Le président français Emmanuel Macron s’est exprimé dimanche par visioconférence lors d’une réunion du G5 Sahel, qui comprend les cinq pays de la région participant à l’intervention militaire française et allemande: la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.
Macron a utilisé ce discours pour nier les rumeurs d’un retrait imminent ou d’une réduction de l’occupation militaire française du Sahel. «Des évolutions sans doute significatives seront apportées à notre dispositif militaire au Sahel en temps voulu, mais elles n’interviendront pas dans l’immédiat», a-t-il déclaré. «Retirer massivement les hommes, qui est un schéma que j’ai étudié, serait une erreur».
Soldats français du 126e Régiment d’infanterie et soldats maliens, 17 mars 2016 (Wikimedia Commons)
La France a envahi le Mali en 2013 contre les forces séparatistes et islamistes venues de Libye après la guerre de changement de régime de l’OTAN en 2011 dans ce pays. Plus de 4100 soldats français y sont stationnés depuis près de huit ans, portés à 5100 soldats par Macron il y a un an.
L’armée française a mené la guerre sous la bannière cynique de la lutte contre le terrorisme et de la défense de la population locale. En réalité, il s’agit d’une guerre néocoloniale brutale visant à subjuguer la région riche en ressources et cruciale au point de vue géostratégique.
Le Sahel contient des gisements d’uranium qui approvisionnent la France pour sa production d’énergie, ainsi que la principale base de drones français au Niger. La région est située dans une région géographiquement importante de l’Afrique de l’Ouest, qui contient non seulement le troisième plus grand gisement d’or au monde, mais où l’impérialisme européen cherche à contenir l’influence économique et diplomatique croissante de la Chine.
La guerre a été marquée par une série de revers militaires pour les forces d’occupation françaises ces derniers mois, notamment la mort de deux autres soldats français le 2 janvier lorsque leur voiture a heurté un engin explosif improvisé.
Macron n’a pas fait référence dans son discours aux signalements continus de crimes de guerre commis par les armées avec lesquelles la France opère conjointement et qui participaient au sommet de lundi. Les incidents incluent des preuves d’actes de représailles collectives contre des villes entières accusées d’abriter des sympathisants avec des groupes islamistes, et de soutien tacite aux massacres sectaires ethniques contre les communautés des Peules (ou Foulani) à prédominance musulmane.
Le 21 décembre, l’AFP a divulgué certaines parties d’un rapport des Nations Unies accusant l’armée malienne d’avoir commis des crimes de guerre. Le rapport a été transmis par le Conseil de sécurité, mais a été immédiatement abandonné et n’a pas été commenté depuis par le gouvernement français.
Le document compte près de 350 pages. Selon l’AFP, les auteurs affirment avoir «des motifs raisonnables de croire» que l’armée malienne «a commis des crimes de guerre». Il cite un incident en 2017, survenu lors d’une opération conjointe impliquant des troupes de l’armée française et malienne.
«Le 2 mai, vers 16h […] plusieurs personnes principalement des hommes peuls» ont été arrêtées et «violemment frappés par des soldats maliens avec des bâtons pour les forcer à admettre qu’ils appartenaient à des groupes armés extrémistes, menaçant de les tuer s’ils n’avouaient pas». Il affirme que trois hommes sont morts dans l’incident.
Cependant, ce n’est qu’un des innombrables reportages faisant état de crimes de guerre commis pendant l’occupation.
Le 1er novembre, Libération a publié un reportage basé sur des témoignages affirmant que l’armée malienne avait massacré 24 personnes dans un seul village huit jours plus tôt, dans la ville de Lièbè.
«Plusieurs témoins pointent pourtant la responsabilité des militaires dans le massacre. Entre 15 et 20 véhicules des Forces armées maliennes (Fama) ont pénétré dans le village de Liébé dans la matinée, assurent-ils. Des soldats auraient rapidement ouvert le feu. Six victimes ont été ligotées, les yeux bandés, avant d’être mitraillées, selon un survivant qui a été blessé au bras. La méthode indique des exécutions sommaires, constitutives d’un crime de guerre». Les témoins ont déclaré que les troupes avaient mis le feu aux maisons et tiré sur la population sans discrimination. La moitié des victimes étaient âgées de plus de 50 ans et trois de plus de 70 ans.
L’attaque aurait été une vengeance suite à une attaque terroriste des forces islamistes une semaine plus tôt près de Sokura, à 50 kilomètres de Lièbè, qui a tué 10 civils et 11 soldats.
En juillet dernier, Human Rights Watch a publié son propre rapport, basé sur des entretiens avec 23 personnes de Djibo, une ville du nord du Niger, à 45 kilomètres de la frontière avec le Mali. Plus de 180 tombes ont été découvertes à Djibo en plusieurs mois l’année dernière, toutes les victimes soupçonnées d’avoir été tuées par les forces de sécurité entre 2019 et 2020.
Les troupes d’occupation auraient également largement collaboré avec des milices locales, en particulier des groupes de la communauté ethnique dogon. Les forces de sécurité locales auraient armé et soutenu la milice dogon et fermé les yeux sur les massacres sectaires des communautés ethniques peules.
Une série de massacres ethniques de plus en plus horribles ont eu lieu au cours des deux dernières années, notamment le meurtre de plus de 150 personnes par des milices dogons dans la ville d’Ogossagou en 2019. Pour Paris, ces attaques ne servent pas seulement à intimider et terroriser la population locale, mais pour fournir une justification de droits de l’homme au maintien d’une force d’occupation permanente.
En août dernier, le gouvernement malien a été renversé lors d’un coup d’État militaire. Le gouvernement militaire a immédiatement reçu le soutien de Paris et a annoncé qu’il appelait les troupes maliennes à poursuivre leur soutien à l’occupation internationale du pays par la France.
(Article paru en anglais le 18 février 2021)
Source : World Socialist Web Site