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Le fléau de l’obésité au Mexique

Enquête au Mexique, le pays « le plus obèse » du monde. L’obésité est une épidémie qui pourrait bien mettre en péril non seulement la vie de milliers de Mexicains mais aussi les finances du ministère de la Santé. Si rien n’est fait d’ici cinq ans, il ne pourra plus soigner les gens. Raison pour laquelle il vient de lancer une « stratégie nationale de lutte contre le surpoids et l’obésité ».

Sara femme mexicaine obèse

Avec notre correspondant à Mexico,

« Il faut changer radicalement la façon de manger des Mexicains car l’alimentation actuelle n’est pas saine. Ils consomment beaucoup de protéines d’origine animale, beaucoup de graisses, beaucoup de sucre et de farines et trop de sel », affirme le docteur Armando Ahued, ministre de la Santé du District fédéral de Mexico. Raison pour laquelle il vient de lancer une « stratégie nationale de lutte contre le surpoids et l’obésité » dotée d’un budget exceptionnel de 570 millions d’euros.

Une grande partie de la population a adopté depuis trois ou quatre décades le modèle d’alimentation nord-américaine. La malbouffe, la cuisine rapide, les plats préparés industriellement ont augmenté de 40 % en vingt ans alors que la consommation de fruits et légumes a diminué de 20 %, selon les rapports de son ministère.

« Diabète et hypertension coutent très cher à la société »

La prévention est au cœur de cette campagne qui tente de changer les habitudes des Mexicains dont le reflexe est d’ouvrir une bouteille de boisson sucrée quand ils ont soif. Ils consomment en moyenne 120 litres de boissons gazeuses par personne et par an. Le Mexique a ainsi le triste privilège d’être le premier consommateur au monde de boissons gazeuses type Coca-Cola et Pepsi-Cola. Les résultats sont effrayants : 73 % de la population est en surpoids et 32,8 % des adultes sont obèses, contre seulement 10 % en 1989.

Mais le ministère de la Santé s’inquiète surtout du fait qu’un enfant sur trois est atteint par cette épidémie. Ceux qui ont cinq ou six ans aujourd’hui pourraient voir leur espérance de vie diminuer de dix ans, estime Armando Ahued. Il constate que, pour la première fois, le Mexique a « d’énormes problèmes de diabète et d’hypertension qui coutent très cher à la société ». Sur l’ensemble du pays, 130 000 personnes ont une insuffisance rénale et 86 000 sont en dialyse trois fois par semaine. Il s’agit donc selon lui non seulement d’un problème de santé publique mais aussi de société : aucun budget ne pourra supporter longtemps de telles dépenses médicales.

Une croisade nationale contre la faim

Pour y remédier, il faut attaquer le mal à la racine. L’obésité et le surpoids existent de longue date au Mexique et les mauvaises habitudes ne peuvent être changées du jour au lendemain ou par voie de décret. En avril dernier, le président Enrique Peña Nieto a lancé une croisade nationale contre la faim dont l’un des volets est d’apprendre aux enfants à mieux se nourrir. « Si on ne veut pas que les enfants s’habituent à la malbouffe, aux hamburgers, aux pâtisseries pleines de farines et de sucre, il faut leur apprendre à manger dès le plus jeune âge, qu’ils retrouvent le goût de l’eau et du lait au lieu des boissons hyper-sucrées », explique Veronica Pratty, psychologue et nutritionniste à la Clinique de l’Obésité du District fédéral.

Pour Marina Astorga, professeur de biologie, « un enfant qui boit une bouteille de 350 millilitres de boisson gazeuse par jour prendra 1 kilo en un mois et 12 kilos en un an. C’est mathématique ! » Elle pense qu’il « faut intégrer dans les programmes scolaires des cours sur la santé pour que les enfants sachent ce qui se passe dans leur corps lorsqu’ils absorbent trop de sucres et trop de graisse ». Pour leur apprendre à mesurer le nombre de calories absorbées et à ne pas dépasser une consommation de 2 000 calories, la Ville de Mexico a d’ailleurs lancé dans les écoles et sur les réseaux sociaux la campagne Les Feux de l’Alimentation : « Vert » pour les aliments qu’on peut manger tous les jours, « Orange » pour ceux qu’on peut manger trois fois par semaine et « Rouge » pour ceux qu’on ne peut manger que deux fois par mois.

 

Isaias Daniel à 225 kilos puis à 97 kilos et aujourd’hui à 87.

Patrice Gouy/RFI

« Bouge-toi, resserre ta ceinture »

Les causes de l’obésité sont multifactorielles. Notamment le fait que les Mexicains ne font pas assez d’activités physiques. Les plans d’urbanisme des grandes villes, où habite 70 % de la population, n’ont généralement pas prévu que l’on puisse se déplacer en marchant comme le font les Parisiens. Mexico s’étale sur 50 kms de long et sur autant de large. Personne ne peut aller à son travail à pied. C’est le règne des voitures et des transports en commun que l’on prend en bas de chez soi. Il n’y a que lever le bras pour que le « collectif » s’arrête. Pas même besoin d’aller jusqu’à un arrêt de bus ! Le gouvernement a donc lancé la campagne « Bouge-toi, resserre ta ceinture ». Mais pour faire du sport, il faut être riche car les salles publiques sont rares et il faut payer entre 80 et 100 euros par mois pour accéder aux « Clubs » comme Sportcity, Fitnessport et autres centres sportifs huppés. Afin de favoriser l’exercice gratuit, la Ville de Mexico a fait construire l’an dernier dans les quartiers populaires et les banlieues 300 gymnases et prévoit d’en construire autant en 2014. Les maires des grandes villes ont suivi l’exemple de la capitale, qui a installé pistes cyclables et Vélolib et qui organise chaque dimanche l’opération « Bouge toi en bicy, cours, marche sur le Paseo de la Reforma », les Champs-Elysées mexicains. Une fois par mois, une boucle de 25 kms, sur de grandes avenues reliées entre elles, permet de réaliser un tour de ville. Une opération qui attire plusieurs centaines de milliers de Mexicains qui se réapproprient le temps d’un dimanche matin leur ville sans voiture.

Une loi qui taxe le sucre et la malbouffe

Il est temps car l’obésité est la première cause de mortalité du Mexique avec 152 morts pour 100 000 habitants, soit 8 fois plus que la moyenne des pays de l’OCDE. Pour faire baisser cette épidémie, qui coûte plus de 10 milliards d’euros au budget de la Santé chaque année et qui atteindra les 15 milliards d’euros en 2017 si rien n’est fait, le gouvernement a présenté aux parlementaires une loi pour taxer le sucre et la malbouffe, votée à une très large majorité. Elle vise les industries alimentaires qui doivent payer 5 à 10 % de taxes supplémentaires si les produits vendus excèdent 275 calories pour 100 gr. Quant aux industries de boissons gazeuses, elles doivent s’acquitter d’une taxe de 1 peso (0,05 euro) par litre de boisson sucrée.

Avec cet argent, le gouvernement s’engage, d’ici trois ans, à faire équiper en eau potable les 235 000 écoles que compte le pays. Aussi incroyable que cela paraisse, un nombre important d’écoles n’y a pas encore accès, surtout dans les campagnes et en province où le gouvernement a longtemps préféré aider à la construction d’usines de boissons gazeuses internationales plutôt que de faire installer un bon réseau d’eau potable ! Par ailleurs, les industries alimentaires devront effectuer un meilleur étiquetage des produits et revoir leurs compositions afin qu’ils soient meilleurs pour la santé, sans oublier de proposer des portions ou des présentations plus petites !
La chasse aux calories est ouverte. La population semble avoir reçu le message. Déjà dans certaines villes comme Mexico, on observe une stagnation de l’obésité. Reste maintenant à faire baisser les tendances.

 

Source: RFI

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