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Le rap africain se cherche encore

La bouillonante scène hip hop africaine va bien, merci ! De nouveaux artistes émergent, des grands show télévisuels s’y consacrent tels que « Rap Academy » sur la chaîne ivoirienne RTI 2, et certaines pointures multiplient collaborations et « featurings ».

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Tout commence dans les années 1990 avec des groupes de rap devenus mythiques. Toute une génération a été bercée par les textes militants des Sénégalais de Daara J et Positive Black Soul, des Burkinabè Yeleen et de leurs amis de Faso Kombat (séparés en septembre), ou encore les Camerounais d’Ak’sang Grave. Des pionniers qui ont introduit le hip hop sur le continent avec des mélodies panachant des flows en français et en langues locales, avec des mélodies empruntant à la musique traditionnelle.

« Le hip hop était considéré comme un effet de mode quand j’ai démarré ma carrière au Cameroun », se souvient le rappeur de Yaoundé, Krotal, ravi de la place qu’occupe désormais ce genre de musical auprès du public. Un constat partagé par son compatriote rappeur Dareal : « Le rap africain est en train de se trouver une identité, et ça passe notamment par l’usage des langues locales. J’ai été inspiré par la scène sénégalaise où, dès le départ, on a rappé en wolof. Cela m’a aidé à me défaire du calque français. »

D’aucuns évoquent un « retour aux sources » pour expliquer la fulgurante percée du rap au Gabon au début des années 2000, avec notamment les groupes Raaboon et Movaizhaleine qui intègrent dans leurs compositions des rythmes traditionnels. Sur le continent, nul n’a oublié la “performance” d’Ali Bongo, alors en campagne présidentielle en 2009, qui, telle une star américaine avait osé s’essayer au hip hop devant une foule enthousiaste. Au Gabon, la culture hip hop irrigue jusqu’au plus haut niveau du pouvoir. D’ailleurs, chaque année, Libreville accueille le « Gabao Hip Hop Festival », une des manifestations les plus courues du genre dans la sous-région. « Le rap est le seul genre musical décrivant de manière assez précise le quotidien des jeunes Gabonais, veut croire le producteur Hokube. Malheureusement, l’absence de formalisation et le non-respect des droits d’auteur ont découragé toute la génération qui a pris le relais après l’âge d’or du rap au Gabon.»

Art engagé ou business : l’heure du choix

Comme l’ensemble des artistes sur le continent, les rappeurs africains ont dû faire face aux ravages de la piraterie, sans compter l’appui plus que limité des autorités locales. C’est ainsi que les grandes marques ont su s’imposer comme de véritables mécènes indispensables à la vie culturelle, obligeant plus ou moins subtilement les artistes à se conformer pour espérer un soutien financier. De la contrainte de sacrifier l’aspect artistique et parfois des textes engagés et anti-pouvoir pour faire face à des impératifs commerciaux ?

Certains n’ont pas infléchi leur discours. Il en est ainsi du rappeur algérien Lotfi Double Kanon dont le titre “klaouha” (“ils ont pillé le pays”), sorti en mars, a fait florès. Le chanteur s’y engage sans ambages contre un quatrième mandat du président algérien Abelaziz Bouteflika. En Tunisie, rap et engagement se révèlent être un pléonasme. Et nombreux chanteurs ont payé le prix cher, condamnés par la justice post-révolutionnaire, jetés en prison ou encore contraints à la cavale. Il en est ainsi de Weld El 15 qui avait provoqué un buzz et un scandale avec son titre “Boulicia Khelb” (« Les policiers sont des chiens ») sorti en 2013.

Au sud du Sahara, le décollage économique de certains pays se conjugue avec l’apparition d’un rap plus léger, festif et résolument commercial. Moins de politique et plus d’ode au consumérisme, à la vie légère sinon peccamineuse tant mise en scène par les géants du hip hop américain. Le tout servi par un culte de l’égo des artistes, à l’instar du Camerounais Sanley Enow qui a raflé le trophée du « meilleur nouvel artiste 2013 » aux MTV Africa Music Awards. Lui n’hésite pas à modestement s’autoproclamer « King du rap en Afrique centrale ». De quoi faire sourire. Mais sans ces grands médias, le rap demeure trop souvent cantonné à une scène restreinte d’aficionados.

Comment sortir du ghetto

« Les rappeurs sont encore ghettoïsés. Notamment parce que nos médias locaux ne nous diffusent pas et préfèrent miser sur le coupé-décalé ou diffuser les stars nigériannes. Reste donc les médias internationaux pour avoir une visibilité », souligne le rappeur ivoirien Christ Carter. Alors, certains osent l’alliance entre rap et coupé-décalé comme le groupe ivoirien Tour2Garde dont le titre « Makassa » fut l’un des plus gros hits de l’été 2014, en Afrique francophone.

Chacun son rap, chacun son message, chacun sa fonction. Le rap informe au Sénégal. En français et en wolof, les deux stars sénégalaises Xuman et Keyti rapportent les informations en rap depuis l’année dernière. Politique, société, critique acide du pouvoir… Les clips des deux rappeurs qui ont bénéficié du soutien et des conseils de Tidjane Dème, représentant de Google en Afrique de l’Ouest, ont remporté un franc succès sur YouTube puis sur la chaîne privée 2STV.

Mais chez les anglophones, les clips de rap local passent en boucle sur MTV Base, Channel O, Hip TV et autres chaînes dédiées. Il n’y est pas question de politique, d’indigence dénoncée, d’inégalités mais bel et bien de villas huppées, de naïades, de champagne et de voitures de luxe. Des tubes qui font souvent danser toute l’Afrique. Et des succés qui font rêver nombre de rappeurs africains.
Source: lemonde.fr

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