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L’eau en sachets : de qualité douteuse

Ces dernières années, on a assisté à une prolifération des usines de fabrications de sachets d’eau

 

Les structures de contrôle n’ont pas les moyens de répression. Les opérateurs privés évoluant dans ce créneau ne respectent pas toutes les normes de production et de qualité de l’eau qu’ils commercialisent souvent sans autorisation de mise sur le marché

«Eau pure», «Zam Zam», «Eau potable», «Eau Pacific», «Eau Atlantic», etc. Ces noms de marques figurent en lettres souvent majuscules sur les sachets d’eau plastiques industriels qui foisonnent à travers le pays. Urbains et ruraux en raffolent. à Bamako, on peut s’en procurer dans des boutiques, des alimentations, des marchés, des carrefours, des auto-gares, les abords de certains établissements hospitaliers.

à l’intérieur du pays, des unités de fabrique d’eaux en sachets plastiques abondent également. Les foires hebdomadaires sont mises à profit pour les écouler. Elles sont prisées à l’occasion de mariages, baptêmes, deuils, etc.

Au rythme où vont les ventes, des consommateurs se demandent si toutes les unités de fabrique de ces liquides disposent d’autorisation pour exercer cette activité. Certains semblent préoccupés par la qualité sanitaire et hygiénique des eaux en sachets. Sont-elles vraiment potables ? Que font les services d’analyse et de contrôle pour préserver la santé des populations en exigeant le respect des normes édictées en la matière ?

Ces eaux sont produites dans des conditions illégales par des ménages disposant de fausses adresses et d’étiquettes ignorant de mentionner les normes d’hygiène et la source du liquide, tranche la directrice du Laboratoire national des eaux (LNE). Selon Mme Farmata K. Yaro, la plupart des producteurs d’eaux en sachet ne disposent ni d’autorisation de production et de mise sur le marché, ni de certificat d’analyse. «Ils copient les paramètres des eaux en bouteille. Sur les étiquettes, ils mentionnent le calcium, le sodium avec des valeurs fictives», argumente-t-elle.

à la date du 15 avril 2021, seulement une quinzaine d’autorisations de mise sur le marché pour les eaux en sachets plastiques ont été délivrées, révèle Mme Diarra Dioumé Cissé. Elle précise que le contrôle et le suivi des eaux non analysées en circulation deviennent difficiles. Cette situation serait favorisée par l’inorganisation du secteur qui rend difficile le recensement et le contrôle de la qualité de ces eaux, confirme la nutritionniste à l’Agence nationale de la sécurité sanitaire des aliments (Anssa).

En 2019, l’Anssa a réalisé une étude sur le secteur. Intitulée : «L’évaluation de la qualité sanitaire des eaux en sachets plastiques dans le District de Bamako». Elle a concerné 81 unités de production opérant dans le District de Bamako. Résultat : 93,67% des unités interrogées utilisaient l’eau fournie par la Société malienne de gestion de l’eau potable (Somagep), 5,71% les eaux de forage et 1,26% utilisait à la fois l’eau de la Somagep et du forage, en cas de coupure de la première. Elles utilisaient, presque toutes, la filtration comme moyen de traitement physique. Seulement 2,6% usaient de traitement chimique.

Boubacar Diallo est producteur d’eau en sachets. Il produit l’eau en sachet dans sa boutique. Il utilise l’eau du robinet, achète des sachets vides au marché. à l’aide d’une petite machine, il ferme les sachets. Ainsi arrive-t-il à produire plus de 20 paquets d’eau par jour qu’il cède à d’autres boutiquiers au prix grossiste de 300 Fcfa le paquet de 30 unités. Pour lui, l’eau du robinet n’a pas besoin de traitement car c’est de l’eau potable.

Certains clients ignorent la provenance et le type d’eau contenue dans ces sachets. «Je prends le paquet d’eau à la boutique et je revends le sachet à 25 Fcfa. J’ignore les conditions de production et la qualité de cette eau. Par jour, je peux vendre jusqu’à quatre paquets, soit un bénéfice de net de 4.000 Fcfa», confie Ramatou Diané. Propriétaire de congélateur, Awa Diallo gagne 10.000 Fcfa par jour en période de canicule en vendant des eaux en sachets dont elle ignore également les conditions de production et d’hygiène.

Ces manquements auraient pu être évités si les entreprises faisaient l’effort de se conformer à la réglementation. Pour obtenir une autorisation de vente, il suffit de constituer un dossier technique composé d’un certificat d’évaluation de l’entreprise, d’un certificat d’analyse de l’eau, d’un processus de traitement et des échantillons d’eau pour la commission d’autorisation de mise sur le marché, rappelle Mme Diarra.

L’unité doit avoir une attestation certifiant la qualité de l’eau, ajoute la directrice du Laboratoire national des eaux (LNE). Pour ce faire, précise Mme Farmata K. Yaro, le promoteur est tenu de se rendre au laboratoire avec les échantillons d’eau pour s’assurer que l’eau qu’il veut commercialiser est de bonne qualité.

Mais, l’appât du gain semble l’emporter sur le souci de préserver la santé des consommateurs. Les acteurs paraissent visiblement mus par le seul désir de s’enrichir. Un pack contenant 30 sachets, cédé en gros entre 350 et 500 Fcfa, rapporte aux détaillants environ 1.000 Fcfa de bénéfices en raison de 50 Fcfa l’unité à la consommation. Idem pour le sachet de 25 Fcfa, dont le paquet contient 60 unités. Yaa Coulibaly, vendeuse, indique qu’elle peut réaliser un bénéfice de 2.000 Fcfa par jour pour sa patronne et 1.000 Fcfa pour elle-même.

Pour y faire face, des équipes du Laboratoire national des eaux maraudent souvent pour prélever et vérifier la qualité des eaux en sachets commercialisées. Cet établissement à caractère scientifique qui fait des recherches sur la qualité des eaux, inspecte les unités de production identifiées. Il organise des discussions avec leurs promoteurs sur l’importance de la qualité de l’eau et sur le rythme de suivi. Il en est de même pour les eaux de surface et souterraines sur toute l’étendue du territoire national, explique la directrice du LNE. En la matière, elle collabore avec l’Institut national de santé publique (INSP), le Laboratoire national de santé (LNS) qui lui envoient chaque mois des résultats d’analyse d’eaux prélevées dans la ville, ajoute-t-elle, précisant que sa structure n’a pas vocation à réprimer.

L’Anssa coordonne les activités de contrôle liées à la qualité des aliments. A ce titre, elle peut retirer du marché ou du circuit de commercialisation les eaux impropres à la consommation qu’elle détruira. «En cas de non-respect des normes sanitaires, l’entreprise doit fermer ou se soumettre à un accompagnement technique afin de se conformer aux normes sanitaires prévues en la matière», confirme Mme Diarra Dioumé Cissé.

Anne-Marie KEÏTA

Source : L’ESSOR

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