L’histoire se répète – au moins deux fois, sinon plus. « La première fois comme une tragédie, la seconde fois comme une farce », précisait Karl Marx. En effet, la première République est interrompue par le coup d’État militaire du CMLN du 19 novembre 1968 dirigé par le Lieutenant Moussa Traoré. Ainsi, sur une longue période, quelques officiers de l’armée malienne confisquent le pouvoir. Dans le but de légaliser leur régime, ils font adopter une Constitution le 2 juin 1974, avec 99,71 % de vote favorable, mais qui entrera en application seulement cinq ans plus tard. Des intellectuels, réunis dans une organisation dite « Regroupement des patriotes maliens » (RPM) lancent des tracts dénonçant la farce électorale du 2 juin 1974. Ils sont arrêtés et condamnés à des peines allant de deux à quatre ans de prison.
Le retour à une « vie constitutionnelle » normale commence donc le 30 mars 1979 par le congrès constitutif du nouveau parti unique, l’Union démocratique du peuple malien (UDPM). Celui-ci décide de modifier l’article 76 de la Constitution afin de permettre la participation de responsables de l’ancien régime à la vie politique. Quelques mois plus tard, on procède le 19 juin 1979 aux élections présidentielles et législatives. Moussa Traoré est élu Président avec 99,89 % des voix ; les 82 membres de l’Assemblée nationale, élus au scrutin de liste, obtiennent 99,85 % des voix.
Cette deuxième République ne représente pas un véritable changement aux yeux de beaucoup de personnes, car elle apparaît comme la poursuite du régime militaire du CMLN. Elle connaît de nombreux soubresauts, avec les grèves à répétitions des scolaires, des travailleurs ou des fonctionnaires. A partir des années 1988, un vent nouveau souffle sur le pays ; les forces internes souhaitent un changement en profondeur ; surviennent la chute du mur de Berlin et le discours de la Baule de 1990. Ce vent se traduit par une presse nouvelle, dont les Echos, la Roue, Cauris et l’Aurore.Des associations, partis déguisés, se créent et réclament le multipartisme. Devant les résistances du pouvoir à l’ouverture démocratique, les manifestations se radicalisent et aboutissent aux « évènements du 22 mars 1991 », où des centaines de personnes sont tuées par balles, sur ordre du pouvoir en place. Le 26 mars, le Lieutenant Colonel Amadou Toumani Touré, à la tête d’un groupe d’officiers, dépose le Général autocrate Moussa Traoré et prend le pouvoir.
La troisième rupture constitutionnelle est donc consommée dans ce nouveau coup d’État militaire. Mais ses protagonistes prennent l’engagement de rendre le pouvoir aux civils dans les plus brefs délais. Et ils vont tenir parole, provoquant un large mouvement d’admiration. Un projet de constitution est approuvé pendant la Conférence nationale, tenue à partir du 29 juillet 1991. Soumis au référendum le 12 janvier 1992, il est adopté à une large majorité, avec cependant une faible participation (43,58 % des électeurs inscrits).
Des élections législatives sont organisées les 23 février et 9 mars 1992 pour désigner les 116 députés de l’Assemblée nationale ; enfin, un nouveau Président de la République est élu en la personne de Alpha Oumar Konaré. En moins de 16 mois, les militaires avaient rempli leur contrat moral avec la nation.
Depuis juin 1992, le pays vit désormais sous le régime de la 3e République. Le système constitutionnel établi semble avoir tiré les conséquences des expériences constitutionnelles précédentes, celles de la première et de la seconde République.
La nouvelle Constitution tente de prendre en compte toutes ces données. Elle est préparée sous l’égide du Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP) avec l’aide d’experts étrangers et de nationaux ; elle est ensuite soumise à la discussion de la Conférence nationale de juillet 1991, avant d’être proposée au référendum
Sambou Sissoko