Les putschistes s’attribuent six ministères, notamment – sans surprise – celui de la Défense, donné au général Salifou Mody, vice-président du CNSP, numéro deux des mutins. L’ancien chef d’état-major, évincé avant de devenir ambassadeur, était allé rencontrer les putschistes maliens et burkinabè début août 2023. Le ministère de l’Intérieur, Sécurité publique, Administration du territoire est donné au général Mohamed Toumba, vu comme le numéro trois de la junte, chef d’état-major adjoint de l’armée de terre. Les militaires prennent aussi les portefeuilles de la Jeunesse et des Sports, de la Santé, des Transports, de l’Environnement.
Autre fait notable, le PNDS du président déchu disparaît. Le parti d’opposition Moden Fa Lumana de Hama Hamadou obtient une place centrale. Il décroche le « superministère ». Il s’agit du « Pétrole, Mines, Énergie », dont hérite Mahaman Moustapha Barké, ancien directeur de campagne du Moden Fa Lumana et proche du chef du gouvernement. Le mouvement d’opposition obtient aussi les Affaires étrangères avec Bakary Yaou Sangaré, diplomate chevronné, qui fut en poste en Arabie saoudite, en France, aux États-Unis ou encore à Cuba et l’ONU. Plusieurs personnalités sont des techniciens respectés, comme Mahamadou Saidou, recteur d’université nommé à la Santé, ou encore Alio Daouda, ancien président de la Cour d’appel, désormais ministre de la Justice.
Reste à savoir la marge de manœuvre de ce gouvernement sous le contrôle de la junte militaire, et dans un pays sous sanctions. Des putschistes qui, on le voit, veulent avancer malgré la pression de la Cédéao. Si les chefs d’État de cet ensemble régional ont achevé leurs discussions à huis clos, ils ont décidé de hausser le ton contre les putschistes. La Cédéao a annoncé qu’elle va « ordonner au comité des chefs des armées d’activer les forces en attente de la Cédéao et d’ordonner leur déploiement en vue de restaurer l’ordre démocratique au Niger ». L’option militaire semble ainsi enclenchée, même si des précisions sont encore nécessaires pour mieux comprendre la forme exacte que ce déploiement prendra.
Dans son communiqué, la Cédéao a en effet demandé que l’Union africaine (UA) approuve ces démarches et appelé au soutien de tous ses partenaires, y compris l’ONU. Ces points seront donc à préciser, tout comme certainement le cadre légal et la composition de la force qui sera mobilisée.
La Cédéao a aussi mis en garde contre « des États membres qui mettraient en péril la résolution pacifique de la crise au Niger ». Il est possible que cette phrase soit lancée en direction du Mali et du Burkina Faso, deux pays suspendus de la Cédéao – mais dont les chefs de l’État ont fait savoir qu’ils n’accepteront pas d’intervention militaire au Niger.
En matière de sanctions, Oumar Touray, président de la commission de la Cédéao, a rappelé que celles-ci sont maintenues, voire renforcées. Il a évoqué la fermeture des frontières, l’interdiction de voyager et le gel des avoirs « de toute personne ou groupes d’individus qui s’opposeraient à une action visant à entraver la résolution pacifique de la crise ».
Mais malgré l’annonce concernant les forces en attente de la Cédéao, le président Bola Tinubu, comme Omar Touray, ont bien souligné que leur volonté a toujours été de régler cette crise à l’amiable. Les chefs d’État de la Cédéao ont aussi réitéré leur engagement à restaurer l’ordre constitutionnel dans la paix, si cela était possible.
Mais la patience des États membres de la Cédéao semble épuisée. Le Nigérian B. Tinubu est longuement revenu sur les tentatives de négociation des derniers jours et leurs échecs répétés, mais aucune autre initiative de ce genre n’a été évoquée jeudi à Abuja. Pour preuve de ce statu quo, M. Bazoum est toujours retenu par les militaires dans la résidence de la présidence. La Cédéao s’est d’ailleurs inquiétée de ses conditions de détention et dit tenir pour responsable la junte de son intégrité physique. Pour l’heure, la fermeté de la Cédéao a été saluée par Washington et Paris.
Source: perspectivesmed