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Le Mali veut suspendre la diffusion de RFI et France 24

es réactions étaient toujours aussi vives ce jeudi 17 mars après-midi après l’annonce de la décision du ministère malien de l’Administration territoriale d’engager une procédure en vue de suspendre la radio internationale RFI et la chaîne de télévision France 24, tous deux membres du groupe France Médias Monde (FMM). Le motif ? La junte malienne reproche aux deux médias français la publication d’informations selon lesquelles les FAMa, les forces armées maliennes, seraient impliquées dans des exactions contre des civils.

Ces dernières semaines, plusieurs médias et organisations internationales ont publié des enquêtes, reportages et témoignages sur des violences commises par l’armée malienne et les paramilitaires de la société privée russe Wagner contre des civils, dans le cadre des affrontements avec les groupes djihadistes.

 

 

Le travail des médias et ONG pointé du doigt

Dans un communiqué daté de mercredi et publié jeudi matin, le porte-parole du gouvernement, le colonel Abdoulaye Maïga, « rejette catégoriquement ces fausses allégations contre les vaillantes FAMa », les forces armées maliennes. Le gouvernement « engage une procédure […] pour suspendre jusqu’à nouvel ordre la diffusion de RFI […] et France 24 », annonce le texte.

Pour motiver sa décision, le gouvernement malien fait référence à un reportage diffusé les 14 et 15 mars par RFI, dans lequel la radio a donné la parole à des victimes présumées d’exactions qui auraient été commises par l’armée malienne et le groupe de sécurité privé russe Wagner. Le communiqué fustige également une déclaration de Michèle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, le 8 mars, dénonçant des « violations du droit international, des droits de l’homme et du droit humanitaire » au Mali.

D’autres médias comme Le Monde ont également rendu public leur travail d’enquêtes sur ces exactions. Pour Bamako, ce « matraquage médiatique » représente une « stratégie savamment préméditée, visant à déstabiliser la transition, démoraliser le peuple malien et discréditer les vaillantes FAMa ».

Le colonel Maïga estime même que « les agissements de RFI et France 24 » ressemblent « aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio Mille Collines », qui avait encouragé le génocide au Rwanda en 1994.

Le Mali déplore aussi un rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW) publié le 15 mars et qui dénonçait une « vague d’exécutions de civils » par l’armée malienne et les djihadistes dans le centre et le sud-ouest du Mali. Ce rapport faisait état d’« au moins 107 morts civils » depuis le mois de décembre. Selon HRW, ces exactions auraient été commises par les FAMa en représailles à des pertes militaires infligées par des groupes djihadistes dans divers incidents. Les forces de sécurité maliennes, dont des centaines de membres ont été tués au Mali depuis le début des troubles en 2012, sont régulièrement accusées d’exactions.

La junte arrivée au pouvoir par la force en 2020 rejette systématiquement ces accusations et répète que les FAMa « respectent les droits de l’homme ». Dans son communiqué, le colonel Maïga ajoute que le gouvernement « interdit » aux médias maliens « la rediffusion et/ou la publication des émissions et articles de presse de RFI et de France 24 ». Les médias maliens répercutent abondamment les informations de ces médias.

Les médias étrangers dans le collimateur ?

Dans tous les cas, une telle suspension de deux grands médias d’information étrangers n’a pas de précédent récent au Mali, plongé depuis 2012 dans une grave crise sécuritaire et politique. RFI et France 24, qui couvrent de près l’actualité africaine, sont très suivies au Mali et dans toute l’Afrique francophone. Selon France Média Monde, les deux médias sont « suivis chaque semaine par plus d’un tiers de la population » malienne. En réalité, la junte malienne a signalé ces derniers mois son intention d’exercer un contrôle plus strict sur les médias étrangers. Le 8 février, Bamako avait expulsé un envoyé spécial du média français Jeune Afrique.

La décision malienne de sanctionner RFI et France 24, deux médias publics français, intervient dans un contexte d’hostilité vis-à-vis de la France, l’ancienne puissance coloniale, dont l’ambassadeur a été expulsé fin janvier. Le 18 février, Paris avait annoncé son retrait militaire du Mali après neuf ans de lutte antidjihadiste, poussée dehors par les « obstructions » de la junte malienne.

 

Un contexte d’hostilité

Dans un communiqué, France Médias Monde, maison mère de RFI et France 24, « déplore » la décision malienne et « proteste vivement contre les accusations infondées ». La société française « étudiera toutes les voies de recours pour qu’une telle décision ne soit pas mise en œuvre ».

À Paris, le ministère des Affaires étrangères a vivement réagi : « La France déplore l’annonce faite par les autorités maliennes d’engager une procédure pour suspendre la diffusion de RFI et de France 24, ainsi que les restrictions imposées à l’ensemble des médias maliens. Ces mesures constituent des atteintes graves à la liberté de la presse. La France condamne fermement, par respect pour la mémoire des victimes du génocide des Tutsi au Rwanda, l’amalgame inacceptable et irresponsable fait par les autorités de transition avec la Radio Mille Collines, dans leur communiqué officiel du 16 mars 2022. La France réaffirme son engagement constant et déterminé en faveur de la liberté de la presse, de la liberté d’expression et de la protection des journalistes et de tous ceux dont l’expression concourt à une information libre et plurielle et au débat public, partout dans le monde. Elle exprime par ailleurs son inquiétude face aux graves allégations d’exactions qui auraient été commises dans le centre du pays, qui ont été documentées de manière indépendante, et qui ne sauraient être passées sous silence. »

En Europe aussi, cette annonce fait réagir, une porte-parole de la diplomatie de l’Union européenne, Nabila Massrali, a jugé la décision de Bamako « inacceptable », évoquant des « accusations infondées ».

Jeudi à la mi-journée, RFI avait cessé ses émissions, mais France 24 continuait d’émettre, selon des correspondants de l’AFP.

 

Source: Le Point

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