L’espace culturel La Gare de Bamako a abrité, jeudi 18 mars 2021, un café littéraire sous le thème : « De l’héritage spirituel des minorités traditionnelles en voie de disparition au Mali : cas des Korèdugaw et les Donsow ». Une occasion mise à profit par des spécialistes de ces sociétés traditionnelles pour s’étendre non seulement sur le fonctionnement de ces sociétés, mais aussi les solutions pour revitaliser ces héritages spirituels.
Comment les minoritaires traditionnelles en voie de disparition interagissent avec leur environnement ? Quelles stratégies de survie développent-ils ? C’est les questions auxquelles Dr Fodé Moussa Sidibé, écrivain, donso et enseignant-chercheur malien ; AgnièzKa Kedzierska Manzon, directrice d’étude de l’École des hautes études ; ainsi que Dany Leriche et Jean-Michel Fickinger ont échangé pendant deux heures, le jeudi dernier à l’espace culturel malien La Gare.
Les Korèdugaw, que d’autres appellent les « bouffons sacrés », constituent une catégorie de sages ayant le privilège de se moquer de tout et de tous. Par « leurs parodies, ils tournent en dérision toutes les figures du savoir et du pouvoir ».
Le Korèduga, la classe élevée
Selon Dr Fodé Moussa Sidibé, au Mali, les Korèdugaw font partie des patrimoines mondiaux de l’UNESCO. Ils constituent la classe la plus élevée des sociétés d’initiation en milieu bambara, a-t-il souligné avant de rappeler ces six sociétés : le N’tomo, le Komo, le Nama, le Kono, le Tyiwara et le Korè.
Le Korè compte huit (8) classes d’initiation : le Kaara (clôture) le Djara (lion), le Kuruma (bosse), le Korèduga (vautour), le Tatuku (allumer le feu), le Suruku (l’hyène), le Bisatiki (détenteur du fouet) et les Sula (singes), a précisé l’enseignant-chercheur malien qui explique également que contrairement à la classe du Korèduga, les autres classes n’ont pas droit à faire des manifestations en dehors du bois sacré, qui les contient.
Le Korèduga, qui renvoie au vautour, est la seule classe ayant la possibilité de se manifester en dehors du bois sacré et de la période de l’épiphanie du Korè, a-t-il souligné.
Apprendre à mourir
La manifestation du Korèduga se fait sur appel du chef du village. Elle a lieu à chaque fois que le village est confronté à un problème qui tracasse les esprits, dira-t-il.
Les Korèdugaw sont dans la population et se comportent comme des vautours. Pendant leur manifestation, ils mangent tout, pilent de l’eau jusqu’à se fatiguer, etc. À ses dires, tous ces gestes, loin d’être de signe de « barbarie » ou d’« idiotie », possèdent des explications.
Le Korèduga, selon les précisions de Dr Sidibé, est un élément fondamental du savoir bambara. C’est la dernière classe de la société d’initiation bambara où on apprend à mourir, précise-t-il avant de souligner qu’on accède à cette société à partir de 63 ans, qui renvoie à l’âge de la « pleine liberté ». Une période où on a le droit de dire tout ce qu’on veut, d’aller où l’on veut, etc. Une période à partir de laquelle, l’individu n’a plus peur de la mort.
« Une culture de respect »
S’agissant des Donsow, ces « chasseurs de l’invisible », détenteur de la magie, AgnièzKa Kedzierska Manzon expliquera le fonctionnement de la confrérie donso afin de dégager la différence entre elle et les Korèdugaw. Selon ses précisions,les donsow sont des experts spirituels.
L’intégration à cette société relève d’un choix individuel et il n’existe pas d’âge spécifique pour s’initier à cette communauté, a-t-elle indiqué avant de rappeler que dans la plupart des sociétés d’initiation, l’intégration se fait par groupe.
Tout initié donso est placé sous la responsabilité d’un maître par le Donsoba (chef donso), a-t-elle indiqué pour souligner la hiérarchisation qui existe dans cette confrérie. « C’est une culture de respect, qui nous manque aujourd’hui dans le contexte contemporain », a-t-elle déploré.
Dr Fodé Moussa Sidibé s’oppose à l’idée selon laquelle les donsos constituent une minorité traditionnelle en voie de disparition au Mali.