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Le fardeau de la corruption

La confusion règne, parfois soigneusement entretenue entre la vie politique et celle des affaires, favorisant un affairisme affligeant qui a pour effet l’érection d’une race d’entrepreneurs comptant plus sur leurs relations sociales et politiques pour garnir le carnet de commande que sur la solidité de leur offre. Ainsi,  ce sont bien les différents régimes politiques qui, depuis le coup d’état militaire de 1968 ont fait et défait les grandes fortunes, faussant du coup le jeu normal de la concurrence et compromettant toute chance de créer un secteur privé compétitif, capable de conquérir sainement des parts de marché. Cela est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui, les véritables hommes d’affaires maliens peuvent se compter sur les doigts d’une seule main.

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Pour inverser la tendance, l’Etat doit cesser d’être la vache à traire pendant que le capitaine d’industrie devra être respecté pour ce qu’il est en réalité : le cheval qui peine à tirer la charrue de la croissance et de l’emploi.

 

LA CORRUPTION EST UNE MENACE GRAVE POUR L’EMPLOI.

ELLE BLOQUE LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE ET SOCIAL

 

Le détournement de l’aide au développement, l’utilisation de la commande publique et de la fiscalité à des fins partisanes sont les principales raisons des difficultés économiques du pays et donc du chômage galopant des jeunes. Les complicités savamment entretenues en la matière à différents niveaux sont telles que même les changements de régimes politiques ne semblent pas avoir d’effet sur le système, chacun cherchant plutôt à en tirer profit. Comment expliquer la propension de tels actes de prédation dans un pays aussi démuni que le nôtre ? Un passage en revue des pratiques sous les différents régimes politiques pourrait aider à comprendre la saga des grands prédateurs de l’économie nationale. Pour l’essentiel, elle s’explique largement par la faiblesse du leadership politique.

Le premier président du Mali indépendant, Modibo Kéita était un homme totalement décomplexé vis-à-vis de l’Occident et de ses compatriotes qui voyaient volontiers en lui un intellectuel honnête, un homme de vision et de conviction. Pour cela, il avait adopté un style de vie et des choix idéologiques simples, conformes au credo resté célèbre « plutôt la mort que la honte ». Modibo et ses compagnons ont adopté un modèle de développement basé essentiellement sur l’effort national avec la création des premières sociétés d’état, afin d’assurer à tous les fils du pays une égalité de chance dans les domaines de la santé et de l’éducation, le tout soutenu par la formation morale et civique, un encadrement exemplaire de la jeunesse. Avec eux, le citoyen malien a vécu modeste mais fier, digne et respecté en Afrique. Depuis la chute de Modibo, le pays a perdu ses repères et la devise nationale est devenue un slogan creux. L’avènement de la démocratie n’a pas amélioré la situation.

 

UNE DEMOCRATIE PERVERTIE PAR LA FAIBLESSE

DU LEADERSHIP ET UN EFFRITEMENT DU SENS MORAL

 

Les putschistes du 19 novembre 1968 ont choisi de jeter purement et simplement l’enfant avec l’eau du bain, sans proposer d’autre modèle social que leur détermination à faire disparaître tout ce qui pouvait rappeler le régime précédent et son chef charismatique. On voit alors apparaître dans l’entourage de certains faucons une fortune plus que douteuse et un train de vie ostentatoire. La corruption et le népotisme prospèrent au point d’exacerber des frustrations y compris sous les képis, conduisant à des purges successives au sein de l’establishment militaire. Même la création d’un parti politique et ses efforts d’endiguer la corruption ne permettront pas à Moussa Traoré de sauver la situation. Le Mali  sort de mars 1991 économiquement affaibli, moralement et socialement désorienté. Dans la sous région, le citoyen malien jadis si fier a perdu de sa superbe, les autres l’ayant laissé sur le bord de la route avec des arriérés de salaires pouvant atteindre cinq mois.

Le mouvement démocratique de mars 1991 qui portait tous les espoirs de la jeunesse se révèlera en fait une révolution inachevée. En effet, la multiplicité des acteurs (scolaires, syndicalistes, associations, rue, armée), ajoutée à la faiblesse du leadership au sein de la société civile seront le véritable talon d’Achille de ce mouvement qui s’installera progressivement dans une contestation malsaine et même paralysante. ATT mène une transition au pas de course avant de céder le témoin à Alpha Oumar Konaré qui accède certes au pouvoir politique mais peine à discipliner l’armée et le milieu scolaire, pendant que la rébellion et ses adversaires politiques le harcèlent sur les flancs. Il quittera Koulouba après un bon pied de nez aux partis politiques en laissant le pouvoir à un candidat indépendant qui sera insidieusement pris en otage dans les mailles de politiciens et d’affairistes de tout acabit. Prenant prétexte de la mauvaise gestion de la crise du nord, des soldats anonymes conduits par un capitaine tout aussi inconnu informeront tôt le matin du 22 mars 2012 le peuple malien désabusé de la destitution d’ATT. Ce qui reste des biens et des caisses de l’Etat sera soigneusement pillé. Il faudra une intervention énergique de la communauté internationale soutenant le CEDEAO pour qu’une transition soit instituée pour organiser les premières élections véritablement démocratiques du pays.

IBK est ainsi élu président en 2013 avec plus de 77% des voix pour répondre à des attentes précises : juguler la rébellion dans le septentrion, reconstituer une armée nationale forte et républicaine, moraliser la vie publique en assurant la relance économique, redonner confiance aux populations et aux investisseurs. Mais déjà, certains dossiers à scandale se sont invités dans le débat politique, brouillant quelque peu l’image d’Epinal d’IBK : contrats des équipements militaires et fraudes aux examens en 2014, valse des signatures à rebondissements de l’accord de paix et attitudes mal comprises de la France et de la MINUSMA dans le nord du pays, patate encore toute chaude des engrais dits frelatés qui met en émoi le monde rural. Le discours présidentiel est certes resté ferme et sans équivoque mais les actes tardent. Seront-ils, le moment venu à la mesure des déclarations ? La distance est parfois longue de la coupe aux lèvres.

 

Le Mali est en panne de modèle politique et économique mais aussi d’un modèle social. Le culte de l’argent facile et de la réussite matérielle rapide ont conduit à tous les reniements et aux pires crimes dans une impunité totale. Avec Modibo Kéita, les Maliens étaient maîtres de leur destin. Après lui, ils sont à la merci des institutions de Bretton Woods. N’est-il pas temps de se ressaisir ? La signature de l’accord de paix qui consacre l’entrée des frères fâchés du nord dans la république boucle une étape importante du retour à la paix et à la réconciliation. Cependant, son application opportune sera tributaire du sérieux et de l’efficacité de la gouvernance d’Etat. Pour qui connaît le Mali et ses pratiques, cela est une autre paire de manches ! En tout état de cause, IBK devra et cela avant 2018, instaurer une gouvernance vertueuse, avec en bonne place une gestion rigoureuse et transparente des finances publiques. C’est un défi qu’il doit nécessairement relever s’il veut être transcendant et confirmer qu’il est bien l’homme que les Maliens espéraient.

 

Mahamadou Camara

Email : camara_m2006@yahoo.fr

 

Source: Canard Déchainé

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