Créée en Avril 2013 par le conseil de Sécurité de l’ONU à la demande des autorités intérimaires maliennes de l’époque, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) entre dans sa neuvième année de présence sur le sol malien. Après tant d’années d’activité et au vu de la situation sécuritaire, tout comme humanitaire qui prévalent, le renouvellement du mandat de cette Mission onusienne dont les priorités actuelles sont, entre autres le maintien de la paix, la stabilisation du Centre du Mali, la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, l’appui aux autorités de la Transition, est soumis à de nombreuses requêtes incitant à une réadaptation de ses priorités. Ainsi, en vue de ce renouvellement et en prélude à toute prise de décision des États-Unis, pays membre du Conseil de Sécurité de l’ONU, la Secrétaire d’État adjointe pour les organisations internationales, responsable de la politique américaine sur toutes les entités des Nations -Unies et multilatérales, y compris la MINUSMA, Madame J SISON a effectué une visite de quelques jours dans notre pays. Lors de cette visite, l’Ambassadrice a pu écouter et sonder les différentes parties prenantes au sein de la MINUSMA, les autorités de la Transition, des représentants des populations, d’Organisations Non-Gouvernementales, et de la Société civile.
Au terme de son court séjour et des multiples échanges qui lui ont permis de constater la situation sur le terrain, l’Ambassadrice Michele J SISON nous a accordé un entretien.
NOUVEL HORIZON :
-Bonjour Mme l’ambassadrice, cela fait plusieurs jours que vous êtes au Mali, pouvez-vous nous dire davantage sur les raisons de votre présence dans notre pays ?
MICHELE J. SISON :
– Je représente les Etats- Unis en tant que secrétaire adjointe, pour les organisations internationales, responsables de la politique américaine sur toutes les entités des Nations- Unies et multilatérales, y compris la Mission multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA).
En tant que membre du conseil de sécurité de l’ONU, il est important pour les Etats -Unis et pour moi d’entendre les parties prenantes ici au Mali avant le renouvellement du Mandat de la MINUSMA au mois de juin.
N.H :
– Quelles sont les autorités maliennes que vous avez rencontrées ?
M J S :
-Au cours de cette visite j’ai rencontré le ministre des Affaires Etrangères, le ministre de la défense, les dirigeants de la MINUSMA, les contributeurs de troupes à la MINUSMA, et les fonds programmes et agences des Nations unies. Parce que je suis responsable pas uniquement de la politique américaine sur les opérations de maintien de paix comme la Minusma, mais aussi pour les politiques des Etats- Unis vis-à-vis des agences humanitaires de l’ONU et du développement comme le PNUD, L’UNICEF, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Programme Alimentaire Mondial (PAM), etc.
J’ai aussi rencontré bien sûr la société civile malienne. J’ai rencontré les groupes de femmes, les groupes de jeunes, j’ai rencontré aussi les groupes qui représentent les populations peulh, les populations dogon. J’ai entendu leurs points de vue et je dois dire que même si c’était une visite très courte, je crois que je comprends mieux les défis au Mali et comment la MINUSMA est mieux placée pour soutenir la population malienne vis-à-vis de la sécurité et de la stabilité.
N.H :
– Que retenez-vous de ces rencontres et de ces échanges ?
M J S :
-Pour moi cette visite visait une évaluation de la Minusma, c’est- à -dire demander si la Minusma fait effectivement une différence dans la vie des Maliens. Et la réponse est oui ! Effectivement, la Minusma protège les civils, stabilise les zones vulnérables aux extrémismes violents, la Minusma répond aux menaces de ces extrémistes qui mettent en danger la population civile. La Minusma est évidemment responsable pour stabiliser, sécuriser les zones clés. Alors le travail de la MINUSMA soutient les objectifs d’apporter la stabilité et la sécurité ici au Mali.
N.H :
-Le mandat de la Minusma a été renouvelé en juin dernier et des voix s’élèvent non seulement du côté des autorités mais aussi des populations pour un changement afin que le mandat soit mieux adapté aux réalités sur le terrain. Pensez-vous que ces requêtes seront prises en compte ?
M J S :
-La Minusma a un mandat robuste pour protéger les civils contre les extrémismes violents et soutenir les forces nationales. Comme je l’ai dit, le mandat actuel de la Minusma a le but de protéger les civils et stabiliser les zones vulnérables à l’extrémisme et au terrorisme en répondant aux premières alertes, en patrouillant de manière pro active et en sécurisant les zones clés.
Le conseil de sécurité va examiner les rapports du secrétaire général des Nations- Unies et demander beaucoup de questions à l’équipe de la Minusma, entre maintenant, (mois de Mars) et le mois de juin, là où on va discuter le renouvellement. Alors on va examiner chaque aspect du mandat : protection des civils, protection des droits de l’homme, lutte contre les violences sexuelles liées au conflit, stabilisation pour que la Minusma puisse travailler dans certaines zones, le développement, et l’accès à l’aide humanitaire. Alors chaque aspect sera examiné et étant donné que nous sommes membres du conseil de sécurité aussi, nous allons tous ensemble, les membres du conseil de sécurité, réexaminer le mandat.
N.H :
-Pensez-vous que la lutte antiterroriste, spécifiquement, pourrait être ajoutée aux priorités de la MINUSMA ?
M J S :
-Le mandat actuel aide à étendre l’autorité de l’Etat et à atténuer la violence intercommunautaire et dissuader les organisations extrémistes violentes. Alors- là déjà vous avez un mandat qui est solide pour protéger les civils contre les extrémistes.
N.H :
-Malgré cette solidité dont vous parlez, de 2013 à nos jours les Maliens n’ont pas vu d’amélioration de la situation sécuritaire sur le terrain, bien au contraire, ça s’est fortement dégradé. Selon vous a quoi est-ce dû ? Pensez-vous qu’après toutes ces années il est efficace de continuer dans cette voie ?
M J S :
-Ecoutez, la Minusma est une expression de la solidarité internationale et c’est un investissement de cette solidarité internationale pour un avenir plus paisible, plus stable, plus sécurisé au Mali. C’est un soutien de la communauté internationale. Nous avons vu les sacrifices des FAMA parce qu’il y a des pertes de vies des FAMA chaque semaine. Nous avons participé aussi cette semaine à la cérémonie d’hommage pour les deux Casques bleus égyptiens qui ont été tués récemment. Alors on voit que ces attaques contre la Minusma et les FAMA nous rappellent le danger qui est là et la Minusma et les FAMA sont confrontées chaque jour à ce danger. Mais comme je l’ai dit, cette mission de maintien de la paix des Casques bleus représente la solidarité internationale avec la population malienne.
N.H :
-Pensez-vous que le mandat de la Minusma pourrait ne pas être renouvelé cette année ?
M J S :
-Tout ce que j’ai entendu lors de mes conversations et rencontres ici, est que la population du Mali reconnait les contributions et les sacrifices des Casques bleus et du personnel de la Minusma. Je crois que pour les collègues à New York et pour tous les membres du conseil de Sécurité, comme la Minusma est ici à l’invitation du Mali, et comme on a reçu le message clair de la part des Maliens que la Minusma a du travail important à faire ici ; je crois que tous ces aspect seront pris en considération au mois de juin, pendant la discussion vis -à -vis du Mandat.
N.H :
-Que vous ont demandé les autorités maliennes ?
M J S :
– Vraiment pour moi, c’était une visite pour demander à tous mes interlocuteurs du gouvernement, des pays contributeurs des troupes, militaires, policiers, la société civile, comment eux ils voient le travail de la Minusma et comment ils voient aussi la transition politique, mais aussi les progrès vis-à-vis de l’Accord d’Alger. Parce qu’il y a des aspects de la transition politique et de l’Accord d’Alger qui doivent être examinés aussi. Alors j’espère bien dans ces domaines voir le gouvernement de transition présenter bientôt un calendrier de transition démocratique. Nous nous tournons également vers le gouvernement de transition pour voir des progrès sur sa Feuille de route pour une transition démocratique. Nous avons observé malheureusement peu de progrès sur leurs promesses au peuple malien au cours des derniers mois. Je dois dire que depuis que je suis ici, nous avons constaté aussi avec inquiétude la décision d’interdire les émissions de RFI et de France 24. Je dois souligner que pour nous , les Etats Unis, la liberté de la presse, la liberté d’expression sont des libertés fondamentales qui doivent être protégées dans tous les pays du monde.
Nous avons aussi constaté pendant cette visite, plusieurs défis sur le terrain. Alors j’ai fait mention qu’assurer l’accès pour l’aide humanitaire, l’accès pour l’aide au développement est très important. Alors pour que la Minusma puisse avoir la possibilité d’accomplir le mandat dans ces zones difficiles, il faut évidemment une bonne coordination et coopération avec le gouvernement, avec les FAMA et ça c’est évident.
Je dois dire que pendant mon séjour ici j’ai examiné le rôle de la Minusma, j’ai aussi entendu parler de la présence du groupe Wagner. Et je dois dire que ces rapports sur la présence de ce groupe Wagner nous inquiètent. Nous avons vu dans d’autres pays que ce groupe a été impliqué dans les abus et des actions qui menacent la paix et la stabilité et la souveraineté et l’intégrité territoriale dans d’autres pays. Alors, je dois dire qu’ici au Mali il y a une inquiétude particulière aussi parce que je dois dire qu’il ne faut pas détourner des ressources budgétaires dans ce sens. La richesse du pays devrait profiter au peuple malien. Ça veut dire que dans le programme d’éducation, dans le programme de sante, dans le programme de l’eau, etc.
NH :
-Concernant ce groupe « Wagner », les autorités maliennes disent que ce ne sont pas des mercenaires qui sont présents mais plutôt des « coopérants russes ». Est-ce que cette présence entrave actuellement la bonne marche des activités de la Minusma ?
M J S :
-Ce que je peux dire, c’est que nous sommes très inquiets par rapport au déploiement au Mali des forces du groupe Wagner soutenus par le Kremlin. Encore, les forces du groupe Wagner sont connues dans d’autres pays pour leurs activités déstabilisatrices, de violation des droits de l’homme et c’est aussi un coût pour le peuple malien. Parce que ces fonds qui sont dirigés vers le groupe Wagner soutenu par le Kremlin, pourraient être utilisés pour les services publics.
N.H :
-Pensez-vous que la persuasion que ce groupe est au Mali pourrait entraver le renouvellement du Mandat de la Minusma ?
M J S :
-Je constate simplement que le groupe Wagner a été dans d’autres pays impliqué dans des abus et des actions qui menacent le pays. Alors ça doit être discuté par tous les pays amis qui veulent voir un meilleur avenir, ici au Mali pour la population malienne.
On va examiner en juin tous les aspects dans le mandat actuel, protection des civils, protection des Droits de l ’Homme. C’est un mandat qui est solide, robuste, c’est un mandat qui est fort. Alors cette examnation va aussi mettre un accent sur la mise en œuvre de la transition politique, et aussi la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger, parce que tout ça est dans le mandat actuel. Il y aura une discussion certainement de la situation sécuritaire et la stabilité dans certaines zones, parcequ’il y a des attaques contre des Casques bleus, et tout ça fera partie de la discussion.
N.H :
-Qu’avez-vous à dire au terme de votre visite au Mali ?
M J S :
-Je ne suis pas ici pour les Nations -Unies mais plutôt pour les États-Unis, donc les Etats-Unis entendent les appels du peuple Malien pour un meilleur avenir. Sécurité, gouvernance, retour à la démocratie. Alors les États-Unis soutiennent fermement le peuple malien dans toutes ses aspirations à la démocratie, à la paix, au développement, au respect des droits de l’homme. Les États-Unis sont très attachés au peuple malien et pour un Mali plus prospère, plus pacifique. Nous reconnaissons les défis humanitaires et de développement nous sommes les (États-Unis), le principal bailleur de fonds, le principal partenaire bilatéral de développement et d’aide humanitaire, y compris les programmes de protection, les programmes de santé, les programmes d’éducation.
Alors nous sommes un partenaire avec le peuple malien. Je sais qu’il y a aussi ce Week- end la visite du Goodluck Jonathan et je dois ajouter que nous soutenons aussi les efforts de la CEDEAO sur la transition politique et on espère avoir un bon résultat des réunions qui auront lieu dans les jours à venir avec le gouvernement de transition pour un calendrier de transition et démocratique, je crois qu’ils ont utilisé le mot « acceptable », et cette Feuille de route de transition comme j’ai dit est très importante parce que les Maliens veulent un meilleur avenir et nous les partenaires, sommes en solidarité avec le peuple malien pour assurer un avenir plus prospère, plus stable et en sécurité.
PROPOS RECUEILLIS PAR AWA CHOUAÏDOU TRAORE – NOUVEL HORIZON
QUI EST MICHELE JEANNE SISON ?
Source : Nouvel Horizon