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Le Nigeria vote sous la menace de Boko Haram

A l’entrée de Kaduna, les barrages des forces de l’ordre se succèdent comme les vagues du même océan chaotique. Dans l’embouteillage, camions, voitures, triporteurs luttent pare-chocs contre pare-chocs, tandis que toute une foule se faufile entre les carrosseries, les insultes et les gaz d’échappement, depuis les vendeurs d’œufs durs et de sachets d’eau jusqu’aux nuées de laveurs de pare-brise à la sauvette, raclette en main, qui semblent irriter bien plus les conducteurs que les responsables de ce désordre monumental : les forces de sécurité, et leur déconcertante façon de protéger Kaduna, l’ex-capitale du nord du pays, ville malade de ses divisions religieuses et politiques.

Goodluck jonathan president nigerian muhammadu buhari ex general parti opposant

Il y a là des unités de la police et de l’armée. Des hommes en civil au regard dur, avec des kalachnikovs à crosse pliable. Et des groupes de miliciens qui exhibent des gourdins, des machettes et un air d’extrême pauvreté. Ces derniers sont les plus excités. Ils ont désormais tous les pouvoirs, même celui de vérifier des documents qui n’existent que dans leur fantaisie. On ne sait s’ils sont venus ici s’enrichir, faire régner l’ordre ou la terreur. Un peu des trois, sans doute, si l’on en juge par leur façon, aussi brutale que vénale, de mener les contrôles.

C’est grâce à ce filtrage que Kaduna, cinquième ou sixième ville du Nigeria par la taille, mais géante, comme tout ce qui dépasse le stade de village, dans ce pays de près de 180 millions d’habitants, est supposée éprouver un sentiment de sécurité et échapper à ses démons : violences politiques et violences interreligieuses mêlées, alors qu’approche l’élection à risque de samedi 28 mars. Kaduna, ville Cocotte-Minute, n’a besoin que d’un incident pour que démarrent attaques et vengeances de groupe. En période électorale, les perspectives sont encore plus explosives. Après les dernières élections, en 2011, 80 % des 800 personnes tuées à travers le Nigeria l’ont été à Kaduna.

Mise en garde

Voici un terrain de rêve pour un attentat de Boko Haram, qui s’efforce de dresser les chrétiens contre les musulmans, et a promis de faire dérailler les élections. Aboubakar Shekau, le responsable de l’insurrection djihadiste désormais affiliée à l’Etat islamique, quelques mois après avoir proclamé, en août son propre « califat », avec pour capitale Gwoza, localité proche de la frontière camerounaise, insiste dans ses messages récents sur le fait que le scrutin étant « impie », Boko Haram se fera un devoir de le perturber.

Pour y parvenir, le moyen le plus évident est le recours à des attentats-suicides, que Boko Haram a multipliés récemment. Le service du renseignement intérieur a adressé jeudi une mise en garde pour la journée de vote, demandant même « aux électeurs de se méfier des personnes portant des tenues larges ou volumineuses au niveau du ventre », selon son porte-parole.

« Le pouvoir vivait depuis plusieurs années dans une cécité assez complète vis-à-vis de la question Boko Haram »

Mais Boko Haram pèse aussi sur les élections comme élément à charge contre le président sortant, Goodluck Jonathan. Le Nigeria s’est aperçu, en 2014, que le groupe djihadiste semblait ne plus pouvoir être arrêté. L’armée était en recul dans le nord-est du pays. Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno, était menacée. Peut-être, aussi, une partie de l’armée, favorable à son rival, l’ex-général Muhammadu Buhari, a-t-elle poussé l’inaction pour les besoins de la démonstration. Mais à la présidence, personne ne trouvait le ressort pour inverser la tendance. « Le pouvoir vivait depuis plusieurs années dans une cécité assez complète vis-à-vis de la question Boko Haram », analyse un observateur. Muhammadu Buhari a eu beau jeu de répéter pendant toute la campagne qu’il serait l’homme à poigne capable d’annihiler l’insurrection et de remettre l’armée en ordre de marche.

Depuis, le pouvoir a lancé sa propre offensive, parvenant aussi, pour la première fois, à coordonner une action militaire avec les pays voisins – le Tchad, le Niger et le Cameroun – concernés par Boko Haram qui utilise leur territoire comme base arrière et menace leurs propres forces. Des rallonges budgétaires ont été allouées aux forces de sécurité. Du matériel neuf a été acheté à la Chine, à la Russie et à la République tchèque. Les élections, prévues le 14 février, ont été repoussées de six semaines pour permettre aux armées africaines de lancer une offensive conjointe, avec le renfort, côté nigérian, d’un groupe de « conseillers militaires » sud-africains que leur propre gouvernement qualifie de « mercenaires ».

Dans les six semaines écoulées, plus de trente localités ont été reprises, même si la plupart sont des villages. « La situation dans le Nord-Est est bien plus favorable à la tenue d’élections sûres que cela n’était le cas en février », évalue dans son dernier rapport Andrew Noakes, qui dirige le réseau Nigeria Security Network. Mais dans les zones entre les agglomérations, les groupes fractionnés de Boko Haram continuent de se déplacer. Et dans les villes comme Kaduna, des kamikazes risquent de passer à l’action. Ce ne sont pas les embouteillages qui les en empêcheront.

Source: lemonde.fr

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