Tout à la fois nombreuses et vives, les réactions vont bon train en Afrique après qu’Emmanuel Macron, du sommet de l’Otan, ait annoncé cette prochaine rencontre destinée à mettre les pays du G5 Sahel face à leurs responsabilités (des voix s’étant faites entendre ici ou là en Afrique contre la présence de la force Barkhane, y compris même, parfois, des voix gouvernementales).
A Pau, le président français attend des dirigeants de ces pays des « réponses précises », a-t-il dit.
Et dans un des pays du G5 Sahel le Burkina Faso, cette formule d’invitation d’Emmanuel Macron ne passe pas, car elle rappelle les « temps coloniaux », estime Wakat Sera, journal selon lequel le président français a « jeté les pieds dans le plat » en annonçant qu’il conditionnera le maintien de Barkhane dans la région du Sahel à un « positionnement sans ambiguïté », de la part des pays de cette région où la force française est engagée dans la lutte contre le terrorisme.
Macron a exprimé son « ras-le-bol », énonce ce quotidien ouagalais, mais pas que, il a « peut-être » aussi exprimé un « sentiment d’impuissance » dans une lutte qui devient comme « sans fin ». Et Wakat Sera invite les dirigeants africains à saisir cette opportunité du 16 décembre pour dire au « grand sachem » que « plus que la France, les armées nationales des pays du G5 Sahel sont endeuillées au quotidien par cette lutte contre le terrorisme », elles qui ne sont même plus en mesure de « compter leurs morts », sans omettre les « milliers de déplacés dans leurs propres pays ». Et ces dirigeants africains doivent montrer au président français que la lutte de longue haleine contre le terrorisme est un « same fight » pour la France et le Sahel, martèle Wakat Sera (étant ici souligné que, par « same fight », ce confrère ouagalais entend « même combat », mais c’est donc en anglais qu’il tient à l’exprimer).
Au Burkina-Faso encore, le journal Les Echos du Faso résume à sa manière le coup de menton d’Emmanuel Macron. « Pendant que je vous lave le dos, ne laissez pas vos concitoyens me taper sur le dos », formule-t-il. Et ce confrère ouagalais se demande ce qu’à Pau va répondre le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré. « Comme Maurice Yaméogo, le premier président voltaïque, va-t-il renoncer à la présence de troupes françaises sur notre sol ? Comme Sankara, va-t-il répondre que nous préférons compter sur nos propres forces et rejeter l’aide des troupes françaises dans le combat contre le terrorisme ? », S’interroge donc Les Échos du Faso.
Le G5 Sahel au garde-à-vous
Même ressentiment dans la presse au Sénégal, pays qui n’est pourtant pas membre du G5 Sahel. Se sentant tout aussi concerné par cette affaire, le site Senenews y voit une « convocation de Macron », et il traite les « dirigeants africains » de « marionnettes de la France ». Et ce journal dakarois en ligne prévient : « celui qui paie les violons choisit la musique ! ».
La Vie Sénégalaise n’écrit pas autre chose, qui y voit un « ordre à exécuter à la lettre ». N’hésitant pas à sonder la « tête » du président français, ce journal sénégalais en ligne explique que l’armée française « sauve » quotidiennement des vies africaines. Et que donc l’opération militaire « Barkhane » est « sans reproche ». Conclusion de La Vie Sénégalaise, « aux présidents du pauvre continent de parcourir des milliers de kilomètres pour se présenter [aux] pieds
, qui veut des « réponses claires et assumées » de la part de ses gouverneurs. Pardon ! De ses pairs. C’est cela aussi l’indépendance à l’africaine », soupire ce journal sénégalais.
En Côte d’Ivoire, deux « Unes » de journaux pointent également cette affaire. « C’est gâté entre Macron, Kaboré, IBK, Issouffou, Déby… », Formule celle du journal Le Nouveau Courrier.
Tandis que, de son côté, celle du quotidien indépendant L’Inter annonce « de grands changements dans les relations Afrique-France ».
Et même en France, un quotidien réprouve cette initiative du chef de l’État. Le journal Libération, qui qualifie de « maladresse » le rendez-vous du 16 décembre prochain à Pau fixé par le chef de l’État, qui donne « l’impression de convoquer, et non d’inviter […] les présidents concernés pour « clarifier » la situation. » Emmanuel Macron tombe lui-même dans la caricature d’un rapport de domination imposé. Du Sahel à l’Afrique centrale, les internautes africains ne s’y sont pas trompés, fustigeant cette attitude jugée « arrogante », énonce Libération.
Rfi