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Le Mali à la croisée de ses problèmes de l’après-élection

On ne se méprend pas sur la nature d’une mauvaise danse qui commence, comme j’en faisais l’analogie des élections maliennes dans mon article précédent. J’y ai entrepris le lecteur non « à l’informer », d’autres plus outillés s’en chargent, mais à « l’amener à réfléchir » une saison électorale mûre de partis-pris et réflexes alimentaires. C’est le lieu de remercier tous pour les nombreuses réactions mais aussi les silences qui témoignent diversement des messages bien reçus et pensés. Je ramasse ces échanges par la boutade faite à quelqu’un qui se plaignait du nombre excessif de candidats à 24, je lui rétorquais que nous n’en avions que deux douzaines, chacune ayant un représentant des religieux et un représentant de la jeunesse bruyante. C’est dire que le fracas de l’arbre des élections qui s’abat couvre le silence de la forêt de la multitude de femmes et d’hommes consciencieux qui observent et refusent l’effondrement de leur pays.

Choisir entre se couper le bras ou la jambe

L’attente légitime de changement à la tête du pays achoppe sur le choix peu ragoûtant entre se couper le bras ou la jambe ou prendre « bamafalen ou bamakoungoto ». La liquidation nationale systématisée dès 1968 continue malgré le multipartisme et l’ère démocratique avec la ruine de l’homme malien dans ses valeurs morales et patriotiques. La devise n’est plus d’entrer par la même porte et sortir par la même porte. Ce n’est plus de boucher par nos mains unies le canari national percé par les fonctionnaires milliardaires. Mais c’est la pesanteur de prédations de tous ordres de l’ère militaire à l’ère démocratique qui a eu une influence catastrophique sur un peuple pourtant héritier d’une vielle civilisation. Pauvreté et inégalités en sont les vestiges. C’est le cas de dire que le voleur étant toujours un menteur disent nos sages et que les deux ne pouvant se lier d’amitié, le poisson a pourri par la tête dans un pays piégé par des élections problématiques.

Aujourd’hui, il y a même peine à colmater la fissure du mur à Kidal, Konna, Tenenkou ou Bamako où loge le margouillat, tant l’ennemi jadis colon visible est maintenant fugace car c’est un frère qui cajole des ventres vides et veut se faire élire en famille. Il y a aussi à craindre la guigne des frères africains qui « veillent » sur le Mali, dans la Minusma, l’Ua et la Cedeao. Mais, si jeunesse savait et si candidats étaient, le Mali pourrait. Cependant, des jeunes, la sagesse bambara dit que si tu trébuches des pieds, tu peux avancer, mais si tu trébuches de la pensée, tu ne peux avancer. Et des candidats, elle dit que si tu assistes au départ des chevaux, et si tu n’assistes pas à leur retour, tu n’as rien vu…

Foules au début, solitude à la fin

Les remplissages de stade et constitution de foules par des prébendes aux supposés leaders d’opinion – chefs de parti ou d’association, transhumants politiques, djéli, rappeurs, religieux et délinquants – permettent à ceux-ci de réaliser leur chiffre d’affaires quinquennal, conformément à la sagesse bamanan que l’aveugle danse avec son salaire en main, mais au détriment de ceux qui n’ont pas de pays à vendre ! De plus, que vaut l’influence d’individus en rupture de ban avec leur société ? Le bon usage de la popularité requiert vertu et fidélité au peuple et non chantage à la peur qui est propre à la mentalité que le vote est une question de prix dont le numéraire est soit l’argent, les célébrités, les députés ou la vente à faux poids ou à fausse langue de la politique politicienne. Avec les facteurs de désespoir comme l’agonie d’échecs passés, les achats de conscience ou la mise en place « d’équipes dream team » de fuite en avant, on est face à l’alibi de la surenchère, signe d’une grande naïveté d’orgueil. Avec discrédit assuré quand les griefs corrèlent juste avec les écarts d’une administration sous-équipée comme au Mali.

Il faut créer un courant d’espoir au pays

Mais tout ceci est en train de changer avec la majorité silencieuse qui regarde ce que devient leur pays aux mains des moins méritants et veulent redresser ce qui est encore possible. La corde neuve qui démange le cou de la chèvre rappelle le destin de la chèvre à la corde usée. Nous sommes pris en otage comme on confie un bouc à qui a besoin de viande. Mais faudra-t-il se rappeler que le bouc porte la barbe que le taureau a méritée ! Dix millions de maliens non inscrits sur les listes électorales puis peut-être deux tiers des huit millions d’inscrits qui ne participeront pas, étouffent sous le couvercle pesant de l’injustice et l’impunité et de l’occupation étrangère. Le devoir d’ingérence est impérieux pour tous ceux ayant le souci réel de sauver un pays pour nos enfants et nécessaire pour tous ceux qui savent nation bâtir et faux espoirs stopper. Une analyse qui libère vaut tous les sacrifices dans un environnement où l’ignorance et les réputations surfaites règnent et évitent tout progrès. Nos anciens nous disent que si tu veux prendre la défense du margouillat, n’attend pas que le bilakoro l’ait renversé sur le dos.

Je disais que la matérialisation des troisième, quatrième ou énième plateforme électorale pourrait guérir le Mali de la folie de ses foules. Pour encore emprunter le langage boursier, dans les périodes de crise économique, il est moins risqué d’investir dans les filiales que dans les maisons mères, car les marchés haussiers des soi-disant favoris naissent dans le pessimisme, se développent dans le scepticisme et meurent dans l’euphorie. Que d’écart avec le malien moyen, d’abord par l’aliénation des valeurs du yeredon puis par la cécité sur la condition de ceux qui produisent la richesse mais restent pauvres ! C’est à se demander qui a la plus grande pauvreté.

Acheter la rumeur et vendre la nouvelle

Il faudra se garder de suivre en moutons une tendance en bourse, comme celle de Dabanani, et « acheter la rumeur et vendre la nouvelle » de candidats publicitaires. C’est amusant de voir l’égrenage soporifique de suppressions d’impôts sur bétail, capitation ou vignettes sur la base de leur faible rendement fiscal alors que partis politiques et leur chef de file reçoivent et acceptent des montants moindres du pouvoir. Les problèmes sérieux de l’incivisme fiscal, des exonérations, de la fraude et de l’évasion fiscales, sont ainsi mis sous le tapis sans autre souci de pays que de se faire élire. Un artiste américain dit justement que l’intelligence a beaucoup moins d’applications pratiques que l’on ne le pense. C’est comme si, pour créer un marché il faut inventer un problème, puis trouver sa solution. En fait, rien n’est plus efficace pour chasser la bonne monnaie que la mauvaise ou faire fuir le travail que la pure incompétence.

La révoltante réalité est que l’enfant malien est hors école ou déscolarisé ou une femme morte en couches quand la notion de souveraineté en cours est des budgets n’assurant plus que le paiement de la dette publique ou des salaires de fonctionnaires fantômes ou aux faux diplômes, et l’aide internationale assurant l’investissement « sini nyesigi » qui finance des bâtiments administratifs où l’on trafique les marchés publics, des cours de justice où ne dit pas la vérité, des écoles où on ne s’instruit pas ou des hôpitaux où on ne guérit pas. Alors que les envois de fonds des travailleurs émigrés rapportent plus que l’aide internationale et les Ong gèrent un État résiduel. La réalité révoltante est aussi l’absence de prise de position publique pour leur pays par terre d’anciens présidents ou premiers ministres dont la vie est pourtant prise en charge par le maigre budget du pays. Une exception notoire est curieusement Moussa Traoré qui s’érige contre la présence de troupes étrangères en février et cette fin juillet 2018.

L’argent joue un tel rôle dans ce pays par terre, qui plus est dans une insécurité généralisée, que lorsque chacun est acheté, personne ne pourra éviter d’être vendue. Les candidats vitupèrent et les soi-disant « démocrates convaincus et patriotes sincères », les fameux Dcps, louvoient. On met de l’huile sur le feu des peuls et dogons, on rivalise de mots empruntés aux institutions internationales sans prise avec ses réalités locales. On trompe ou séduit par le discours de l’extérieur, et on oublie l’essentiel. Dommage qu’aller au Macina ou au Malontambaya est seulement électoral, quand aller à Montreuil ou Matignon l’est plus. Il y a simplement trop de désordre, trop d’anarchie et ce n’est pas les politiciens actuels qui mettront de l’ordre !

Ce qui aurait pu être

Les vrais problèmes ne sont pas toujours posés. La géopolitique de puissants « partenaires » prête aux candidats un script d’autant plus irrésistible qu’il épouse les sentiers du pouvoir et masque la mainmise et la partition du pays. La chasse au financement extérieur fait de ses conditionnalités l’ossature de ce qu’on appelle abusivement projet de société. On y chercherait en vain la vision de leadership pour orienter l’État et la nation et discipliner les bailleurs. La stratégie de développement du pays est pilotée par les organisations internationales, d’où sa dé-contextualisation. Les modèles de consommation de l’élite ne consolident pas l’économie nationale mais drainent vers l’étranger l’essentiel des pénibles ressources publiques voire du Pib, exportant ainsi la richesse non autoconsommée du monde rural sous forme de voyages touristiques, soins médicaux et frais d’éducation des familles élitaires et confinent la masse des maliens à des infrastructures au rabais : pas d’écoles ni de soins médicaux, pas d’eau ni d’électricité, pas de routes ni de bon internet, mais facebook et des élections. Si des candidats parlent de la réforme de l’État, y inclus quelques recettes astucieuses dans sa réforme fiscale, on voit peu la tâche sociale et culturelle. Et on voit plus rarement une pensée pour le salut moral et philosophique d’un pays qui coule. L’essentiel n’est pas le jeu pédagogique minimal du bambara quoique utile mais le langage de l’inspiration pour l’effort et pour le changement.

Je dois résumer ce survol par le formidable problème du nord et du centre, avec son Accord d’Alger caduc. Outre les fondements politiques du problème, l’insécurité réelle et persistante suite aux attentats de groupes organisés et aux pillages réguliers de petites bandes armées repose aigûment la question du fondement et de la force du pouvoir d’État. La presse occidentale, Rfi notamment, dans ses élans touareg puis nomades, renvoie en écho à toute une presse d’opposition un chantage à la peur dans un langage ethnique sinon racial qui exacerbe des délires identitaires qui n’avaient jamais été le fort du Mali. D’une pierre sont faits deux coups dont un à une armée malienne privée de Kidal et bientôt du centre puis piégée et décriée.

 

Notre armée est mal en point comme nous-mêmes. Si la responsabilité des gouvernants est manifeste, celle des gens adhérant à leurs stratagèmes, n’est pas à éluder. Elle a pâti des politiciens, comme le poisson avait eu confiance en l’eau qui l’a cuit. Le comble de se placer sous la protection de la montagne est de voir surgir une attaque de ce côté ! Mais la geste de Soundiata dit que si tu tues ton chien méchant, celui d’un autre te mordra. Il faut donc rebâtir l’armée comme on suggère au Mandé que si tu aperçois un guerrier percé de flèches, aide-le à retirer celle qu’il tient à la main. La force est d’abord l’autosuffisance alimentaire et la justice dans le pays puis l’organisation du peuple en armes. La révolte des jeunes lucides et des personnes intègres a commencé malgré les maladresses et les marchés de dupes. Elle sera impétueuse quand elle sait être juste, avec le conseil des personnes justes. La barre très basse de la légalité aura été franchie avec les élections, mais il restera à franchir la barre haute de la légitimité qu’apporte le traitement des vrais problèmes par la coalition qui sortira des élections. Aurons-nous les responsables qui nous feront quitter notre zone de confort pour notre zone d’opportunité ? Gardons la tête froide avec le proverbe peul disant que tous les singes sont mauvais, sauf celui qui n’a pas encore gâté ton champ et que tous les pouvoirs sont mauvais, sauf celui contre lequel tu ne t’es pas encore buté. Les maliens sont-ils prêts à payer en valeurs impérissables l’héritage de la quiétude de leur mode de vie ?

Amadou Cisse, abscisse1@gmail.com

Washington, DC, USA

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