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L’avenir de l’alimentation dans le monde pourrait-elle dépendre du développement de l’agriculture en Afrique ?

Face à une salle comble d’experts internationaux en agriculture au siège de la FAO à Rome, le 27 août 2018, Akinwumi Adesina, lauréat du Prix mondial de l’alimentation 2017 et président de la Banque africaine de développement, a déclaré que « l’avenir de l’alimentation dans le monde dépendra de ce que l’Afrique fera de son agriculture ». Et de lancer un appel mondial en faveur d’un leadership rénové et visionnaire et de la conclusion d’alliances stratégiques et de partenariats innovants, afin de placer la sécurité alimentaire au sommet des priorités internationales et de faire de l’Afrique le grenier du monde.

Avec plus de 800 millions de personnes dans le monde souffrant de la faim et plus de deux milliards affectées par la malnutrition, l’insécurité alimentaire fait peser une menace réelle sur le développement global. Selon M. Adesina, le moment est venu aujourd’hui de considérer les possibilités d’investissement et de développement en Afrique sous un angle radicalement différent. Petit-fils de paysans qui pratiquaient une agriculture de subsistance, le président de la Banque est convaincu que ce n’est pas d’aide dont l’Afrique a besoin, mais d’investissements conduits à bon escient.
La Banque africaine de développement, qu’il dirige, œuvre pour l’avènement d’un continent à l’abri de l’insécurité alimentaire, qui recourt à des technologies de pointe, qui s’adapte de manière créative aux changements climatiques et produit une toute nouvelle génération d’« agripreneurs », jeunes et femmes autonomes, susceptibles, selon lui, de propulser l’agriculture à un niveau supérieur.
L’Afrique continue à importer de l’étranger ce qu’elle devrait produire sur son propre sol, dépensant ainsi chaque année quelque 35 milliards de dollars américains en importations de produits alimentaires. Un montant qui devrait atteindre 110 milliards de dollars en 2025 si la tendance actuelle se confirmait.
D’ici à 2050, la famine affectera 38 millions d’Africains de plus. Le paradoxe de la pénurie alimentaire dans un monde d’abondance et l’évolution démographique en Afrique font partie des raisons pour lesquelles le sentiment d’urgence exprimé par Akinwumi Adesina a trouvé écho chez de nombreux dirigeants gouvernementaux, privés et multilatéraux lors de ses déplacements récents en Europe et en Asie. Le lauréat du Prix mondial de l’alimentation 2017 se qualifie volontiers d’« évangélisateur en chef » d’une Afrique mise à l’abri de l’insécurité alimentaire.
Lors de la Conférence « Vers la faim zéro – Des partenariats pour un impact », les 30 et 31 août 2018 à l’université de Wageningen (Pays-Bas), qui était axée sur la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) tels que l’éradication de la faim et la promotion d’une agriculture durable, Akinwumi Adesina a réaffirmé son engagement. Il s’est joint en cela au président de la Fondation Rockefeller, Rajiv Shah, au PDG d’Unilever, Paul Polman, et aux candidats au Prix mondial de l’alimentation en 2018, Lawrence Haddad et David Navarro, entre autres éminents universitaires mondiaux spécialistes du développement et de l’agriculture, pour défendre la cause d’une action collective urgente menée par les acteurs étatiques et non étatiques, afin d’accélérer la croissance et la transformation de l’agriculture en Afrique.
Le président de la Banque africaine de développement a indiqué que l’Afrique pourrait atteindre son autonomie alimentaire d’ici à dix ans et nourrir le reste de l’humanité, à condition toutefois que les investissements requis pour libérer son plein potentiel agro-industriel soient au rendez-vous.
Soulignant que l’Afrique ne perçoit que 2 % des 100 milliards de dollars américains de revenus annuels générés par le chocolat à l’échelle mondiale, Akinwumi Adesina a déclaré que « produire de la valeur ajoutée est le secret de la richesse des nations ». « Produire du chocolat au lieu d’exporter simplement des fèves de cacao ne relève pas du génie ! », a-t-il ajouté.
Pour créer plus d’opportunités en faveur des jeunes, des femmes et des acteurs du secteur privé, le président Adesina s’est donné pour mission de promouvoir et d’épauler à l’international le programme Discrimination positive en matière de financement pour les femmes en Afrique (AFAWA) de la Banque, qui a pour objectifs : mobiliser 3 milliards de dollars américains en faveur de l’entrepreneuriat des femmes qui n’ont jamais pu avoir accès aux financements, à la propriété et aux titres fonciers ; 300 millions de dollars pour le programme Enable Youth, afin de fonder la prochaine génération d’agro-industriels et d’exploitants agricoles en Afrique ; et mettre en place un nouveau marché mondial de l’investissement, l’Africa Investment Forum, qui se déroulera à Johannesburg du 7 au 9 novembre 2018.
Lors d’entretiens privés avec Sigrid Kaag, la ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération pour le développement, à La Haye, avec Peter van Mierlo, PDG de la Banque néerlandaise de développement de l’entrepreneuriat (FMO), ainsi qu’avec des acteurs clés du secteur privé et des membres du Conseil consultatif néerlandais des affaires étrangères, Akinwumi Adesina a affirmé que l’Afrique et ses partenaires doivent tirer parti d’opportunités totalement nouvelles en faveur de projets innovants et à fort impact en termes de développement.
Selon Peter van Mierlo, « un avantage énorme pour l’Afrique est qu’elle peut s’épargner des cycles de développement que les pays développés ont dû traverser, en ayant recours à de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle et la robotique en agriculture. »
Akinwumi Adesina a reconnu que le déficit d’électricité représentait le plus grand obstacle au développement de l’Afrique. Sur un continent où plus de 640 millions de personnes sont dépourvues d’électricité, il a insisté sur le rôle crucial du secteur privé dans les secteurs de l’énergie et de l’agriculture. « Si l’Afrique veut inverser la tendance de la migration illégale, cela est essentiel. Nous pouvons collaborer de trois manières : à travers le Mécanisme de préparation de projets d’infrastructure du NEPAD, Africa50  – une structure de capital-investissement qui a recueilli plus de 850 millions de dollars américains auprès de 22 pays – et le nouvel Africa Investment Forum.
La nouvelle et ambitieuse initiative Desert to Power, dont la Banque est l’un des chefs de file et qui vise à produire 10 000 mégawatts d’électricité dans la région du Sahel, va jouer un rôle essentiel pour réduire les migrations et les effets des changements climatiques. « Nous allons la réaliser au moyen d’un mécanisme de financement mixte assorti de garanties », a indiqué Akinwumi Adesina.
Lors d’une table ronde de haut niveau réunissant des chefs d’entreprises néerlandais à l’Agence néerlandaise pour les entreprises (RVO), il a fait savoir aux principaux dirigeants du secteur privé que « les structures de gouvernance et les cadres réglementaires des entreprises sont en train d’évoluer en Afrique. En effet, plusieurs pays africains ont déjà réalisé des progrès importants dans l’amélioration de leur climat général de l’investissement et des affaires. L’Afrique fait mieux que certains pays d’Asie », a-t-il rappelé à l’auditoire. « Dans le secteur de l’énergie, la Banque africaine de développement va investir 12 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années, l’objectif étant de mobiliser de 40 à 50 milliards de dollars ; et tenter de lever 24 milliards de dollars supplémentaires sur dix ans dans l’agriculture pour mettre en œuvre sa stratégie Nourrir l’Afrique. »
L’agriculture occupe progressivement le devant de la scène
Cette stratégie porte déjà ses fruits avec la création de Zones de transformation des cultures de base dans plusieurs pays africains, notamment en Éthiopie, au Togo, en République démocratique du Congo et au Mozambique, l’intention étant de dupliquer ces projets dans quinze autres pays en quelques années.
Stratégiquement situées au sein et autour de communautés agricoles rurales, ces zones, « formeront le noyau d’une nouvelle vague d’agro-industries et d’entreprises qui attireront les agripreneurs, les entreprises de biotechnologies ainsi que les investissements intellectuels et en capitaux, a déclaré Akinwumi Adesina. Elles permettront également la transformation et l’emballage des aliments sur place, plutôt que dans des centres urbains éloignés des centres de production ».
Qualifié d’optimiste visionnaire par de nombreux intervenants, Akinwumi Adesina est convaincu que les politiques et les investissements de la Banque contribueront à transformer ces zones de misère en zones de prospérité économique.

lejecom

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