Sujet délicat, aux contours discutés et passionnels. Évoquée cent fois, la prolifération de l’islam radical en Afrique trouve l’une de ses racines dans la précarité économique des populations locales et dans le lavage des cerveaux. Dans des discours religieux proférés par de pseudos musulmans au nom d’un Islam ignoré et du rejet la civilisation occidentale post coloniale, facile exutoire des peurs et des maux du continent.
L’inaction de nombreux gouvernements actuels qui ne veulent ou ne savent pas garantir à leur populations l’accès aux biens communs les plus essentiels, est une importante cause du terrorisme. Les conditions de vie et les moyens de subsistance sont dégradées par l’absence des éléments de base : école, hôpital, emploi, eau, transport, alors qu’ils ont été souvent financés. De puissants catalyseurs ont aggravé les inégalités sociales et économiques : Les phénomènes climatiques extrêmes comme la sécheresse, appauvrissement des sols dédiés à l’agriculture vivrière, la concentration de la population et de la misère dans des villes inhumaines.
Les populations font face à des difficultés énormes, quand leurs dirigeants s’en protègent souvent avec l’argent mal acquis. Un boulevard pour le djihadisme et ses multiples mouvements. Ils sont là, apportant leur soutien en revenu de substitution, en soins et protection communautaire à des populations perdues. Au même moment dans les ambassades occidentales, diplomates et dirigeants discutent affaires, influence et armement avec faste et arrogance.
La faiblesse et la défaillance des Etats à élaborer des politiques publiques effectives et efficaces, à penser des politiques sociales et économiques, sont donc les meilleurs alliés des réseaux djihadistes dans leur campagne de décrédibilisation des gouvernements.
De ma compréhension du phénomène, il existe deux formes de terroriste djihadiste :
- L’orientation au terrorisme due à la pauvreté exacerbée.
- L’orientation au terrorisme dû à une idéologie religieuse rejetant systématiquement toute civilisation occidentale.
Elles ne sont pas étanches… L’action djihadiste, de légitime et reconnue dans sa dimension caritative, devient doctrinaire dans son dévoiement religieux face à des États ethnicisés, laïcs, sourds aux enjeux sociaux. L’absence de réponse gouvernementale aux crises sociale et environnementale renforcent l’extension du terrorisme dans ces territoires.
Les djihadistes au Sahel occupent le désert au climat hostile et chaud, ils progressent comme le sable vers le sud, avec le cortège de misère que l’on connaît. On ne peut pas dissocier d’un côté le terrorisme et de l’autre le réchauffement climatique. On ne peut pas prétendre lutter efficacement contre le terrorisme, si on n’a pas aussi une action résolue contre le réchauffement climatique. Ces deux phénomènes sont liés.
Y a-t-il pour les populations locales une autre alternative que celle de rejoindre les terroristes djihadistes, puissants financièrement et militairement, pour subvenir à leurs besoins ? Peut-on sérieusement ne pas comprendre qu’il y a la promesse d’une assurance-vie pour elles et leur famille ?
Il convient de rappeler que l’islam n’est pas la seule religion influente dans les régions touchées par le terrorisme, cet état de fait est à prendre en compte dans l’analyse du terrorisme. J’ai interrogé l’Imam Abdenacer Zitouni : « Le terrorisme œuvre pour le mal, et l’islam le condamne, et le djihad œuvre pour le bien et l’islam en fait la promotion ». Il y a ici une question : comment une religion dont les noms signifient originellement « PAIX » pourrait-elle être source du terrorisme ? Il est dit « Qui tue un être humain a tué toute l’humanité » (Coran 5/32), et plus loin le prophète (Paix et Salut sur Lui), dit que « quiconque fait du mal à un chrétien ou à un juif sera mon ennemi le jour du Jugement » (rapporté par Muslim). Toute religion est porteuse de contradictions, tant ce qu’elle porte est divin, au premier chef la solidarité. Prenons la religion catholique où charité et amour de l’autre sont des piliers, elle a produit des guerres et des massacres : la saint Barthélémy, les croisades, elle a porté des groupes doctrinaires et combatifs : l’Opus Dei. Boudhisme et Islam se sont tourné le dos au prix de tant de morts, au Pakistan et en Inde.
Il est temps que l’Islam du cœur et les autres religions, désavouent ceux qui tuent en leur nom. Ceux-là sont les apostats.
Le terrorisme en tant qu’idéologie puise sa genèse (trouve ses origines) dans l’idéologie de Sayyid Qotb (1906-1966), et du théologien fondamentaliste pakistanais Maulana Maududi (1903-1979). Le premier critiquait le gouvernement de Nasser qu’il jugeait mécréant parce qu’il n’appliquait pas la charia dans son pays, et le second, incitait à la lutte pour l’instauration d’un État islamique au Pakistan, source de motivation des Talibans. Les deux idéologues ont connu des bouleversements radicaux dans un contexte de pauvreté : l’incompréhension avec la religion Hindoue pour l’un, la radicalité laïque pour l’autre. Mais cela n’amoindrit pas leurs erreurs de jugements quant aux fondamentaux d’un Islam de paix par nature. Actuellement, le terrorisme djihadiste est associé à la violence politique, qui tente de mettre en place une stratégie au nom d’un groupuscule d’individu. Il ternit l’image de toute une communauté religieuse.
Les statistiques prouvent que plus de 80% des victimes du terrorisme sont musulmans. Les pays les plus impactés en termes de nombre d’attentats et de morts sont : l’Afghanistan, l’Irak, la Somalie, le Nigeria, le Niger le Pakistan, la Syrie, le Yémen, les Philippines, l’Égypte, le Mali, le Cameroun, la Somalie, la Libye, le Burkina Faso etc., qui sont des pays à forte communauté musulmane. Alors comment une religion qui appelle à la cohabitation pacifique peut-elle appeler à cette violence extrême ?
Daech, Al-Qaida, AQMI, Boko Haram, Al-Shabaab, et Al-Mourabitoune, connaissent un succès grandissant dans les régions où ils sévissent. Ils comptent des millions de sympathisants dans les quatre coins du monde. L’État islamique aurait été à la tête de deux milliards d’euros de ressources et aurait généré jusqu’à son démantèlement deux millions d’euros par jour. En d’autres termes, pour eux, se radicaliser, c’est sortir de l’insignifiance. Le rapport de l’ICSR (The International center for the study of radicalization and political violence), estimait qu’en janvier 2015, près de 600 djihadistes libyens combattaient en Syrie au sein d’organisations islamistes radicales, telles que le Front al-Nosra et l’EI, aux côtés d’environ 2.000 Tunisiens, 2.000 Saoudiens, 1500 Marocains, 1.500 Jordaniens. En 2018, le Pentagone estimait le nombre de combattants de Daech à 14.000 en Syrie et 15.000 en Irak (Hecker et Tenenbaum, 2019). Mathieu Pellerin et Yvan Guichaoua (2017) ont comparé le Niger et le Mali. Selon leur étude, le Niger est plus épargné par les attaques terroristes par rapport au Mali. Cette différence s’explique par les efforts du gouvernement nigérien à lutter contre les terroristes djihadistes.
Al-Qaida, première organisation terroriste islamiste, est née de l’hybridation de deux courants islamistes majeurs. D’une part, la doctrine des Frères musulmans qui revendique un islam politique pouvant coexister avec la réalité du monde moderne. D’autre part, celle du salafisme, nostalgique d’une époque disparue et confite dans une interprétation littérale, désuète. Elle connaît un grand succès en Arabie Saoudite sous la forme du wahhabisme.
Les Frères musulmans sont dans le combat (c’est un choix), le salafisme est dans le rejet (c’est inacceptable).
Le salafisme est né au 19e siècle, il prône le retour à la société musulmane du temps du Prophète (PSL), rejette systématiquement toute forme de pluralisme culturel, politique ou religieux, apparu avec la modernité occidentale. Quant au wahhabisme saoudien, c’est une branche du salafisme, fondée sur l’autorité des ulémas saoudiens basée sur l’application stricte de la charia.
Oussama Ben Laden est issu du groupe des salafistes. Au lendemain des attaques du 11 septembre 2001 revendiquées par Al-Qaïda, les Etats-Unis lancèrent une guerre contre le terrorisme.
Aujourd’hui, on dénombre des centaines de groupes islamistes radicaux armés par des para sources qui vendent des armes aux terroristes. Qui sont-ils ?
Au Sahel, on compte près de 2.000 combattants répartis en six groupes d’alliances. Ils s’inscrivent dans l’idéologie d’un islam radical, à l’antipode du vrai Islam. Sinon comment expliquer que 89.2% des attaques commises par des terroristes djihadistes ont lieu dans les pays musulmans ? Comment comprendre que parmi les 10 pays les plus touchés en termes de nombre d’attentats et de morts, 8 pays font partie des régions Afrique et Moyen Orient à fort densité musulmane ? La brutalisation des communautés musulmanes, serait-elle au cœur de la stratégie de développement du Djihad ?
Le groupe Boko Haram faiantt régner la terreur dans le nord du Nigeria et ses alentours depuis 2009, a entraîné le déplacement de 170.000 Nigérians vers les pays voisins, et a entraîné la migration de 2.2 millions d’habitants, et la mort de 36.000 locaux. Il est au contact de communautés chrétiennes et refuse toute fraternité religieuse entre communautés.
Clairement, face à l’impuissance des gouvernements à subvenir aux besoins vitaux de leur population, ou à l’oppression que certains génèrent, les groupes djihadistes fournissent aux recrues une alternative. En ce sens, l’État islamique illustre parfaitement cette opportunité économique et sociale que représente l’enrôlement dans les groupes djihadistes. Chaque combattant perçoit un revenu fixe de 300 à 500 dollars par mois (Steta, 2016), supérieur aux rémunérations d’un fonctionnaire dans beaucoup de pays touchés par ce phénomène. Au final le terrorisme serait plus « politique » que religieux aujourd’hui.
Les terroristes djihadistes appellent à prendre les armes contre les puissances occidentales, qui ont et continuent d’interférer dans les affaires socio-politiques de l’Afrique et du Moyen Orient, afin de servir leurs intérêts et d’imposer leur vision. Pour certains, les puissances européennes ont colonisé l’Afrique et le Moyen-Orient durant des décennies et continuent d’exercer une influence sur les affaires politiques et sociales de ces pays.
Les Gouvernements africains n’ont pas d’autres choix que :
> De remettre le citoyen au milieu de la maison : partager les richesses, gouverner avec transparence, promouvoir la tolérance religieuse et la fraternité communautaire, satisfaire les besoins vitaux de leur population et gérer les biens communs et ressources nationales.
> D’être sans pitié, ni pardon pour ceux qui n’ont d’autre religion que le crime et la destruction.
Les SOLUTIONS pour éradiquer le TERRORISMES DJIHADISTE en AFRIQUE, nous les connaissons !
- Le combat doit être porté là où il se cache : le désert, avec une structure militaire africaine efficace et agile sur le terrain. Aucune tolérance, aucun arrangement de circonstance, aucune naïveté qui ferait croire qu’une milice russe aurait la solution.
- Les État Africains doivent faire leur mutation : passons de la discussion au sein de nos organisations internationales, a une vraie coalition militaire africaine, contre les réseaux terroristes. La naïve Europe y est bien parvenue en une petite année pour défendre les Ukrainiens. Certes, nous sommes loin de disposer d’un système intégré comme celui de l’OTAN et des capacités financières, mais au moins donnons notre cap aux nations occidentales qui veulent nous soutenir plutôt que d’attendre d’elles un salut hypothétique.
- L’Afrique doit définir une politique économique keynésienne pour créer des emplois, pour occuper les populations locales, tarir les flux migratoires. Elle doit aussi investir dans l’éducation des plus jeunes pour mieux les armer face aux fables et aux mensonges.
- L’Afrique doit se munir d’une panoplie de sanctions internationales coordonnées : plus de concession minière ou portuaires, plus d’exploitations de nos ressources, plus de flux financiers pour ceux qui composent avec le terrorisme.
- La solidarité militaire et financière avec les pays de la ceinture sahélienne sera proportionnée à leur propres engagements à combattre le terrorisme.
- L’Afrique doit devenir mature et audible sur le plan de la communication et les peuples africains doivent s’extraire de leurs smartphones et cesser de croire les fables des réseaux sociaux. Créons nos propres chaînes de télévision et controns l’influence de la bouche à oreille islamiste.
En somme, ce fléau est multiforme, multi concepts, il est notre affaire autant que celle de nos anciens colonisateurs. Prendre de la distance n’est pas chose facile, sauf à revenir à l’essentiel : l’Islam est une religion de paix, celle qui réalise, s’ancre dans le quotidien, la liberté et la justice. Par définition le terroriste est un usurpateur, un profiteur de religion, sans véritable foi. Le terroriste ne prie pas, il tue souvent ses frères en communauté. Le terroriste ne soulage pas, il pille.
Si le Mali et le Burkina ont trébuché, d’autres restent débout. Si le Nigeria ne lâche rien face à Boko Haram, la Guinée et les pays limitrophes ne sont pas à l’abri du fléau. Tous doivent prendre soin de la santé des communautés locales et ne jamais confier leur sort à d’autres qu’à eux même, ne jamais laisser s’installer des réseaux djihadistes.
AMADOU BAH