Moins d’une semaine après la démission du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba suite au coup d’Etat du 30 septembre dernier qui l’y a contraint, son tombeur, le capitaine Ibrahim Traoré, s’est installé, le 5 octobre dernier, dans les fonctions de chef de l’Etat. Et ce, au terme de l’adoption d’un acte fondamental du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) fondant l’exercice du pouvoir d’Etat en attendant l’adoption d’une nouvelle charte de la transition.
Une responsabilité ô combien lourde, au regard de la jeunesse du nouveau dirigeant. Mais cela ne devrait pas être un handicap rédhibitoire à l’exercice de cette haute fonction quand on se réfère à l’exemple de Thomas Sankara, le père de la révolution d’août 1983, qui a accédé au pouvoir d’Etat pratiquement au même âge, avant de laisser au peuple burkinabè, un grand héritage en termes de valeurs d’engagement, de sacrifice, d’exemplarité, de fierté et d’intégrité. Des valeurs qui font encore fortement écho au sein d’une jeunesse burkinabè qui n’a pas forcément connu le supplicié du 15 octobre 1987, mais qui n’en reste pas moins nostalgique.
Dans les défis herculéens qui se dressent devant lui, le capitaine Ibrahim Traoré ne manque pas de repère dans l’histoire de son pays
Et aujourd’hui plus encore où le pays des Hommes intègres est à la croisée des chemins, malmené par une hydre terroriste qui ne laisse point de répit à des populations marquées au fer rouge et en quête de libérateur. C’est dire si les attentes des populations sont fortes en ces moments cruciaux de la vie de la Nation. C’est dire aussi si dans les défis herculéens qui se dressent devant lui, le capitaine Ibrahim Traoré ne manque pas de repère dans l’histoire de son pays où le défunt président Thomas Sankara reste aujourd’hui plus que jamais un exemple pour son pragmatisme et sa proximité avec les masses populaires. Des qualités qui ne semblent pas faire défaut au nouvel homme fort du Burkina dont les compatriotes attendent de lui qu’il s’efforce de marcher dans les pas de son illustre prédécesseur. Peut-être, au moment du coup d’Etat, ne s’attendait-il pas à être président. Mais maintenant qu’il en a les pleins pouvoirs, il appartient au jeune capitaine de savoir aller vite et bien en besogne. Mais a-t-il seulement le choix, au regard de la situation du pays qui reste fortement préoccupante ? C’est peu de dire que le capitaine Ibrahim Traoré prend le pouvoir dans des conditions extrêmement difficiles sur le plan interne. Mais aussi sur le plan externe où les rivalités entre grandes puissances n’ont jamais été aussi fortes ni aussi ouvertes dans une sous-région ouest-africaine confrontée au pire défi sécuritaire de son histoire et à la recherche de partenaires stratégiques pour s’en sortir.
Il appartient au peuple burkinabè de savoir accompagner son nouveau leader
C’est pourquoi, en plus de faire des aspirations du peuple burkinabè, la boussole de sa gouvernance, le capitaine Traoré doit à ses compatriotes, un langage de vérité. Il doit aussi pouvoir s’assumer pleinement dans ses choix, y compris dans celui de ses collaborateurs qui doivent répondre aux meilleures caractéristiques de vertus et de probité morale pour pouvoir briller par leur exemplarité dans la gestion de la chose publique. En tout cas, les Burkinabè comptent sur lui et il a d’autant plus d’atouts pour réussir qu’en plus de la vision que semblent traduire ses premiers mots et ses premiers actes, il ne semble répondre d’aucune officine partisane. Une position qui devrait lui donner les coudées franches pour aller vite et bien en besogne. En tout cas, l’urgence de l’heure et la situation hautement critique du pays qui est au bord de l’effondrement, l’y interpellent vivement. C’est dire si dans le cas d’espèce où tout est urgent, le temps n’est pas forcément un allié pour les nouveaux dirigeants. Mais le capitaine Ibrahim Traoré et ses camarades n’ont pas le droit de décevoir. Reste maintenant à espérer que dans sa volonté d’aller vite et bien, le jeune chef de l’Etat saura trouver la formule pour contourner les lourdeurs procédurières qui n’ont jamais véritablement permis d’atteindre les objectifs de bonne gouvernance censées justifier leur instauration dans le fonctionnement de l’administration publique. En tout état de cause, Il appartient aussi au peuple burkinabè de savoir accompagner son nouveau leader. Car, malgré tous les espoirs que le jeune capitaine peut susciter, tout porte à croire que la restauration de l’intégrité du territoire et la reconstruction de la Nation seront les fruits d’une conjugaison des efforts plutôt que l’action d’un héros solitaire.
Source : « Le Pays »