« Le sommet de Pau, qui débute aujourd’hui, devrait être un tournant décisif dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. Au départ, Macron l’avait convoqué pour que les chefs d’États concernés clarifient leurs positions quant à la présence militaire française dans la zone. Aujourd’hui, il semble que l’éclaircissement soit valable pour les deux parties. Et le président français semble bien décidé à dire ses vérités aux présidents du G5 Sahel. À eux aussi, d’en faire même. »
Pour L’Indépendant, à Bamako, « c’est entendu : la rencontre de Pau n’annoncera pas le retrait de l’opération Barkhane du Sahel. S’il est bruyamment réclamé par une partie de l’opinion amenée par des activistes déterminés, il n’est souhaité par aucun des cinq chefs d’État concernés de la sous-région. Tous savent le prix qu’il en coûterait. »
Les Africains doivent se prendre en main
Toutefois, poursuit L’Indépendant, Barkhane ne fera pas tout… Les États concernés doivent aussi se prendre en main : « si important que soit le dispositif militaire et sécuritaire qui pourrait être créé à l’international, le Mali lui-même, estime le quotidien bamakois, a sa propre partition à jouer, qui est loin d’être négligeable. Le terrorisme se nourrit et prospère de l’absence de l’État et donc des services de base qu’il fournit traditionnellement aux populations : santé, éducation, eau, assainissement, sécurité alimentaire, etc.
En bien des localités du nord et de plus en plus du sud, ce sont les terroristes eux-mêmes qui se sont substitués à l’État et tentent de combler ce manque avec les moyens du bord. D’où l’empathie que leur portent ces Maliens délaissés et oubliés. Il est plus qu’urgent donc, pointe L’Indépendant, que l’État se réapproprie ses missions régaliennes en redéployant son administration partout sur le territoire national. Cela n’est réalisable qu’à la condition de reconstituer son armée sur la base de l’accord pour la paix et la réconciliation de juin 2015. C’est la priorité à laquelle doit s’atteler le duo IBK-Boubou Cissé et qui conditionnera l’aboutissement heureux de l’échafaudage qui sortira du sommet de Pau. »
Vers une stratégie véritablement africaine ?
Dans une tribune publiée par Le Monde Afrique, la chercheure Niagalé Bagayoko, spécialiste de la gestion des conflits, insiste également sur le fait que les Africains doivent se prendre en main.
« Le sentiment d’impuissance collective suscité par la difficulté à apporter une réponse durable à la crise multidimensionnelle que traverse le Sahel démontre que les solutions promues par les partenaires bilatéraux et multilatéraux de l’Afrique ne sont pas nécessairement plus efficaces que celles conçues par les Africains, affirme Niagalé Bagayoko. (…) Aujourd’hui, poursuit la chercheure, il existe à l’évidence un espace pour qu’émerge une pensée stratégique véritablement africaine, c’est-à-dire avant tout ancrée dans les réalités politiques, sécuritaires, sociétales, anthropologiques et économiques du continent. »
Un modus vivendi « politiquement correct et militairement efficient »
En attendant, il faut « briser le pot-pourri des malentendus », s’exclame L’Observateur Paalga au Burkina : « Ce qui est attendu de cette rencontre emblématique de Pau, relève le quotidien ouagalais, ce n’est pas un clash retentissant entre « nos ancêtres les Gaulois », courroucés d’être incompris, et des « descendants » africains caractériels et ingrats, mais plutôt un modus vivendi politiquement correct et militairement efficient qui renforce les liens d’un partenariat décomplexé, transparent, entre le G5 Sahel et la France. En effet, Bamako, Niamey, Nouakchott, Ndjamena et Ouagadougou auraient tort de jeter le bébé de la coopération militaire avec Paris avec l’eau du bain de ses opinions francophobes. »
Alors, complète Le Pays, toujours au Burkina, « tout en reconnaissant qu’ils ne peuvent pas, pour l’instant, se passer de l’aide de la France dans la lutte qu’ils mènent contre le terrorisme, les dirigeants des pays membres du G5 Sahel doivent comprendre que plus que jamais, ils sont face à leurs responsabilités. Car, non seulement ils savent désormais qu’ils devront compter avec leur opinion nationale de plus en plus critique et qui exige de voir plus clair dans les accords qui lient leurs pays respectifs à la France. Mais aussi, ils mesurent encore plus à quoi ils s’exposent tant qu’ils ne s’assumeront pas pleinement face à la crise sécuritaire actuelle. C’est en cela qu’on espère, conclut Le Pays, que le sommet de Pau marquera un grand tournant dans la lutte contre l’insécurité au Sahel. »
Rfi