L’hypothèse d’un retour en politique est prise très au sérieux. Mais, la question n’est pas tant de savoir s’il est revenu mais dans la manière et le choix du moment
La «traversée du désert » politique, une épreuve à laquelle beaucoup d’hommes politiques sont, un jour ou l’autre, confrontés. Il existe bel et bien un art de revenir en politique. De sa capacité à analyser les circonstances de son retour dépend sa réussite ou son échec. Les vrais gagnants sont ceux dont l’habilité et l’audace savent saisir les opportunités pour forcer le destin. Puisque le péril dans l’ambition politique est de mener, par orgueil, le combat de trop. Tout l’enjeu n’est pas tant dans la manière mais le choix du moment. Un retour aux principes d’un gouvernement raisonnable du peuple pour le peuple est ici assimilé à un cheval de bonheur qui passe devant sa porte et qu’il faut monter au plus vite.
Mahmoud a à cœur de continuer à exister, de ne pas disparaître complètement des projecteurs de l’actualité. Mahmoud a quelque peu disparu entre sa résidence et la mosquée, s’est volontairement coupé de ses anciens alliés du Mouvement du 5 juin. Il a beaucoup voyagé et passé une partie de son temps à recevoir de nombreux visiteurs de marque. La difficulté majeure de cette période a été d’arriver à s’en extraire et de tenter son retour au devant de la scène politique après des mois d’absence. Aucun retour en fanfare n’est possible sans les médias.
Eh bien ! Le manifeste de Mahmoud Dicko en fait la démonstration. L’ex –autorité morale du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5 –RFP) a étrillé, infligé une gifle aux tenants actuels du pouvoir. « L’Etat qui nous gouverne n’a plus de sens. Il faut sauver le Mali » en guise d’invitation lancée à ses compatriotes à sortir de leur torpeur et à prendre le taureau par les cornes. Un exercice périlleux mais qui vaut bien un galop d’essai. Même si sa côte de popularité a quelque pris des rides dans la guerre de leadership que s’est livrée ses protégés de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS) et dans le naufrage de son rapprochement avec les militaires. On a susurré que le Premier ministre Moctar Ouane lui devait une fière chandelle pour avoir fait penché la balance en faveur de sa nomination à ce poste.
Périlleuse situation
Mahmoud s’est senti grugé et a fait son mea-culpa. «Nul être non plus n’est parfait. Je me suis souvent trompé en soutenant des hommes, qui, guidés par des intérêts égoïstes et matérialistes n’ont pas su incarner le redressement du Mali tant souhaité. J’ai cru, comme en 2013, qu’une participation forte à un projet électoral pourrait, à elle seule porter l’espoir de résolution de nos problèmes de gouvernance politique et social. Je me suis trompé, je le regrette sincèrement.
Je veux porter ici la voix d’un nouvel élan d’émancipation , d’une urgence à agir, à penser haut et vrai, devant l’histoire, pour de nouveaux horizons, avec l’espoir que le génie malien entendra l’écho de cette voix et s’élèvera à mes côtés, en pèlerin, notre destinée. C’est un acte d’espoir et de paix…
La situation est périlleuse. Depuis le 18 aout, j’ai laissé ma porte ouverte, j’ai inlassablement écouté et observé, mais la situation me paraît trop grave pour je garde le silence ».
Mahmoud, qui a opéré un retour médiatique, a alimenté les spéculations sur une éventuelle préparation de sa candidature à l’élection présidentielle de 2022. L’hypothèse d’un retour en politique est prise très au sérieux. Mais, la question n’est pas tant de savoir s’il est revenu en politique mais la manière et le choix du moment, pour se répéter.
Redorer le blason terni
En jetant un gros pavé dans la marre du gouvernement, lui, qui est trop mal aimé de ses alliés d’hier du Mouvement du 5 juin, pourrait certainement éveiller l’intérêt de ces derniers. Nombreuses de ses figures l’ont couvert de sarcasmes et de suspicions. En politique, les montagnes se rencontrent. Un pont jeté entre les deux pourrait décupler leur force dans le combat qu’ils compteraient conduire en vue d’atteindre les objectifs communs.
Mahmoud est trop intelligent, très informé pour ne s’investir à recoudre le tissu social déchiré par les conflits communautaires, les excursions djihadistes. Une manière de redorer son blason en se rangeant du côté du peuple dont les cris de détresse, les appels au secours ont percé les murs de sa résidence cossue. Il a déjà donné des gages de bonne volonté en n’offrant pas notamment une bouée de sauvetage tant espérée à son beau-fils débarqué du gouvernail de la CMAS en raison de ses activités brouillonnes.
Mahmoud Dicko justifie la rédaction de cette déclaration comme une redevabilité au peuple pour sa sortie massive lors des manifestations contre le régime IBK en 2020. C’est « ma foi et ma légitimité qui m’oblige à tenir ce discours », ajoute-t-il. Au même moment, il invite les autorités à s’inscrire dans la lutte contre l’impunité et l’injustice.
Georges François Traoré