Grèves, tensions sociale et politique, insécurité, crise financière… Le Mali va mal. Très mal. Trop mal. Pire, aucune solution à l’horizon pour conjurer ce triste sort.
Où va donc le Mali ? s’interroge le citoyen lambda. Les grèves succèdent aux grèves. Entamée, le 25 juillet dernier, la grève illimitée des magistrats se poursuit. En dépit du versement de leur salaire du mois de septembre, qui avait été gelé par le gouvernement. Histoire, sans doute, de créer les conditions favorables à un dialogue.
Du coup, l’administration publique est, en partie, paralysée. Prévues, initialement, les 15octobre et 28 novembre derniers, les premiers et second tours des législatives ont été reportés. Sine die.
Les cellules des commissariats ou de brigades de gendarmerie sont bondées. Les personnes interpellées sont entassées dans les cours, sous la surveillance des agents, armes au poing.
Les détenus, qui devraient être élargis, croupissent, encore, en prison.
Autre grève en vue : celle des promoteurs d’écoles privées, dans lesquelles le gouvernement envoie des élèves du public, faute de place dans les établissements publics.
Le front social en ébullition
En grève, depuis le début de l’année scolaire, ils réclament leurs arriérés de paiement. En colère, les parents d’élèves ne manquent de mots durs pour fustiger le gouvernement.
« Dans quel pays sommes-nous ? Un pays incapable d’offrir une bonne scolarité à ses enfants ? Nous, parents d’élèves, sommes meurtris de voir nos enfants trainer encore dans la rue, alors que l’année scolaire a, déjà, démarré », déplore un parent d’élève, rencontré, par hasard, aux abords de la grande Poste de Bamako.
Si la grève des DFM (Directeurs des Finances et du Matériel) a pris fin, la semaine dernière, d’autres remous sont attendus du côté des agents de la Santé.
A l’origine de ces grèves, qui ne finissent pas de finir, le manque d’argent. La situation financière de notre pays ne semble pas reluisante.
« Le pays est en train de sombrer. Le Trésor est vide et la dette du pays est énorme », déclarait Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition, dans les colonnes de notre confrère « L’indépendant ».
Illustration de cette crise financière : la suspension des dotations hebdomadaires de carburant du personnel de la présidence de la République. « En raison de contraintes budgétaires, liées à l’exécution du budget au titre de l’année 2018, j’ai le regret de vous informer que la direction administrative et financière de la présidence de la République ne pourra plus assurer les dotations hebdomadaires en carburant », indiquait le secrétaire général de la présidence, Moustaph Ben Barka, dans une correspondance relayée, il y a deux semaines, par les réseaux sociaux.
Sur le plan politique, la situation frôle la surchauffe.
Déclaré « vainqueur » de l’élection présidentielle du 29 juillet dernier, par la Cour constitutionnelle et investi par la Cour suprême, IBK n’est, toujours, pas reconnu par soumaïla Cissé, comme « président de la République ». Pour lui, son challenger a été élu grâce à la « fraude » et au « bourrage d’urnes ». Surtout, dans les zones où règnent l’insécurité.
Et comme si cela ne suffisait pas, deux nouveaux fronts politiques viennent de voir le jour.
Deux nouveaux fronts politiques contre IBK
Baptisé, « Front pour la Sauvegarde de la Démocratie », le premier, regroupant des partis politiques, des syndicats, des leaders d’opinion, leaders d’associations et de la société civile, est dirigé par le chef de file de l’opposition, Mr Soumaïla Cissé. Son objectif, selon lui : « combattre le mépris arrogant affiché par une oligarchie prédatrice, face aux revendications légitimes des travailleurs de toutes catégories, rétablir la vérité des urnes, restaurer la confiance en nos institutions, instaurer une gouvernance vertueuse, inclusive et des mécanismes crédibles de dialogue politique et social » ; tandis que le second, dénommé « convergence des Forces Patriotiques » vient d’être mis sur les fonts baptismaux. C’était le weekend dernier.
Son président, Housseïni Amion Guindo, alias Poulo, est flanqué de deux autres figures connues du microcosme politique malien : Moussa Sinko Coulibaly, l’ex-général démissionnaire de l’armée et l’inoxydable Oumar Mariko, leader du parti SADI.
Selon ses initiateurs, ce nouveau front aura pour tâche de « ramener les Maliens aux vrais problèmes de ce pays et toucher du doigt l’incapacité du régime IBK à gouverner ». Pendant ce temps, la misère, elle, gagne du terrain. Sept famille sur dix peinent à se procurer trois repas par jour. Dans certains quartiers de notre capitale, la misère est si forte que certains chefs de famille se voient obligés de quitter, dès l’aube le domicile conjugal, sur la pointe des pieds. Parce qu’ils ne disposent des 500 ou 1000 FCFA nécessaires pour « faire bouillir la marmite ».
Tous ceux qui ont applaudi, à se rompre les phalanges, à l’élection d’IBK ont fini par déchanter.
L’espoir fait, partout, place au désespoir, à la désespérance. Partout, la même interrogation : où va le Mali ?
S’y ajoute une insécurité, qui a franchi le seuil du tolérable. Apanage des seules régions du Nord en 2012, elle s’est métastasé au centre du pays. Avant de se propager dans notre capitale.
Pas un jour sans des citoyens – civils comme militaires – ne soient assassinés par dit-on des « hommes armés ». Sans autre forme de précision. Et les enquêtes, ouvertes çà et là, n’ont jamais accouché de résultats tangibles.
Autre domaine, autre constat : l’insalubrité, vecteur de maladies.
Chaque jour que Dieu fait, notre capitale croule sous les ordures. Elles sont entassées sur les voies publiques, devant les services de l’administration publique et les places publiques. Sans les services chargés de leur évacuation vers les dépotoirs finaux s’en soucient.
Bref, la situation actuelle de notre pays n’est pas chronique, ni critique ; elle est clinique.
Et si rien n’est fait pour l’en sortir, les prochains mois risquent d’être durs. Très durs. Trop durs.
Oumar Babi
Source: Canard Déchainé