Cette décision marque un durcissement dans les relations entre Paris et Bamako, qui ne cessent de se détériorer depuis que des colonels ont pris la tête du Mali par la force en août 2020.
Les autorités maliennes dominées par les militaires ont décidé d’expulser l’ambassadeur de France, a annoncé lundi 31 janvier un communiqué lu à la télévision d’Etat :
« Le gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que ce jour (…) l’ambassadeur de France à Bamako, son excellence Joël Meyer, a été convoqué par le ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale (et) qu’il lui a été notifié la décision du gouvernement qui l’invite à quitter le territoire national dans un délai de soixante-douze heures. »
Les autorités maliennes ont justifié cette décision par les récentes déclarations « hostiles » de responsables français à leur encontre. La ministre française des armées, Florence Parly, a déclaré le 25 janvier que la junte multipliait « les provocations ». Son collègue français des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a, deux jours après, qualifié la junte d’« illégitime » et ses décisions d’« irresponsables », après que les autorités maliennes eurent poussé le Danemark à retirer son contingent de forces spéciales.
« Propos hostiles »
L’expulsion de Joël Meyer, 60 ans, en poste à Bamako depuis octobre 2018, « fait suite aux propos hostiles et outragés du ministre français de l’Europe et des affaires étrangères tenus récemment, à la récurrence de tels propos par les autorités françaises à l’égard des autorités maliennes en dépit des protestations maintes fois élevées », dit le communiqué lu à la télévision malienne, canal de communication privilégié des autorités.
« Le gouvernement du Mali condamne vigoureusement et rejette ces propos qui sont contraires au développement de relations amicales entre nations », ajoute le texte, dans lequel Bamako « réitère sa disponibilité à maintenir le dialogue et poursuivre la coopération avec l’ensemble de ses partenaires internationaux, y compris la France, dans le respect mutuel et sur la base du principe cardinal de non-ingérence ». Le ministre des affaires étrangères malien, Abdoulaye Diop, avait prévenu vendredi que son pays n’excluait « rien » dans ses relations avec la France.
Cette convocation marque un nouveau durcissement des tensions entre le Mali et la France, l’ancienne puissance coloniale engagée militairement au Mali et au Sahel depuis 2013. Les relations n’ont cessé de se détériorer depuis que des colonels ont pris par la force, en août 2020, la tête de ce pays plongé depuis 2012 dans une profonde crise sécuritaire et politique.
« Réflexes coloniaux »
La junte est entrée ces derniers mois en résistance face à une grande partie de la communauté internationale et des partenaires du Mali, qui pressent pour un retour des civils à la tête du pays. La France et ses alliés européens s’alarment aussi de l’appel fait, selon eux, par la junte aux mercenaires de la sulfureuse société russe Wagner, groupe réputé proche du Kremlin, accusé d’exactions en Centrafrique et engagé sur d’autres théâtres. La junte persiste à démentir.
La junte, qui entend se maintenir plusieurs années à la direction du Mali, s’est braquée face aux pressions en invoquant la souveraineté nationale. Les officiels maliens s’en sont eux-mêmes durement pris à la France, ainsi qu’à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, qui a infligé le 9 janvier une série de sévères sanctions diplomatiques et économiques au Mali.
Le colonel Abdoulaye Maïga, ministre et porte-parole du gouvernement dit de transition, s’était livré mercredi à une charge virulente contre Mme Parly et la France, accusée de chercher à diviser les Maliens, « d’instrumentaliser » les organisations sous-régionales et de conserver ses « réflexes coloniaux ». Il avait donné pour « conseil » à Mme Parly de se taire.