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Les avantages de la télémédecine : Les explications de l’Expert burkinabé, Dr Sayavé Gnoumou !

L’Expert burkinabé, reconnu mondialement en télémédecine, Dr Sayavé Gnoumou, était dans la capitale malienne du 9 au 13 janvier 2020 pour participer à « Keneya Expo Bamako » de cette année. Il a saisi cette occasion pour nous accorder une interview dans laquelle il explique, avec brio, le rôle que peut jouer la télémédecine dans l’éradication du désert médical en Afrique en général, et au Mali en particulier. Le membre fondateur de l’Académie de la Télémédecine a aussi invité ses collègues médecins à s’intéresser à ce domaine pour ne pas « perdre la face devant le patient ».

Lisez l’interview

Le Pays : Vous êtes Dr Sayavé Gnoumou, Burkinabé. Vous êtes chirurgien de formation. Vous êtes aussi un expert reconnu mondialement en télémédecine, membre fondateur de l’Académie de la Télémédecine. Ce sujet est peu connu en Afrique. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs ce que c’est que la télémédecine ?

Dr Sayavé Gnoumou :

La télémédecine, c’est le diagnostic, le traitement et l’expertise à distance. Le patient n’est pas physiquement en face du médecin, mais il utilise des moyens très simples comme le téléphone, mais qui peuvent être très sophistiqués jusqu’à récolter les analyses sanguines, récolter des images, récolter le fonctionnement des organes et à les transmettre, quelque part, au médecin. Voilà la télé médecine.

Vous parlez de consultation et traitement à distance. Est-ce possible pour un médecin vivant en France de consulter un paysan dans un village profond au Mali et de traiter sa maladie ?

Dans la télémédecine, il y a la téléconsultation, c’est-à-dire qu’il est possible pour moi, étant à Paris, de consulter un patient au Mali. Il y a aussi la télé expertise dans la télémédecine. Cela voudrait que quand un médecin se trouve avec un malade dont il ne comprend pas ce dont il souffre et qu’il a besoin de l’avis d’un expert, il a juste besoin de se connecter avec l’expert qui lui parle, parle et examine le patient à distance avant de poser un diagnostic. Tout cela se fait par téléphone. Et aujourd’hui, il est possible de faire la chirurgie robotique. Un chirurgien peut être à New York et opérer quelqu’un qui est à Bamako. Donc la télémédecine part du simple coup de téléphone à la chirurgie. L’essentiel, quand on parle de télémédecine, c’est que le médecin n’est pas en face du patient.

Voulez-vous dire que les patients n’ont pas forcément besoin du contact physique avec le médecin ?

Normalement, la télémédecine ne remplace pas le contact physique. Là où il (le contact physique) est possible, on doit le faire. Mais dans tous les cas, quand on recourt à la télémédecine, la qualité du service qu’on rend doit être au minimum égale au même service que si on le rendait avec le patient en face de soi. Mais le problème avec le contact physique est que si le patient veut l’avis de l’expert qui vit à Paris, par exemple, il faut qu’il aille là-bas et cela peut être couteux. Pourtant, ce contact physique n’est pas parfois nécessaire. On peut juste utiliser la télémédecine pour régler ces genres de problèmes. Aussi, avec des moyens de télémédecine, on peut, étant à Bamako, surveiller une femme enceinte qui se trouve au village. On ne dit pas qu’il ne faut plus faire de rencontre face à face, mais il y a des situations qu’on pourra décanter et faire en sorte d’éviter certaines dépenses et de régler le problème à distance.

Quels sont les outils utilisés pour faire la télémédecine ?

Les outils sont nombreux : si vous voulez la voix, il vous faudra de la téléphonie ; si vous voulez l’image, il vous faudra une caméra. Mais il y a tout en médecine : il y a la voix, l’image, le son, le mouvement, l’écriture, les figures… Il y a énormément d’outils et ce sont des dispositifs médicaux. Mais c’est la technologie qui a permis de le faire. Avant, si vous faites l’électrocardiographie, ça sort sur un papier et puis vous devez vous asseoir pour regarder. Vous êtes donc obligé d’être en face du médecin. Mais maintenant, les appareils de l’électrocardiographie ne sortent rien. Vous voulez les résultats, ils vous les montrent. Si le patient est dans une autre localité, on lui envoie le résultat.

Et ceux qui ne maitrisent pas les appareils, surtout en milieu rural ?

C’est surtout ces populations qui sont les plus intéressées. Dans les villages, même si les populations n’ont pas l’électricité, elles ont des téléphones. Donc le téléphone leur rend service. On peut utiliser ces téléphones pour la consultation de l’état de santé des populations. Elles sont les plus vulnérables, et donc, celles qui ont le plus besoin de la télémédecine. Avec la télémédecine, on consulte et on envoie seulement le médicament qu’il faut.

Pensez-vous que la télémédecine pourrait éradiquer le désert médical en Afrique ?

La télémédecine est l’un des objectifs pour éradiquer ce désert médical. Même dans les pays comme la France, il y a des déserts médicaux. Et aujourd’hui, c’est un des challenges de la France où ils sont en train d’utiliser la télémédecine, la codifier, payer les médecins et les infirmiers qui pratiquent la télémédecine. Ça leur permet de couvrir les déserts médicaux. Donc, les déserts médicaux ne concernent pas seulement l’Afrique, sauf qu’en Afrique, c’est pratiquement tout le continent qui est un désert médical. À part quelques îlots, il n’y a pas grande chose. La télémédecine nous permet, en Afrique, de faire un raccourci, d’avoir un niveau de médecine acceptable, d’avoir un système de santé qui soit accessible aux populations avec des soins de bonne qualité.

Avec la télémédecine, peut-on espérer la fin du problème des faux médicaments ?

Les faux médicaments posent un gros problème. C’est dans la télémédecine qu’on pourra régler ce problème. L’exemple simple : tout médicament a une carte d’identité (la plante qui a été utilisée, la substance qu’on a sortie, ce qui a été rajouté, le laboratoire par lequel il est passé, comment il a été fabriqué, comment est constituée la boite …). En utilisant la technologie, on récupère la carte d’identité de tous les médicaments. En un clic, on peut retracer chaque médicament jusqu’à l’usine d’où il est sorti. La télémédecine nous permet d’identifier un médicament avant de le prendre. Et les laboratoires sont même prêts à soutenir pour qu’on puisse faire en sorte que les gens consomment de vrais médicaments.

Quel est le niveau de l’intéressement des populations africaines en la télémédecine ?

En Afrique, on a un avantage : on veut la télémédecine. Jusque-là, je n’ai pas trouvé de la réticence. Il y en a, surtout des personnes qui sont âgées, qui ont peur. Chez les médecins, le refus s’explique par trois raisons : il peut refuser parce qu’il a peur de perdre la face ; parfois il a peur de perdre son pouvoir ou alors il va perdre l’argent. Si vous les rassurez qu’ils ne perdront pas de l’argent, qu’ils ne perdront pas la face, qu’ils ne perdront pas de pouvoir, il n’y a pas de raison d’avoir peur. Si les médecins ne s’intéressent pas à la télémédecine, ils vont perdre la face devant le malade. Il faut absolument que les médecins s’y impliquent.

Quel est le bilan de la télémédecine, en Afrique surtout ?

Le bilan est, pour moi, positif. Aujourd’hui, tout le monde parle de couvrir les déserts médicaux. Donc, l’avenir est rose pour la télémédecine.

Réalisée par Boureima Guindo

LE PAYS

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