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L’absence de Belmokhtar affaiblit al-Qaida

La dissidence de Mokhtar Belmokhtar dans les rangs d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) soulève des questions sur les capacités mondiales de l’organisation-mère, affirment les analystes.

 

Belmokhtar affaiblit al-Qaida défection

Fin août, le groupe dissident d’al-Qaida, la katibat El Moulethemoune (« Brigade des enturbannés ») conduite par Belmokhtar (de son vrai nom Khaled Abou El Abass) a joint ses forces à celles du Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO), pour créer les « Mourabitounes ».

 

 

Pour les analystes locaux, cette initiative semble être la seule option restante pour des jihadistes ostracisés par la direction maghrébine d’al-Qaida. L’ancien commandant d’AQMI avait déjà été exclu par l’organisation.

 

« De nouveaux facteurs, comme l’argent et le leadership, ont remplacé les convictions idéologiques », estime l’analyste Abdallah Bin Maalum. Ces incitations, explique-t-il, « sapent toute alliance entre des hommes qui ne partagent plus la foi dans l’idéologie jihadiste qui constituait autrefois la base de leur action armée ».

 

 

Mais après que la brigade des « Signataires par le sang » de Belmokhtar (alias « Laaouar« ) ait été décimée lors du siège du complexe gazier d’In Amenas en Algérie en janvier, il ne lui restait d’autre choix que de forger de nouveaux liens. Cette initiative était celle du désespoir, expliquent les analystes.

 

 

Mais l’organisation-mère est elle aussi mise en péril par cette décision de faire cavalier seul.

 

 

Laaouar, surnommé « Marlboro Man » pour sa longue histoire de trafic de cigarettes, a publié début septembre une vidéo montrant les détails des attaques de sa nouvelle brigade au Mali, en Algérie et au Niger.

 

 

Belmokhtar y apparaît également en train de donner des instructions pour le double attentat suicide à la voiture piégée à Agadez et à Arlit, au Niger.

 

 

Mais selon l’éditorialiste du Journal Tahalil et spécialiste du terrorisme Isselmou Ould Moustapha, cette fusion pourrait avoir de multiples implications pour l’avenir de l’organisation-mère.

 

 

Les Mourabitounes pourraient tenter de « supplanter AQMI dans la région du Sahel-Sahara, où al-Qaida a perdu ses capacités et ses dirigeants, comme Abou Zeid », explique-t-il. « Les survivants sont rentrés en Algérie, dans le sud de la Tunisie et en Libye. »

 

 

« Les groupes chassés du Mali, fortement affaiblis par les frappes aériennes et des opérations quasi suicidaires, cherchent à retrouver un rythme opérationnel qui s’est fortement réduit ces derniers mois », ajoute-t-il. « Ils n’ont même plus la capacité de prendre des otages, leur principale source de revenu. »

 

 

Fares Saqqaf, directeur du Centre d’études de l’avenir au Yémen, souligne que « al-Qaida s’efforce en réalité de trouver un terrain favorable dès lors que les pays où elle opère s’avèrent instables ».

 

 

« C’est là que les branches de l’organisation se renforcent, comme dans le cas de la Syrie, de l’Irak et du Maghreb arabe », ajoute cet expert yéménite.

Tout est lié, précise-t-il à Magharebia.

 

 

« Lorsqu’Ansar al-Sharia est apparu à Abyan, au Yémen, Ansar al-Sharia est également apparu au Mali. Tous ces mouvements proviennent de l’organisation internationale », ajoute Saqqaf.

 

 

« Chaque fois qu’une branche enregistre de nouveaux succès, son impact, au moins moral, exerce un effet positif sur les autres. Inversement, lorsqu’elle connaît une scission ou enregistre de durs revers, ou lorsque ses leaders sont abattus, elle complique les plans, tant au plan local qu’au niveau international », ajoute-t-il.

 

 

Le siège de Tiguentourine n’a fait qu’affaiblir un peu plus encore Laaouar et ses combattants.

 

 

Cette faiblesse, ajoute Saqqaf, conduira le groupe à « mener des opérations terroristes superficielles à des fins de propagande, pour montrer qu’ils sont encore là, mais sans que l’organisation-mère n’en tire aucun avantage », poursuit-il.

 

 

« Il est encore trop tôt pour connaître la portée exacte de la défection de la ‘Brigade des signataires par le sang‘ », explique Saeed Obaid al Jomhi, analyste de Sanâa.

 

 

Mais la perte de combattants, surtout s’il s’agit de combattants bien entraînés, est un risque, explique-t-il. Belmokhtar a donc quitté al-Qaida pour éviter de nouvelles pertes.

 

 

« Les dirigeants d’al-Qaida justifient la défection de certains groupes de militants par une forme d’ijtihad. Ils peuvent alors dire que ces groupes dissidents font encore partie de l’organisation, et qu’ils n’ont pas fait défaut », ajoute-t-il.

 

 

Belmokhtar veut absolument montrer qu’il a « encore la force de continuer la lutte au Sahel », explique le réalisateur Zine El Abidine Ould Bukhari à Magharebia.

 

 

Mais avec des forces affaiblies et divisées, il « cherche maintenant à réunir les pièces restantes et à reconstruire une organisation par le biais de campagnes publiques et par l’achat d’armes », explique Bashir Ould Babana, journaliste à Sahara Media.

 

 

Pour sa part, le Dr Saeed Abdul Momin, spécialiste des questions stratégiques, explique que « l’idée qui avait été à l’origine de l’organisation commence à perdre son attrait, et les méthodes de sa mise en œuvre suscitent des dissensions. »

 

 

« La haute direction n’est plus un bras unificateur, c’est la raison pour laquelle des fissures apparaissent. »

 

 

Et Abdul Momin d’ajouter : « Personne ne connaît encore la véritable dimension du groupe de Belmokhtar et s’il s’agit d’une véritable fracture ou d’une bombe médiatique, et s’il sera concurrent d’al-Qaida au Maghreb islamique sur le terrain et entrera en conflit avec elle, ou s’il deviendra une faction indépendante de l’organisation, sans s’engager dans des conflits ou des règlements de comptes contre elle pour contrôler le terrain. »

 

 

« L’idée que différentes branches de l’organisation puissent travailler ensemble n’a pas encore fait son chemin, parce que leur relation n’est pas régie par des règles claires. Les opérations sont habituellement individuelles et la plupart du temps, elles ont besoin d’un délai de sécurité pour même avancer », ajoute-t-il.

 

 

« Les jihadistes dans des pays comme le Yémen et la Syrie et ceux qui appartiennent à AQMI et à ses affiliés cherchent tous à lutter contre la présence des Occidentaux et à mettre en place des États fondés sur la loi islamique », explique à Magharebia Anfar Sidi, spécialiste des questions de sécurité. « Mais ils manquent de coordination. »

 

 

Mais selon l’analyste Ibrahim Ould Saleh, la présence de jihadistes du Maghreb dans d’autres pays est une aubaine pour Belmokhtar.

 

 

« Des milliers de jeunes combattent en Syrie dans les rangs de Jabhat al-Nusra, affilié à al-Qaida. Ils sont également au Yémen », explique-t-il à Magharebia. « Si les tentatives d’al-Qaida d’y implanter un État islamique échouent, il est alors certain que ces combattants rentreront dans leurs pays, ramenant avec eux leur passé et leur présent terroriste. Ces pays devront alors relever le défi. »

 

 

Les pays du Maghreb doivent se préparer dès maintenant à relever ces défis, souligne-t-il. « Leurs efforts ne doivent pas être individuels. La coordination doit s’intensifier entre ces pays, pour pouvoir répondre aux terroristes du futur », ajoute Ould Saleh.

 

 

« S’ils ne le font pas, alors le risque sera grand de voir ces combattants donner naissance à des problèmes sécuritaires majeurs au Maghreb et au Sahel, qui donneront à Belmokhtar et à ses amis une occasion rêvée d’attirer de nouvelles recrues », conclut-il.

 

 

Source: magharebia.com

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