Le sommet de Pau se réunira le 13 Janvier. Il s’annonce décisif car la France, sous le feu de nombreuses critiques, tient à voir ses partenaires solidifier leur soutien à son action dans le Sahel pour une véritable concordance des effets politiques avec les actions militaires. Dans le cas contraire, elle pourrait aller jusqu’à envisager son retrait.
Le sommet sera inauguré par une cérémonie d’hommage aux 13 soldats tombés à la fin du mois de Novembre 2019 au sein de l’enceinte du 5éme Régiment d’Hélicoptère de Combat, basé à Pau, dont dépendaient sept des soldats tombés. Il s’en suivra une première réunion au château de Pau, à huis clos, entre le Président Macron et les chefs d’état du G5, une seconde composée des chef d’états et leur principaux collaborateurs (ministres, officiers généraux, responsables des services de renseignement.) qui sera suivis d’une conférence de presse commune et enfin d’un dîner où seront présent divers représentants d’institutions internationales (ONU, UE, Conseil de l’Europe, Union Africaine, Organisation Internationale de la Francophonie). Le Président Macron ne fait pas de secrets quant à sa volonté de voir émerger des solutions face à la contestation régionale voire internationale de la légitimité de la France- et son efficacité- dans sa lutte contre le terrorisme islamique dans le sahel via son dispositif Barkhane.
- Une parole commune solide comme condition de l’efficacité militaire
La France semble vouloir assumer d’emblée ses objectifs quant au sommet de Pau. Son action dans le Sahel, au travers de Barkhane, connait une crise de confiance au sein du G5 Sahel, notamment du fait des attaques meurtrières au Niger, au Mali et au Burkina-Faso survenues ces derniers mois. Face à ces narratifs anti-français émanant des opinions publiques la France souhaite voir émerger une parole solide et affirmée de la part des états du G5 quant à leur volonté de voir l’action de la France contre les groupes terroristes se poursuivre. L’adhésion politique des états du G5 est fondamentale dans la mesure où les résultats militaires de la France ne pourront être conservés à long terme sans l’exploitation politique et administrative sensée les accompagner. Conçue pour lutter contre les groupes djihadistes, Barkhane continue de contenir les velléités d’enracinement territorial de plus en plus affirmées de ces derniers, notamment dans la zone des trois frontières (Mali, Burkina-Faso, Niger). Or les polémiques qui visent à contester l’efficacité, voire la légitimité, de la présence française renforce in fine les groupes terroristes, et rend caduques les effets militaires car insuffisamment exploités par les états. L’adoption d’une volonté politique commune en faveur de la poursuite de l’engagement militaire est annoncé comme le point le plus décisif de ce sommet et ses suites. Car dans le cas contraire la France envisagerait alors très sérieusement un retrait progressif du Sahel.
Sans ressourcement de la légitimité de l’intervention française auprès de ses partenaires, il sera alors impossible de réaligner des objectifs communs et bien partagés. Barkhane est une opération relativement ancienne (2014). La nature de la menace, tout comme sa localisation géographique principale a depuis évolué. L’arrivée, depuis 2018, de combattants expérimentés depuis la Syrie et l’affirmation de la présence de l’Etat Islamique ont créés une nouvelle zone de risques majeurs dans le Liptako-Gourma (zone des trois frontières). Ce sont des conditions différentes de la zone nord du Mali et son l’instabilité induite par les revendications touaregs et leur récupération par les islamistes. Nommer un ennemi commun et une zone d’opération prioritaire permettra alors de faciliter la mise en place d’une stratégie clair. Sans cadre d’action commun il ne sera techniquement pas possible d’entreprendre une véritable rationalisation opérationnelle ni d’espérer une coopération militaire et sécuritaire renforcée des pays du G5.
- Renforcer Barkhane par un investissement international plus volontaire
Par ruissellement, la définition d’une stratégie cohérente et bien partagée, menée par une France légitimée, permettrait d’encourager un investissement international plus fort. C’est un souhait affirmé de la France dans la tenue de ce sommet. L’équilibre des réunions qui le composent pourrait faire planer un doute sur la volonté d’inclure les institutions internationales à la résolution de cette crise. Pourtant la France revendique ancrer son action dans une légitimité originelle, légale et politique, venant des états du G5 mais aussi des Nations-Unies. Si son engagement substantiel confère à la France de facto le rôle de nation-cadre, cela ne l’empêche pas de promouvoir une participation internationale plus large.
De ce point de vue la France veut réaffirmer le DP3S (Partenariat pour la Sécurité et la Stabilité au Sahel) qui permettrait d’inclure la CEDEAO à la résolution globale de la crise ou bien l’Alliance pour le Sahel concernant le volet du développement de la bonne gouvernance. La France abordera également son souhait de voir monter en puissance la Minusma, notamment dans la zone Centre, secondaire pour la France, ce qui libérerait des forces vives vers les zones les plus exposées. La France souhaiterai également un engagement plus fort de ses partenaires européens, même si certains sont déjà engagés à des degrés et des modalités diverses dans l’opération Barkhane : comme le Royaume-Uni, l’Estonie ou le Danemark ou bien les Pays-Bas la Belgique et l’Allemagne au sein de la Minusma. Par ailleurs, on attend l’officialisation du projet d’un déploiement de forces spéciales européennes (hors-UE), la force Takouba, dont l’existence est encore subordonnée à une invitation formelle de la part des pays du G5. Le sommet pourrait être le moyen de faire avancer ce projet. La question du retrait potentiel des Etats-Unis sera probablement abordée. Ces derniers apportent des capacités d’appui (renseignement, ravitaillement aérien) très importantes dont le retrait ferait défauts à l’opération. S’il ne s’agit pas là d’un enjeu propre au sommet, il n’en demeure pas moins qu’il pourrait faire partie des causes secondes dans la mesure où la solidité du soutien du G5 Sahel conditionnent une partie de l’attractivité de l’opération.
En définitive ce sommet est la matérialisation de la volonté de la France à trouver une solution définitive à cette crise dans laquelle sa sécurité est engagée. Face aux récents défis qui s’imposent à elle en termes de durcissement de la menace des groupes terroristes, la France annonce clairement être prête à densifier son dispositif. Toutefois, la crise de légitimité qu’elle traverse, malgré les résultats de son action, n’incite pas à un investissement international plus abondant et l’expose à un enlisement qui pourrait l’affaiblir. D’où la position à la fois conciliante et ferme envers les états du G5 Sahel mis devant le choix d’affirmer leur soutien solide à l’engagement militaire de la France ou bien de la voir partir dans les mois à venir. Les autorités françaises espèrent voir le sommet accoucher d’un texte commun conforme à leurs attentes. De ce point de vue, les récentes déclarations publiques des présidents Malien, Burkinabé et Nigérien permettent à la France d’être optimiste.
Journal du mali