée mon erreur et je suis retournée en famille. Ma mère a décidé d’informer les parents d’Adama pour que ces derniers reconnaissent mes filles. Mais cette fois encore, sa mère a été très désagréable. Cependant, j’avais des nouvelles d’Adama par le biais de son cousin qui m’assurait qu’Adama ne m’abandonnerait jamais. Mes parents se sont occupés de mes jumelles et de moi pendant deux ans. C’est après qu’Adama a réagi.
Il s’est mis à m’appeler régulièrement et s’est excusé auprès de mes parents pour sa mauvaise conduite et celle de sa mère. Il a promis qu’il s’occuperait de nos filles et de moi parce qu’il avait trouvé du travail. Et c’est ce qu’il fit. Il m’envoyait de l’argent régulièrement, ainsi qu’a mes parents. Il m’a également promis le mariage dès son retour.
Figurez-vous que pendant tout ce temps, je voyais sa mère dans le quartier. Elle ne me parlait pas, encore moins à mes parents. Les jumelles ressemblaient beaucoup à leur père. Mais elle ne les regardait même pas. D’ailleurs, selon son cousin, quand Adama a informé sa mère de son désir de m’épouser, elle s’est mise dans tous ses états. Elle a dit qu’elle n’accepterait jamais cette humiliation. En tout cas, ma famille et moi bénéficions des largesses d’Adama. Il me faisait jurer de ne pas avoir d’autre copine. Il voulait que je sois la mère de tous ses enfants. Moi j’étais amoureuse de lui et je n’attendais que son retour. Sa mère, en complicité avec des jeunes du quartier, lui ont raconté que je sortais avec un grand type marié. Ce jour-là, j’ai su qu’Adama m’aimait vraiment. Il a appelé mes parents plusieurs fois dans la même journée pour se plaindre. Ma mère eut beau le rassuré, il n’était pas tranquille. Quant à sa mère, elle ignorait quel service elle venait de me rendre en rapportant de tels ragots.
Deux jours plus tard, à la grande surprise de tous, Adama a débarqué à Bamako. Avant même d’aller chez sa mère, il est venu chez moi avec toutes ses affaires. Je dormais avec les enfants quand ma mère est venue me réveillerait était une heure du matin. Adama était plus beau qu’avant. Je n’en revenais pas. Je le sentais cependant un peu nerveux. Apres trois ans de séparation, les mots me manquaient. Ma mère lui a servi boire avant de lui demander les nouvelles. Il n’est pas passé par quatre chemins pour dire qu’il avait été informé que j’avais quelqu’un dans ma vie. Il était donc venu se rassurer qu’il n’en était rien. Ma mère et moi lui avons dit qu’il n’avait rien à craindre. Mais il avait encore des doutes. Cette nuit-là, nous l’avons passée ensemble. Ce n’est que le lendemain à 11 h qu’il à décidé de rentrer chez sa mère. Il a insisté pour que je vienne avec lui afin d’aplanir les choses avec cette dernière. Elle était furieuse de savoir que son fils était là depuis la veille et qu’il avait passé la nuit avec moi. Elle n’a même pas répondu à ma salutation. Elle a dit qu’elle ne m’accepterait jamais. Son fils a essayé de lui faire entendre raison en vain. Quant à moi, je ne répondais pas à ses injures. Elle est allée jusqu’à me dire que son fils était déjà marié à une de ses cousines et que je perdais mon temps. Adama est resté seulement une semaine. Apres son départ, sa mère racontait dans le quartier que son fils nous avait sortis de la misère. Et que mes jumelles n’étaient pas de lui. Je me demandais parfois ce que j’avais bien pu lui faire pour qu’elle ait tant de haine envers moi. Une fois, ma mère et elle ont failli en venir aux mains. Lorsque j’ai expliqué la situation à Adama, il nous a conseillé de quitter le quartier. Ce que nous avons fait.
La mère d’Adama s’est arrangée pour nous retrouver. Elle nous a reproché d’avoir monté son fils contre elle. Elle disait qu’il ne s’occupait que de nous et l’avait abandonnée. J’ai donc appelé Adama pour lui demander s’il n’envoyait plus d’argent à sa mère. Il a répondu en expliquant qu’il continuait de payer son loyer, ses factures et pourvoyait à tous ses besoins. Il en avait marre maintenant. Il m’a demandé de faire mes papiers et ceux des enfants pour le rejoindre. Quand tout fut prêt, je lui ai suggéré de venir voir sa mère afin qu’elle nous donne sa bénédiction pour notre mariage et notre départ en Angleterre. Après neuf ans, j’étais prête à m’humilier pour que sa mère m’accepte enfin. Je souhaitais que la paix revienne entre nous. Il a accepté et dès son arrivé, il a contacté ses oncles pour aller voir sa mère. Elle nous a reçus froidement. De toutes les façons, il fallait s’y attendre. Apres les différentes interventions, je me suis misé à genoux pour demander pardon à la belle-mère afin qu’elle m’accepte. Devant toute l’assemblée, elle a dit qu’elle laissait tout tomber et qu’elle me pardonnait. J’étais heureuse, Adama aussi.
La veille de notre départ pour l’Angleterre, J’ai offert des pagnes à ma belle-mère. Elle m’a remerciée et nous a donné sa bénédiction. J’étais très heureuse. Nos jumelles avaient maintenant huit ans et nous formions une belle famille. Deux mois après notre arrivée, nous nous sommes mariés. J’étais déjà enceinte. Adama souhaitait avoir un garçon. Un soir, après le travail, il est rentré avec du courrier. Il a posé les lettres sur la table à manger. J’étais alors à la cuisine. Il m’a informée que j’avais reçus une lettre de Bamako. Je me suis précipitée au salon croyant qu’il s’agissait d’un courrier de ma mère. Comme j’avais les mains mouillées, il s’est proposé d’ouvrir l’enveloppe. Lorsqu’il a déplié la feuille ; il a constaté qu’elle était vierge au recto comme au verso. On se demandait qui était l’auteur d’une telle blague. Pendant la nuit, je me suis réveillée en sursaut en entendant mon mari se tordre de douleur .J’ai tout de suite appelé Yacouba, un de ses amis. Nous avons pris sa voiture pour le conduire à l’hôpital. Pendant tout le trajet, il me demandait de prendre soin des enfants, parce qu’il sentait sa fin venir. Il lâcha entre deux sanglots : “elle a réussi à nous séparer“.J’essayais de le réconforter. Malheureusement, il rendit l’âme avant que nous n’arrivions à l’hôpital. Le lendemain, Yacouba se chargea d’informer ma belle-famille. Plus tard, il m’a rapporté que lorsqu’il lui a annoncé la terrible nouvelle, ma belle-mère lui à poser la question : “Es-tu sur que c’est mon fils qui est mort ? Ce n’est pas possible ! La lettre était destinée à sa femme !“.
Lorsque Yacouba lui a demandé de quelle lettre il s’agissait, elle ne répondit pas et éclata en sanglots. Je compris tout de suite que cette lettre, qui m’était destinée, était porteuse de mort. Je n’ai jamais vraiment cru en la sorcellerie. Mais avec ce que je venais de vivre, j’ai réalisé que la méchanceté de l’être humain peut lui faire des choses incroyables. Parce qu’elle voulait m’éliminer, ma belle-mère a perdu son fils unique. Et moi, le père de mes enfants.
Le corps de mon mari a été transféré à Bamako pour l’enterrement. Quelques mois plus tard, j’ai accouché d’un garçon à qui j’ai donné le prénom d’Adama, son père.
Je remercie ma famille et les amis d’Adama qui m’ont soutenue pendant cette période difficile. Merci également à ceux qui m’ont accompagnée en Afrique et à ceux qui se sont occupés de mes jumelles à Londres pendant mon absence. Un grand merci à Yacouba qui est resté auprès de moi tout ce temps et qui permis de retourner à Londres auprès de mes filles. Aida.
Pour réagir ou envoyer votre histoire, une seule adresse : journal_leflambeau@yahoo.fr
Rédaction
source : Flambeau