Le Qatar. Pays d’une superficie de 11 586 km présent sur toutes les bouches ces dernières semaines. Et pour cause. Situé sur une petite péninsule s’avançant dans le golfe Persique, cet émirat du Moyen-Orient accueillera la Coupe du monde 2022 du 20 novembre au 18 décembre prochain. Un Mondial tout aussi attendu par les inconditionnels du ballon rond que discuté par une grande partie des citoyens de cette Terre. Passée les considérations humaines, climatiques et sociales, cette grande messe du football offrira, par ailleurs, le droit à six arbitres français d’officier en terres qataries. Avec deux arbitres principaux, Stéphanie Frappart et Clément Turpin – ce qui n’était plus arrivé depuis le duo Joël Quiniou et Michel Vautrot en Italie en 1990 – l’arbitrage tricolore retrouve ainsi des couleurs, tout du moins sur la scène internationale. Pour le plus grand bonheur des deux intéressés, accompagnés des assistants Cyril Gringore et Nicolas Danos ainsi que des VAR Benoît Millot et Jérôme Brisard.
Une reconnaissance pour l’arbitrage français
Réunis lors d’un point presse, ce jeudi, au Centre National du Football à Clairefontaine, ces six officiels ont ainsi d’abord exprimé leur émotion. À commencer par Stéphanie Frappart, l’une des six femmes arbitres centrales promues au Mondial 2022 : «je l’ai appris un peu comme tout le monde, quand la liste a été envoyée aux fédérations par la FIFA, forcément très émue car pas forcément prévu. Comme pour les joueurs, les coachs ou les équipes, une Coupe du Monde c’est vraiment le summum à la fois dans le foot mais aussi dans tous les sports. C’est la plus grosse compétition donc forcément très émue et très honorée d’y participer (…) J’ai démarré l’arbitrage en 1996 et au début ça reste une passion sans forcément aller chercher des échelons. Quand j’ai fait mes premiers matches en Ligue 1, je n’avais pas en ligne de mire une compétition internationale. C’est vraiment quelque chose qui vient corroborer une carrière d’arbitre depuis le début». Une fierté également présente dans le discours de Clément Turpin, déjà présent en Russie lors du sacre des Bleus (deux matches arbitrés) et qui s’était aussi illustré en dirigeant la dernière finale de Ligue des Champions au Stade de France entre le Real Madrid et Liverpool.
«C’est une vraie fierté pour l’arbitrage tricolore et le résultat de 15 ans de travail et d’investissement. C’est un joli message pour les 22 982 arbitres français et les 980 de ma Ligue (Bourgogne-Franche-Comté, ndlr) où je travaille tous les jours pour démontrer que l’arbitrage c’est cool», a notamment noté l’arbitre de 40 ans avant de revenir sur les polémiques agitant actuellement le championnat de France. «C’est ma 14eme saison en Ligue 1, j’en ai vu des vertes et des pas mûres. Il y a toujours des temps forts et des temps plus faibles. Je prends beaucoup de hauteur par rapport à ça même si je sais que cela s’agite beaucoup en ce moment. Je relativise et je me focalise sur mes prochains challenges». «Pour nous, c’est la valorisation de l’arbitrage français, on le voit depuis quelques années que ce soit Clément Turpin, Benoît Bastien, François Letexier, on est sur la scène européenne, ça veut dire que la formation à la française et l’arbitrage français est reconnu à l’UEFA et maintenant à la FIFA. C’est la reconnaissance du travail effectué en France à l’étranger et c’est vraiment valorisant à la fois pour l’arbitrage mais aussi pour le football français de manière générale», surenchérissait Stéphanie Frappart.
Une détermination commune malgré des histoires différentes
Relancée sur la présence de six femmes lors de cette compétition, l’arbitre française de 38 ans qui officiera aux côtés de la Rwandaise Salima Mukansanga et de la Japonaise Yoshimi Yamashita – ainsi que de trois autres femmes désignées comme assistantes – a d’ailleurs tenu à rappeler que tout ceci s’inscrivait dans une évolution logique, basée – avant tout et uniquement – sur les compétences : «l’arbitrage féminin est entré dans le panorama du football masculin et maintenant ce n’est plus une question de genre, mais de compétences (…) C’est aussi un signe fort de la Fifa et des instances de faire arbitrer des femmes dans ce pays-là. Je ne suis pas porte-parole féministe, mais si cela peut faire avancer des choses…», a ainsi déclaré la native de Plessis-Bouchard dans le Val d’Oise, reconnaissant au passage «une pression positive» à l’approche de cet événement. Également présents lors de ce rendez-vous prévu dans l’espace Jules-Rimet de l’INF Clairefontaine, les deux habituels assistants de Clément Turpin : Cyril Gringore et Nicolas Danos ont, eux-aussi, fait part de leur impatience.
Élu meilleur arbitre assistant de Ligue 1 la saison passée et présent sur la pelouse du Stade de France en mai dernier lors de la finale de la Ligue des Champions, Cyril Gringore (50 ans), qui prendra sa retraite en fin d’année, espère avant tout «en profiter au maximum», insistant notamment sur l’importance de la «vie de groupe en dehors des matches» pour maintenir «une bonne entente et éviter de possibles conflits» tout au long de la compétition. «On s’est appelé immédiatement avec Nicolas (Danos), c’est un moment fort, c’est l’aboutissement, c’est quelque chose d’exceptionnel, jamais j’aurais pu imaginer me retrouver sur une Coupe du Monde il y a 32 ans quand j’ai commencé l’arbitrage, j’ai bossé dur et c’est le grand bonheur quand on reçoit cette convocation. On se rend compte avec 6 arbitres, le plus gros contingent parmi les arbitres appelés, que l’arbitrage français fonctionne plutôt pas mal». «J’espère qu’il va kiffer grave, vous pouvez noter ça, j’espère qu’il va kiffer grave ! (rires)», confiait de son côté, d’un ton relâché, Clément Turpin, aux côtés de Cyril Gringore depuis 2016. Des émotions tout aussi présentes dans le discours de Nicolas Danos. «Je me remets toujours en question après un match mais quand on fait une compétition comme celle-ci on est encore plus gonflé à bloc. C’est un moment magique».
«Une Coupe du monde réussie, c’est d’abord un premier match abouti !»
Convoqués par assurer la VAR lors de cette échéance, Benoît Millot et Jérôme Brisard, longuement interrogés sur le hors-jeu semi-automatique qui sera expérimenté pour l’occasion, n’ont, quant à eux, pas manqué de rappeler l’utilité de cette évolution technologique. Un outil plus «lisible» pour le téléspectateur, permettant, par ailleurs, «une prise de décision plus rapide». Un temps de latence qui a notamment été reproché au VAR ces derniers mois. Enjoués à l’idée de rallier le Qatar en novembre prochain – tous les arbitres se retrouveront dès le 9 novembre pour un stage à Doha qui permettra à chacun de se préparer au mieux et de s’adapter aux conditions locales – les deux officiels ont, eux-aussi, fait part de leur émotion respective. Ravi de «cette reconnaissance personnelle et collective», Jérôme Brisard a, par ailleurs, tenu à adresser un message fort à l’un de ses homologues : «Clément (Turpin) est notre locomotive et il nous a tous emmenés dans son sillage». De son côté, Benoît Millot avouait également une fierté certaine de se retrouver au milieu de ce corps arbitral. Reconnaissant une professionnalisation de la fonction, l’homme de 40 ans a, malgré tout, tenu à rappeler que le plus dur restait à faire.
«Ça met un éclairage positif sur l’arbitrage français. sur lequel il se dit beaucoup de choses Il n’y a pas de cadeaux, de sésames donnés par la FIFA, il faut travailler dur, il faut être performant pour espérer être dans les clous et être reconnu. On espère que l’arbitrage français sera le plus dignement représenté. On essaiera toutes et tous de faire briller nos couleurs françaises. Il y a une joie personnelle, collective mais aussi fédérale, ça met aussi en avant tous les gens qui nous accompagnent depuis des années. Tout n’est pas parfait probablement mais on travaille, on essaye d’être le plus performant possible et ce travail paie (…) Nous avons l’énorme joie, bonheur, plaisir, privilège d’être retenu pour cette compétition mais attention tout reste à faire, tout est toujours précaire dans le milieu de l’arbitrage». Aux 36 arbitres centraux, 69 assistants et 24 officiels chargés du VAR de, désormais, réciter leur partition avec le moins de fausses notes possibles. «Une Coupe du monde réussie, c’est d’abord un premier match abouti. Après, on se laissera porter…», rappelait, à ce titre, Clément Turpin.