Le Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga s’est rendu successivement, la semaine dernière, à Tessalit, Kidal, Gao, Tombouctou, Koro, Bankass, Bandiagara et Djenné. L’étape la plus attendue de ce périple au nord et au centre était celle de Kidal où le chef du gouvernement a passé quelques heures en toute convivialité et fraternité. Pas d’incidents. Ce qui est à l’actif du locataire de la Primature en dépit des multiples tractations politico-diplomatiques ayant entouré la visite d’un haut responsable de la République dans la capitale de la 8ème région administrative, transformée depuis les tristes événements de mai 2014 en une enclave désertique par une bande d’aventuriers regroupés sous la bannière de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA).
Avec les difficultés d’application de l’accord pour la paix et la réconciliation, ni le gouvernement ni les groupes armés encore moins la Minusma n’avait intérêt à poser des entraves à cette visite du Premier ministre. Tout le monde semble être unanime sur les dangers que court la République en cas de non tenue de l’élection du Président de la République dont le 1er tour aura lieu le 29 juillet 2018. Le vrai compte à rebours vient de commencer. L’urgence d’aller plus vite a poussé le gouvernement et les groupes armés à adopter en début de semaine une nouvelle feuille de route afin d’accélérer la mise en œuvre de l’accord issu du processus d’Alger. Cette énième entente entre les parties permettra-t-elle d’avancer dans le bon sens ? Difficile d’y répondre avec exactitude. Toujours est-il que les concessions récentes faites par les groupes armés interviennent dans un contexte marqué par la menace de sanctions brandie par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. S’ils ne veulent pas perdre les avantages découlant du comité de suivi de l’accord, ceux qui se pavanent dans les grands hôtels n’ont nullement intérêt à tenir tête au Conseil de Sécurité de l’ONU. « Ils sont mieux traités qu’un ministre de la République », nous confiait récemment une source crédible en faisant allusion aux responsables des groupes armés siégeant au sein du comité de suivi de l’accord.
Les petits aventuriers de Kidal ne peuvent donc user de la ruse pour échapper aux sanctions onusiennes. Il revient au gouvernement de la République d’agir en stratège afin d’obtenir en peu de temps des avancées notoires dans le cadre du retour de l’administration et des forces de défense et de sécurité dans les régions du nord. Au-delà, il faudra que le gouvernement, notamment le Président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta, fasse preuve de réalisme en tendant la main à d’autres forces qui sont devenues incontournables pour un retour à la normale. Il est attendu de sa part des décisions politiques fortes qui ne seront pas du goût de certains de ses partenaires. Pour le moment, il n’y a pas d’alternative à un dialogue inclusif avec toutes les composantes y compris celles étiquetées comme forces du mal.
Quand le chef d’état major général de l’Armée française, le général François Lecointre affirme devant une commission parlementaire ceci : «Je ne pense pas qu’il soit possible de régler le problème au Mali en moins de 10 à 15 ans, si tant est que nous le pouvons », il faut faire preuve d’une cécité stratégique pour ne pas nouer d’autres alliances pouvant permettre de stabiliser le pays.
Source: Le Challenger