Le chef Zulu est dans le cœur du tsunami. Peut être le dernier pour lui en temps que chef d’ État. Pourtant, du troisième Président élu de l’Afrique du Sud post-Apartheid, nul ne peut contester la légitimité. Jacob Zuma est un freedom fighter, il a été détenu dix ans à Robben Island, aux côtés de Nelson Mandela. Certes, il ne fréquentera pas l’université mais il apprendra énormément à l’ANC qu’il rejoint à dix-sept ans.
Appuis logistiques, renseignements, aide à l’organisation de manifestations: du maquis, il a pris sa part et c’est une part louable, dans la libération de son pays. Son populisme jusque-là avait séduit. Son parler dépouillé et ses références fréquentes aux chaumières ont fait croire un moment qu’il s’accommoderait plus facilement des ruelles insalubres de Soweto que des ombrelles des piscines pour nababs le long des allées à jacarandas de ce pays à deux vitesses. Alors quel est le problème du Président sud africain? Le problème, tout le problème de Jacob Zuma est peut être comme dirait l’autre, de n’être pas entré suffisamment dans l’histoire de la nation arc-en ciel. Surtout l’histoire récente de son pays qui se confond avec le poing levé de Nelson Mandela il y vingt cinq ans. Le problème c’est aussi que Zuma a cru devoir rompre avec la conscience aiguë qu’avait Mandela des défis de la nouvelle Afrique du Sud . Le problème c’est bien évidemment ensuite que Zuma ne mesure pas à leur juste hauteur les attentes d’une majorité noire paumée qui reconnaît l’apport historique de l’ANC mais qui veut du pain, du boulot, des écoles, des soins de santé. Bref le minimum dans un pays qui peut le lui offrir, étant la vingtième économie du monde. Le problème enfin c’est que Zuma a oublié que ce n’est pas à Thabo Mbeki qu’il succédait- encore que la parenthèse Mbeki a été bien plus vertueuse que son mandat à lui- mais à Nelson Mandela, au pays de Nelson Mandela, face à l’héritage de Nelson qui pour tout le monde dans ce pays, vaut camisole de force. Zuma est pourtant dans les hautes manœuvres pour rester au pouvoir. Il se battra avec ses dents et avec ses griffes. Mais pour avoir poussé le bouchon trop loin, et pour liguer contre lui la crème de son parti, l’institution judiciaire et les contre- pouvoirs citoyens, Zuma paraît désormais peu sauvable. La majorité mécanique de son parti qui lui était acquise semble opter pour le sursaut de dignité. surtout elle sait que Zuma n’est pas en duel contre le supremacisme blanc mais en guerre contre lui même. C’est en fait Jacob qui est en train de tuer Zuma. Alors la question n’est pas s’il va partir mais quand et comment. Tel est le triste sort auquel l’ont conduit allégations de viols, menaces de procès avec une centaine de chefs d’accusations, sulfureuses combines pour faire de l’argent sur le dos de son peuple, trahisons multiples contre l’espérance suscitée dans son pays au dedans comme au dehors par une personnalité iconique que la planète entière continue de vénérer. On ne gouverne pas impunément après Mandela. Mbeki hier et Zuma aujourd’hui le savent. Ramaphosa en devenir ne peut pas dire qu’il n’est pas averti. Et l’Afrique? Elle médite sans doute la page d’histoire vertueuse qui est en train de s’écrire sur son flanc sud. A défaut d’ entendre le coup de klaxon contre les dynamiques de prédation à l’œuvre sur un continent connaissant d’excédent en matière de bonne gouvernance.
Adam Thiam