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La stabilisation du Mali est indispensable à la sécurité régionale ouest-africaine

Gilles Yabi, vous avez écrit dans un texte publié il y a quelques jours que « défaite politique française au Sahel ou pas, amélioration ou pas de la situation sécuritaire au Mali, cela ne va pas perturber la vie quotidienne de l’écrasante majorité des Français, des Allemands, des Danois ou des Estoniens » …

En effet, il s’agit de rappeler qu’on ne peut pas se contenter de reprendre les commentaires des chercheurs, des journalistes et d’autres observateurs en France, ailleurs en Europe, aux États-Unis ou même en Russie et en Chine, qui ne s’intéressent qu’à l’échec, ou au mieux, le demi-échec de l’intervention militaire française au Sahel. Ces analyses sont tout à fait intéressantes comme le furent les dizaines d’articles sur l’échec des États-Unis en Afghanistan et le retour au pouvoir spectaculaire des Talibans dans ce pays.

Dans un cas comme dans l’autre, les décideurs des puissances qui déploient leurs forces à des milliers de kilomètres de leurs territoires nationaux tout comme l’écrasante majorité de leurs concitoyens ne sont guère affectés dans leur vie quotidienne par les conditions sécuritaires et sociopolitiques qui prévalent après leur intervention, que cela soit un échec, un demi-succès ou une éclatante réussite.

La loi du plus fort est donc toujours la meilleure ou presque dans les relations internationales, dites-vous… 

Oui et l’actualité internationale nous le rappelle en ce moment, avec la grave crise en Ukraine qui va mobiliser tous les pays européens pendant des mois, bien plus que la situation au Sahel.

Mais une autre information pas très commentée a aussi attiré mon attention ces dernières semaines. Le 11 février dernier, le président Joe Biden a décidé que son gouvernement confisquerait les réserves de la banque centrale afghane déposées aux États-Unis, 7 milliards de dollars, et utiliserait la moitié de ces ressources pour honorer les demandes d’indemnisation des familles des victimes de l’attentat du 11 septembre 2001.

A part le porte-parole des talibans qui a qualifié cette décision de « vol » reflétant la « décadence humaine et morale » des États-Unis, le décret n’a pas suscité un vif émoi au niveau international. Et de toute façon, émoi et protestations ou pas, la première puissance mondiale a décidé et c’est tout. Depuis le départ des troupes occidentales d’Afghanistan, qui s’intéresse encore vraiment au sort des populations afghanes restées sur place?

Pour le Mali, le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, le plus important aujourd’hui n’est pas de savoir ce que le départ de Barkhane signifie pour la France et son influence en Afrique mais ce que cela ouvre comme perspectives à court et à moyen terme pour la sécurité et la stabilité dans toute l’Afrique de l’Ouest.

Vous estimez qu’il faut éviter l’isolement diplomatique et économique du Mali dont la stabilisation est une condition sine qua non pour la sécurité régionale et pour la préservation des acquis de l’intégration régionale

Tout à fait. Cette crise menace la dynamique déjà fragile de l’intégration régionale ouest-africaine sur les plans politique, sécuritaire et économique. Les déclarations peu courtoises de certaines autorités de pays voisins du Mali sont de nature à rendre difficile la coopération qui est et restera indispensable pour la sécurité régionale. L’excès de confiance de chacun dans la justesse de ses positions et la confrontation des egos peuvent créer des dégâts considérables.

Le retour ce 24 février de l’envoyé spécial de la Cédéao sur le terrain à Bamako va dans le bon sens et il faut espérer que les autorités de transition fourniront rapidement à l’organisation régionale le prétexte dont elle a besoin pour procéder à un allègement des sanctions économiques. Celles-ci n’atteignent manifestement pas leurs objectifs politiques ou ne les atteindront qu’à un coût très élevé. Ces sanctions rendent encore plus difficile la vie quotidienne des populations à quelques semaines du début du mois de Ramadan. Il y a peu de chances qu’une aggravation des crises politiques, socioéconomiques, alimentaires, éducatives dans les pays du Sahel soient dans le top 10 des préoccupations en France, en Allemagne ou en Russie. Et je ne vois pas pourquoi il en serait autrement.

Source: RFI

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