Plusieurs fois repoussées alors que le mandat des députés est arrivé à terme depuis 2018, les élections législatives se tiendront dimanche 29 mars 2020, pour leur 1er tour. Si les différentes alliances électorales nouées ne présagent pas d’un changement drastique de la configuration actuelle de l’Assemblée nationale, d’autres réels enjeux politiques se dessinent dans un scrutin longtemps attendu sur l’échiquier politique national.

Les différents états-majors des partis politiques continuent de s’activer dans la dernière ligne droite de ces élections législatives, alors que la campagne ouverte depuis le 8 mars s’achève le vendredi 27 mars à minuit. Plus de 1 400 candidats sont en course pour occuper les 147 sièges de l’Assemblée nationale.

Au-delà de la bataille électorale qui s’annonce, ces législatives présentent surtout un certain nombre d’enjeux pour les différents partis, dans un contexte où la donne  semble  avoir évolué vis-à-vis de l’environnement politique qui prévalait en 2013, lors des dernières élections des députés à l’Assemblée nationale.

Maintenir la majorité

Avec 66 députés au sortir des législatives de 2013, le Rassemblement pour le Mali (RPM), le parti présidentiel, voudrait assurément conserver sa domination à l’Hémicycle et asseoir sa majorité avec ses alliés. Ce qui, selon certains analystes, semble plus ou moins acquis pour le parti du Président Ibrahim Boubacar Keita.

« En réalité, les législatives sont, la plupart du temps, influencées par la tendance du parti au pouvoir. Aujourd’hui, celle qui se dessine montre que c’est toujours le RPM qui maintient le cap. Je pense que ce parti conservera sa majorité, même si ce n’est pas avec autant de députés que lors de la législature qui s’achève », affirme l’analyste politique et politologue Boubacar Bocoum.

Même son de cloche chez le chercheur et analyste au Crapes Khalid Dembélé, qui pense que le RPM a encore beaucoup de capacités, notamment celle de pouvoir battre campagne partout sur le territoire national, où il est implanté partout.

« Je pense qu’ils sortiront encore une fois comme la première force politique du pays, même s’ils ne préservent pas leur positionnement actuel. Cela s’explique par le fait qu’ils ont plus de capacités à mobiliser que les autres partis politiques, en termes de moyens et de ressources », indique-t-il.

Du côté de l’Adema-Pasj, les ambitions ne sont pas moindres. Le parti de l’Abeille entend confirmer sa place de « première force politique et sociale » du pays à l’issue de ces élections législatives.

« Nous travaillons à avoir une grande majorité, sinon à être la première force politique au niveau de l’Assemblée nationale, et à avoir des cadres compétents, qui puissent participer au débat dans l’Hémicycle et à toutes les réformes qui sont programmées », dit Yaya Sangaré, Secrétaire à la communication de l’Adema.

« Après avoir soutenu la candidature du Président IBK en 2018, nous sommes, cette année, dans une logique de positionnement où nous cherchons une plus grande implantation du parti. Nous avons d’ailleurs eu beaucoup d’adhésions dans ce sens », ajoute-t-il.

Une ambition politique réalisable, à en croire Boubacar Bocoum, pour lequel l’Adema, aujourd’hui, a la possibilité de se reconstruire. Le tandem qu’elle forme avec le RPM lui permet de garder toutes les chances d’une représentativité considérable à l’Assemblée nationale et de se repositionner favorablement sur l’échiquier politique.

L’heure des confirmations ?

Très en vue alors que son Président, l’ancien Premier ministre Soumeylou Boubeye Maiga, était encore en poste à la Primature, et ayant bénéficié de beaucoup de ralliements de députés déserteurs des rangs du RPM, l’Asma-Cfp se trouve à un tournant.

Très attendu, le grand enjeu pour ce parti sera de confirmer l’avancée qu’il a engrangée au terme de la législature qui s’achève. « Nous voulons avoir le maximum de députés possible. C’est pourquoi nous sommes présents dans pratiquement tous les cercles. Nous nous battons pour cela. C’est vrai que les chances ne sont pas les mêmes partout et que cela dépend de chaque localité mais l’enjeu, pour nous, c’est d’arriver à asseoir notre groupe parlementaire », affirme Issa Diarra, Secrétaire général du Bureau politique national de l’Asma-Cfp.

Mais si ce dernier se montre confiant quant à une issue favorable pour son parti au terme du scrutin législatif, la tâche est rude du point de vue de certains analystes. « Aujourd’hui, le Président de l’Asma n’est plus cette personnalité représentative de la confiance du Président de la République et ayant un certain nombre de  pouvoirs. Étant dans un contexte où les migrations politiques sont surtout motivées par l’opportunisme, l’Asma aura du mal à attirer encore comme elle le faisait dans un passé récent », pense M. Bocoum.

« Je ne crois pas que ce parti puisse confirmer sa percée à l’issue de ces élections législatives. Mais SBM demeure un adversaire politique respectable, un fin stratège, qui aura toujours son mot à dire », analyse le politologue.

Cet avis est également partagé par Khalid Dembélé, qui soutient pour sa part que l’Asma, en phase d’extension mais pas encore  assez implantée, pourrait certes gagner du terrain, sans pour autant bousculer considérablement le parti présidentiel.

Arrivé 3ème à l’élection présidentielle de 2018, avec une percée fulgurante de son candidat, Aliou Boubacar Diallo, l’ADP-Maliba, de son côté, fait partie des formations politiques attendues pour cette échéance électorale.

Le nouveau challenge, pour le parti de Youba Bah, sera de tenir ce rang et d’avoir une place confortable au sein de l’Assemblée nationale. « Les spécificités d’une élection présidentielle et celles des élections législatives sont totalement différentes. Mais tout compte fait, quoi qu’il arrive, notre parti est fermement engagé à rester un acteur incontournable de la scène politique nationale. Et, pour cela, nous n’avons perdu aucun de nos soutiens, notamment celui du Chérif de Nioro », souligne Cheick Oumar Diallo, Président du Bureau national des jeunes de l’ADP-Maliba.

Mais, pour Khalid Dembélé, l’ADP-Maliba, au-delà de la personne d’Aliou Boubacar Diallo, et avec l’exclusion d’Amadou Thiam, qui en était la figure de proue, aura la tâche très difficile pour ces législatives.

Déclic pour les réformes ?

Beaucoup de réformes institutionnelles majeures, concernant entre autres l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, la loi électorale ou encore la révision de la Constitution sont en instance depuis au moins deux ans.

Le renouvellement  prochain de l’Assemblée nationale devrait donc constituer un déclic pour l’effectivité de ces différentes réformes. Mais sur le fond, à en croire Boubacar Bocoum, l’architecture même de ces réformes institutionnelles et leur adéquation restent encore à peaufiner.

« En réalité, l’État du Mali même n’a pas de modèle de la nouvelle architecture institutionnelle qu’il propose. Quand vous prenez par exemple l’aspect de la gouvernance des régions, vous ne voyez pas clairement établis les rapport de ces dernières avec l’État central », déplore-t-il.

« Il y a aujourd’hui des partis qui s’opposent au parti présidentiel, mais une fois à l’Assemblée, ils intégreront la majorité présidentielle. Donc, si cette dernière arrive à asseoir une large majorité, les réformes prévues pourront passer sans difficultés », relève pour sa part, sur la forme, le chercheur au Crapes.

Un défi sécuritaire

Dans le centre et dans le nord du pays, certaines localités sont toujours en proie à une insécurité généralisée, caractérisée par la montée des attaques terroristes et les violences intercommunautaires.

L’organisation des élections législatives dans ces zones est un défi majeur pour l’État, qui n’est carrément plus présent dans certaines de ces localités depuis l’éclatement de la crise, en 2012. Au risque de se retrouver face à un problème de représentativité de l’Assemblée nationale, parce que certaines parties du territoire n’y auront pas de représentants, beaucoup d’observateurs appellent l’État à prendre des mesures pour que le scrutin soit effectif dans l’ensemble du pays.

« Le gouvernement dans son entièreté, mais plus spécifiquement à travers les ministères concernés, est en train de s’y atteler », assure Yaya Sangaré, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement.

Germain KENOUVI

Source: journaldumali