Enquêter sur les crimes de guerre est-il envisageable aujourd’hui au Liberia ? La question se pose plus que jamais après que le premier procès en France pour des crimes commis pendant les guerres civiles libériennes a livré son verdict, mercredi 2 novembre. Au terme de seize jours d’audience, la cour d’assises de Paris a condamné Kunti Kamara, ancien commandant du Mouvement uni de libération du Liberia pour la démocratie (Ulimo), à la réclusion criminelle à perpétuité pour « actes de barbarie » et « complicité de crimes contre l’humanité ».
La cour, composée de trois magistrats professionnels et de six jurés, a estimé que le Libérien de 47 ans était bien « CO Kundi » (pour « commanding officer »), un ancien chef rebelle ayant fait régner la terreur dans la ville de Foya (nord-ouest) en commettant une série d’exactions entre juin 1993 et fin 1994. Avec d’autres chefs de l’Ulimo, dont le sanguinaire « Ugly Boy » (vilain garçon), Kunti Kamara a notamment été reconnu coupable d’avoir participé au supplice de l’instituteur David Ndeminin, dont le cœur avait été arraché puis mangé.
Arrêté en région parisienne en 2018, Kunti Kamara a été jugé à Paris au titre de la « compétence universelle » exercée sous certaines conditions par la France afin de juger les crimes les plus graves commis hors de son territoire. Une vingtaine de témoins venus du Liberia se sont succédé à la barre. Ils ont décrit des exécutions, des viols, des massacres et des sévices d’une violence inouïe. Même si leurs témoignages ont parfois semblé imprécis, ils ont constitué des preuves suffisamment tangibles aux yeux des jurés.
Un jugement historique
Six autres procès d’anciens chefs rebelles des guerres civiles libériennes se sont déjà tenus avant celui de « CO Kundi ». En 2019, à Philadelphie, Mohamed Jabbateh alias « Jungle Jabah » a été reconnu coupable de parjure pour avoir tenté de dissimuler son rôle de commandant au sein de l’Ulimo lors de sa demande d’asile aux Etats-Unis. La justice américaine l’a condamné à trente ans de prison. En Suisse, Alieu Kosiah a été jugé en 2021. Ce proche de Kunti Kamara a été condamné à vingt ans de réclusion pour le meurtre de 19 personnes, l’utilisation d’un enfant soldat de 12 ans et le viol répété d’une villageoise. Son procès en appel se tiendra en janvier.