Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

L’Afrique à Cannes : le doyen Souleymane Cissé revient sur la Croisette

En costume ou en boubou, Souleymane Cissé, 75 ans, fait encore autorité. Le 27 mars dernier, il recevait une lettre d’invitation au Festival de Cannes signée Thierry Frémaux, son directeur général. Son nouveau film, O Ka (Notre Maison) vient d’être sélectionné dans la catégorie hors compétition, sélection “séances spéciales”.

souleymane cissé cinéaste cinema film africain tournage scene Festival International Nyamina

 

Ce n’est pas le premier courrier de l’institution cannoise à ce monument du cinéma africain. Le Malien a coutume d’honorer les rendez-vous annuels du septième art. Déjà, en 1983, il figure parmi les membres du jury de la Palme d’or et préside la Cinéfondation, créée sous l’égide du Festival pour la recherche de nouveaux talents. En 1987, il est de retour sur la Croisette pour présenter Yeelen, un film désormais dans l’histoire du cinéma africain. Il montera les marches du Palais des Festivals vêtu d’une grande tunique bleue, comme un clin d’œil à l’Afrique Noire qu’il aime tant filmer.

Le cinéma chevillé au corps

Seul réalisateur à avoir décroché deux fois la plus haute distinction du Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou, le Fespaco, cet amoureux du cinéma se fait rare. En cinquante ans de carrière, O Ka n’est que le septième long-métrage du septuagénaire. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir dédié sa vie au septième art.

 

Féru de cinéma depuis l’enfance, Souleymane Cissé a sept ans lorsqu’il commence à fréquenter les salles de ciné en compagnie de ses huit frères aînés. Précoce, le petit garçon organisait dès six ans des projections pour sa famille et ses voisins dans leur quartier de Bozola, à Bamako. Une passion qui ne l’a jamais quitté depuis que, à partir des arbres surplombant le Vox, la salle emblématique de la ville, il regardait par-dessus le mur les films projetés. Cela dit, c’est en visionnant un documentaire sur l’arrestation de l’ancien Premier ministre congolais assassiné en 1961, Patrice Lumumba, que naît sa vocation de cinéaste. “Cela a réveillé en moi tout ce qui dormait. Le cinéma s’est installé en moi et depuis il ne veut plus partir”, dit Souleymane Cissé.

Une filmographie lancée après son retour de Moscou

À l’époque, le futur cinéaste rentre à peine de Dakar où il a suivi des cours de philosophie. Deux ans plus tard, il s’expatrie à Moscou pour intégrer à l’Institut des hautes études supérieures de la cinématographie, sa filière de prédilection. Il y passera six ans. De retour au Mali, il travaille comme reporter d’images au service dédié du Ministère de l’Information. Une occasion de sillonner son pays caméra au poing et d’y réaliser une série de documentaires. En 1971, il tourne son premier moyen métrage, Cinq jours d’une vie, aussitôt primé au Festival de Carthage.

 

Den Muso va le conduire en 1975 des tournages à l’incarcération. Son histoire de jeune fille muette violée puis rejetée ne fait pas l’unanimité. Mais cette tentative de le détruire va s’avérer vaine. À ses yeux, rien ne peut l’abattre pourvu que l’on n’efface pas ses films. À tel point qu’il multiplie les productions dès sa sortie de prison.

 

Baara (Le travail) voit le jour en 1978 et lui vaut un Étalon d’or. Fin Yé (Le Vent) sort en 1982 et le propulse au rang de juré du Festival de Cannes. Avec Yeleen (La Lumière), le réalisateur remporte en 1987 le prestigieux prix du Jury. Acclamé par le public cannois, le film raconte l’histoire d’un père prêt à tuer son fils qu’il ne supporte pas de voir devenir son égal.

“Il en faut des miracles pour faire sortir un film de l’Afrique Noire”

“C’est le côté mystérieux de l’homme, la recherche de la connaissance profonde des choses qui est posée dans ce film”, expliquera Souleymane Cissé à Bernard Rapp, l’ancien présentateur aujourd’hui décédé d’Antenne 2, la deuxième chaîne française de l’époque. “C’est difficile aujourd’hui de faire du cinéma quand on est un réalisateur africain ?”, lui demande le journaliste. “Oui, surtout de l’Afrique Noire. Il en faut des miracles pour faire sortir un film”, lui répond-t-il.

 

N’empêche, sa filmographie continue à se garnir : Waati (Le temps) réalisé en 1995 en vidéo numérique et, en 2002, Min Yé (Dis-moi qui tu es), qui aborde le thème sensible de la polygamie. Son cinéma provoque, blesse parfois mais, à l’en croire, “pour soigner les gens, il faut leur dire la vérité“. Aujourd’hui partie intégrante du paysage cinématographique mondial, le cinéaste met sa réputation internationale au service de la survie de son art dans son pays.

 

“Le cinéma était un lieu sacré où tous les jeunes se rencontraient. Mais les intellectuels maliens au pouvoir après la révolution, en qui nous avions pourtant confiance, ont vendu toutes les salles au nom d’une politique structurelle”, déplore le réalisateur. Un peu d’amertume certes mais rien qui ôte à l’un des doyens du cinéma africain sa passion du 7e art.

 

Source: lepoint.fr

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance