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Les conflits de 2013 vus par les Russes

A chaque événement majeur sur la scène internationale et impliquant la Russie de près ou de loin, www.lecourrierderussie.com recueille l’avis de personnalités russes, figures politiques de grande envergure, écrivains et journalistes connus ou méconnus, experts réputés, afin d’apporter un éclairage pluriel et complet de la vision des Russes sur le monde contemporain. En voici les meilleurs extraits parus en 2013.

Mali

village dogon femme dogonne mali

Face à l’avancée des rebelles islamistes au nord du pays, des troupes nigérianes, sénégalaises et françaises se sont engagées le 11 janvier aux côtés de l’armée malienne. Dès les premiers jours de l’intervention française, baptisée « Serval », les bastions des djihadistes sont tombés les uns après les autres. Au plus fort des opérations, en février, les forces françaises comptaient 4 500 soldats sur place. Critique aux premières heures, la Russie avait par la suite proposé son aide au gouvernement français pour le transport des troupes et leur ravitaillement au Mali.

Guevorg Mirzaïan, observateur de la revue Ekspert : « Le Mali est l’unique pays de la région où l’intervention illégale de l’ancienne métropole – la France – s’est faite avec la bénédiction du Conseil de sécurité. Quelle est la raison d’un choix si sélectif ? Il se trouve que ce ne sont pas les représentants d’un clan ennemi qui se battent contre le gouvernement du Mali mais des islamistes.

Leur objectif est de faire du Mali une république islamique régie par les règles de la charia et d’agencer « l’export de la révolution » dans l’ensemble des pays allant de l’Algérie au Niger. S’ils y parviennent, les compagnies étrangères présentes dans la région se verront privées de la possibilité d’extraire de l’uranium, de l’or et d’autres minerais.»

Gueïdar Djemal, président du Comité islamique de Russie, quotidien Vzgliad : « En Syrie, la France est du côté de ceux qu’elle combat au Mali. Ces mêmes personnes sont donc bonnes en Syrie et mauvaises au Mali. Personnellement, je pense que l’Union européenne, et la France en particulier, s’emmêlent complètement les pinceaux.

Ceux qui croient que l’islamisme est un instrument maîtrisé par l’Occident se trompent. L’islam politique mène au contraire une lutte ouverte contre le système politique occidental. La Russie doit comprendre qu’elle n’a pas intérêt à suivre l’Occident sur ce front : elle se trouve dans la ligne de mire et deviendra la prochaine victime, au même titre que la Chine et l’Iran. Elle a plutôt intérêt à faire bande à part, c’est-à-dire rester ouverte au dialogue et rejeter l’intervention militaire française au Mali. »

Maxime Iouzine, observateur du quotidien Kommersant: « De prime abord, l’Afrique semble être à des années-lumière de Moscou et l’histoire coloniale française n’avoir rien à voir avec la nôtre. Si l’on y regarde de plus près, pourtant, on note quelques analogies : les deux puissances coloniales continuent d’assumer la responsabilité de leurs anciennes colonies, tant aux niveaux économique et politique que militaire.

La France et la Russie essaient tant bien que mal de se défaire de ce fardeau mais en vain. Les deux pays se trouvent actuellement dans la même situation, bien que le Tadjikistan ou le Kirghizistan ne se soient jamais appelés « colonies » de l’URSS. L’Afrique et l’Asie centrale comptent toutes deux des États pas totalement souverains et ne maîtrisant pas l’ensemble de leur territoire. Ainsi, quand la situation échappe à tout contrôle, les anciens grands frères doivent se tenir prêts à intervenir.

Paris ne pourrait pas jouer au gendarme en Afrique sans disposer de bases militaires au Tchad, au Sénégal et au Burkina Faso. Moscou, elle, en a bien besoin au Kirghizistan et au Tadjikistan : elles s’avéreront probablement utiles un jour ou l’autre. Et alors, ces pays nous seront redevables. Tout comme les Africains remercient la France aujourd’hui. »

 

Les frères Tsarnaev et l’attentat de Boston

freres Tsarnaev attentat boston

Le 15 avril, une série d’explosions coûtait la vie à trois personnes et faisait 264 blessés à l’arrivée du marathon de Boston. Trois jours plus tard, les médias américains révélaient l’identité des suspects présumés : deux frères d’origine tchétchène, Tamerlan et Djokhar Tsarnaev. Lors de leur arrestation, dans la nuit du 19 au 20 avril, une fusillade entraîna la mort d’un agent de police et de l’aîné des frères, Tamerlan. Djokhar a été arrêté et se trouve depuis en détention dans une prison fédérale des environs de Boston, où il continue de nier toutes les charges retenues contre lui.

Ramzan Kadyrov, président de la république tchétchène : « Je tiens à préciser qu’il serait erroné, s’ils étaient reconnus coupables, d’établir un lien de causalité entre la Tchétchénie et les frères Tsarnaev. Ils ont grandi aux États-Unis et leurs convictions sont américaines. Les racines du mal sont à chercher en Amérique. »

Vladimir Varfolomeev, rédacteur en chef adjoint de la radio Echo de Moscou : « Excusez-nous, Américains, d’avoir élevé et envoyé chez vous des individus qui se sont révélés être des terroristes. Il serait faux et honteux de les appeler des Caucasiens. Ils sont des nôtres, ils sont Russes. »

Kristina Potouptchik, blogueuse : « La Tchétchénie russe est une terre propice pour le terrorisme, peut-on lire dans USA Today. Comment ça ? Djokhar Tsarnaev a vécu dix ans en Amérique ! Les États-Unis ne seraient-ils pas plutôt ce fameux terrain propice au terrorisme ?

Discuter de la nationalité dans ce contexte est idiot, surtout lorsqu’on se rappelle que, lors de la guerre de Tchétchénie, les médias américains qualifiaient les Tchétchènes de peuple libre qui se bat pour son indépendance. Djokhar Tsarnaev n’est pas tchétchène mais une création inutile sans clan ni tribu, sur qui on doit cracher, que l’on doit condamner à une longue peine puis oublier. »

Sergueï Dorenko, journaliste et chroniqueur radio : « Les Américains sont face à un nouveau problème. Pour eux, les Tchétchènes ont toujours été des rebelles, des insurgés, des opposants. Ces rebelles tchétchènes qui tuaient des Russes. Ce que les Américains ne pouvaient leur reprocher. Ils préféraient les mettre sur un piédestal.

On lisait alors dans la presse américaine des phrases telles que : Les rebelles tchétchènes à Beslan, Les rebelles du Nord-Caucase… Des insurgés islamistes de Russie… Les rebelles tchétchènes ont revendiqué l’attentat du train…
Voilà comment ça marche pour les Américains. Les Tchétchènes qui tuent des Russes sont des rebelles tchétchènes. Ceux qui tuent des Américains sont des fucking Russians.

Tapez le hashtag #fuckingrussians sur Twitter et vous trouverez des choses telles que : Poutine condamne les actes de deux frères terroristes russes avec en lien un article disant que la Russie a attaqué l’Amérique et que cette attaque s’est déroulée sur fond de refroidissement des relations entre les deux pays.
Charmant, non ? »

 

L’Égypte

egypte freres remobilise

Mikhaïl Iouzine, journaliste, Kommersant : « La situation en Égypte prouve qu’il ne faut pas laisser les fanatiques prendre le pouvoir dans un pays qui a connu un modèle laïque.

L’Égypte n’est pas une Arabie saoudite où il n’y a jamais eu rien d’autre que le wahhabisme et le pétrole. Les Égyptiens avaient jusque récemment un pays laïque ; loin d’être idéal, mais autrement humaniste et rationnel que ce qu’ils ont maintenant. »

Gueorgui Mirski, chercheur auprès de l’Institut d’économie mondiale et des relations internationales de l’Académie russe des Sciences : « Quand les Égyptiens faisaient la révolution, ils pensaient qu’ils renverseraient le despote et que ce serait le bonheur et la liberté. La liberté est là. Et où est le bonheur ?

Les gens ne savent simplement pas qu’après n’importe quelle révolution, ça va de mal en pire. L’économie décline, la stabilité s’écroule. C’est précisément ce qui s’est passé en Égypte. De ce qui s’est passé, je n’accuserai donc ni Morsi ni les Frères. Je pense que personne n’y arriverait, à gouverner le pays sans soutien de l’Occident. C’est là, le piège. Pourquoi ? Afin de corriger la situation économique catastrophique en Égypte, ses dirigeants ont besoin de l’aide des Occidentaux. Bien sûr les Égyptiens reçoivent quelques miettes des Arabes, mais il est clair qu’ils ne s’en sortiront pas sans les crédits et les investissements occidentaux.

Alexandre Baounov, journaliste pour Slon.ru : « Ce qui s’est passé en Égypte ne peut au fond réjouir qu’un Russe ou un Européen – pas un non-Européen. Ce sont des Égyptiens laïques, libéraux et avancés, qui, avec l’aide des militaires, ont renversé un président islamiste. Ceux qui mettront fin aux troubles, et qui ainsi gagneront la révolution, seront des Égyptiens européens ou des généraux parmi lesquels se cache déjà peut-être un Napoléon local. Grâce à l’expérience des Égyptiens, nous connaissons désormais la meilleure façon de désintéresser un peuple de la justice religieuse ou communiste. Pour cela, il faut laisser les islamistes participer à la politique légale, ne serait-ce que pour un ou deux mandats.

Syrie

activiste syrie

La Syrie est en proie à une guerre civile sanglante entre le camp de Bachar-al Assad et l’opposition depuis mars 2011, qui a déjà coûté la vie, selon l’ONU, à plus de 100 000 personnes. Le conflit, qui va bientôt entrer dans sa quatrième année, aurait pu prendre en 2013 une envergure internationale : l’utilisation de gaz sarin dans la banlieue d’Alep, en mars dernier, a failli pousser plusieurs pays occidentaux à une intervention extérieure. Bloquée par les vétos russe et chinois au Conseil de sécurité de l’ONU, l’intervention n’a pas eu lieu, cédant la place à une politique de désarmement et de destruction des armes chimiques syriennes proposée par Moscou. Une victoire diplomatique qui a signé le retour de la Russie sur la scène internationale, alors que la guerre civile déchire toujours la Syrie.

Dmitri Olchansky, publiciste : « Si Vladimir Poutine donnait maintenant à la Syrie de vraies armes de destruction massive et non pas celles inventées par les Forces du Bien, mettant ainsi fin à la guerre civile, sauvant des centaines de milliers, voire des millions de vies, il obtiendrait non seulement le prix Nobel de la paix mais un monument en son honneur de son vivant.
J’aurais tant envie de lui dire : Allez, qu’as-tu à perdre ? Ils ne t’aimeront jamais de toute manière. Si tu faisais ça, tu pourrais rentrer pour toujours dans l’Histoire comme un héros, un pacificateur…
Malheureusement, il ne le fera jamais. »

Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie : « Nous estimons que si quelqu’un possède des assurances précises que l’arme chimique a été utilisée par l’armée régulière, cette personne doit présenter ces preuves au Conseil de sécurité de l’ONU. Nous ne réagirons qu’à condition d’obtenir des données objectives et précises sur les personnes ayant commis ces crimes. Mais une autre question survient : et si on apprenait que ce sont les rebelles qui ont eu recours aux armes chimiques, que feront les États-Unis et leurs sponsors dans cette situation ? Arrêteront-ils de leur livrer des armes ? Leur feront-ils la guerre ?

Nous ne défendons pas ce gouvernement [de Bachar al-Assad, ndlr]. Ce sont des choses d’une autre nature que nous défendons : les normes et principes du droit international, l’ordre mondial existant. Nous insistons pour que tous les débats sur un éventuel usage de la force ne soient conduits que dans le respect de cet ordre mondial existant, dans le cadre des règles et du droit internationaux. Voilà ce que nous défendons, voilà ce qui constitue pour nous une valeur absolue. Parce que si l’on se met à résoudre les questions concernant l’usage de la force en dehors de l’ONU et du Conseil de sécurité, tout un chacun, et sous n’importe quel prétexte, risque de subir les conséquences d’une décision prise illégalement.

Vous dites que M. Kerry estime que c’est l’armée d’Assad qui a eu recours aux armes chimiques, mais nous nous souvenons d’un autre secrétaire d’État américain, au sein de l’administration de M. Bush, qui tentait de convaincre la communauté internationale de la présence d’armes chimiques en Irak. Il avait même présenté une éprouvette contenant une poudre blanche. Avec le temps, son argument s’est avéré n’être pas valable. Et pourtant, c’est cet argument qui avait justifié la conduite d’une opération militaire – que beaucoup de gens aux États-Unis considèrent, aujourd’hui, comme une erreur. Le monde entier s’en souvient – et est guidé par ce souvenir dans l’évaluation des faits et la prise de décisions. »

Aleksandr Shulmann, Rousskaïa planeta : « Il est convenu de faire remonter la violente crise actuelle en Syrie à la date du 21 août 2013, quand les alentours de Damas ont été bombardés à coups de missiles ou projectiles emplis de sarin. Laissons de côté les déclarations contradictoires du gouvernement syrien et des rebelles, qui s’accusent mutuellement de l’emploi d’armes chimiques. Le fait avéré est la mort extrêmement pénible de plusieurs centaines de personnes, qui a résulté de l’emploi du sarin contre la population civile. Mais d’où proviennent les armes chimiques présentes en Syrie ?

La Syrie fait partie des sept États qui n’ont pas signé la Convention de 1993 sur l’interdiction des armes chimiques et, jusqu’au dernier moment, les autorités syriennes niaient officiellement leur présence dans leurs arsenaux. Ce n’est que récemment, le 23 juillet 2012, que les autorités syriennes ont pour la première fois admis officiellement la présence dans le pays d’armes chimiques et biologiques.

Les premières informations sur la fabrication et la conservation d’armes de destruction massive en Syrie sont apparues dans les années 1960. Et c’est la France qui, au départ, se tenait derrière le programme de leur fabrication. La France a signé en 1969 avec la Syrie un accord de collaboration scientifique. À l’époque, avec l’aide des Français, un centre de recherche a été créé en Syrie. Il s’agissait, selon les services secrets occidentaux, d’une agence étatique, responsable de la conception et de la fabrication des armes de destruction massive. Dans le même temps ont été créées en Syrie, avec la collaboration de sociétés occidentales, majoritairement françaises et ouest-allemandes, des sites de production, sous la forme d’usines pharmaceutiques. »

 

La statue de Lénine à Kiev

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L’Ukraine est le théâtre d’importantes manifestations depuis le refus présidentiel, jeudi 21 novembre, de signer un accord d’association avec l’Union européenne, au profit de négociations avec la Russie et l’Union douanière. Ce sont dès lors entre 200 et 700 mille personnes qui manifestent régulièrement dans la capitale ukrainienne afin d’exiger la démission du gouvernement. Des événements qui ont été marqués par des affrontements avec les forces de l’ordre, la prise de la mairie, l’occupation de la place de l’Indépendance mais également la destruction de la statue de Lénine au centre de Kiev, le 8 décembre.

Denis Dragounsky, écrivain : « Ils ont bien fait de démolir la statue de Lénine. Il était grand temps. On peut seulement regretter qu’ils ne l’aient pas fait de façon civilisée – sur décision du Conseil municipal, par exemple. Mais que faire ? Quand le médecin n’est pas là, il faut scier le membre pourri avec ce qu’on a sous la main. Il est temps pour nous aussi de déboulonner toutes ces statues soviétiques. Tous les Lénine, Kirov et autres, les rues Sovietskaïa et Oktiabrskaïa ne signifient plus que l’absence totale d’une identité russe contemporaine. Ce qu’il nous faudrait, pour tout dire, ce sont des statues de la Mère-Privatisation et du Père-Pillage. Une avenue des Pots-de-vin et une place des Corporations d’État dans chaque village. Mais ça ne ferait pas bien face au peuple. Alors, à la place de retraites dignes, on nous donne Lénine – qui était pour le peuple et pour la justice ».

Alexander Timofeevsky, écrivain : « Détruire les statues de Lénine est idiot, détruire n’importe quel monument est idiot. Simplement parce qu’on ne peut pas détruire l’Histoire – aucune, ni bonne, ni mauvaise, ni même la plus abominable. C’est absurde. L’Histoire a eu lieu, et point.

On ne peut pas détruire un monument de 70 ans, pas plus qu’on ne peut rayer 70 années d’existence :  elles ont été vécues. Mais il ne faut pas non plus remettre debout les monuments  déboulonnés – c’est tout aussi absurde. On ne pleure pas sur le lait répandu. On ne peut pas refaire de la viande avec de la farce – que les monuments déchus restent au débarras. Pas parce que la statue déboulonnée était celle d’un mangeur d’hommes, mais parce que le trou qu’elle a laissé sur la place est aussi de l’Histoire. Toute révolution est détestable en ceci qu’elle viole l’Histoire. À Kiev, dit-on, les garçons qui ont renversé Lénine ont mis dans sa bouche leurs appendices tremblant de froid. C’est étonnant, parfois, de voir à quel point les métaphores deviennent littérales. »

Alexandre Garros, écrivain : « Vladimir Ilitch, quoi qu’on en dise, c’était un dur. Ça fait 90 ans qu’il est mort et vingt ans et des poussières que le pays qu’il avait arraché à l’absolutisme a pété… disons, un plomb, mais jusqu’aujourd’hui, la fête de la Liberté ne commence que quand on renverse sa statue et qu’on se prend en photo à côté. C’est d’ailleurs le plus souvent aussi là-dessus qu’elle se termine. »

Source: lecourrierderussie.com

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