Le conformisme n’est pas le fort du malien. Ce n’est pas une exception dans le monde. On se plait à dire que ce qui n’est pas interdit est permis. Par contre, l’exception vient de l’Etat qui n’arrive pas à faire respecter ce qui est interdit. Que ce soit cet Etat ou encore le peuple, on donne le sentiment de se plaire dans le « faire-semblant » de respecter les règles.
La crise du COVID 19 a ouvert les yeux sur une réalité de notre gouvernance et de notre attitude en tant que citoyen qui n’est pas à même de participer à la vraie construction de notre Nation.
Pour faire face à la crise, le Gouvernement du Mali a édicté un certain nombre de mesures et a semblé se donner les moyens de les faire respecter pour certaines et ne s’en préoccupe que de peu pour d’autres. L’exemple du Couvre-feu est un exemple palpable.
La parade du Général Salif Traore au début de cette interdiction, avec des hommes en armes et des véhicules de guerre, aurait pu nous convaincre que notre pays a les moyens de faire respecter le couvre-feu sur toute l’étendue du territoire du district. Le constat est que les policiers se limitaient aux grandes artères avec parfois quelques incursions dans les quartiers. Et, plus on s’éloigne du centre-ville et moins ils étaient visibles. Quelle ne fut notre surprise de voir des vidéos de jeunes organiser des tournois de football sur les artères des logements sociaux de N’Tabacoro ? L’engouement du début a perdu de sa superbe au fil du temps. Certains observateurs lient cet état de fait au manque de ressources pour faire face à un déploiement renforcé des policiers sur une longue durée et une large zone. La précipitation de la levée du couvre-feu, pourrait corroborer cet argument.
De même, le ministre du Transport s’est empressé de réguler le secteur du transport en commun, en réduisant le nombre de passagers dans les Sotrama, par exemple. Cette mesure, qui doit être une priorité pour les forces de l’ordre, ne l’est toujours pas. Rare sont les chauffeurs de Sotrama qui se retrouvent face à une contravention parce que n’ayant pas respecté la réduction de moitié de leurs passagers. Rare sont les motocyclistes rappelés à l’ordre lorsqu’ils sont à deux voire trois.
Ce « faire-semblant » touche tous les secteurs et n’est pas du fait des gouvernants uniquement. La population est à la semblance de ses autorités.
Il est fait semblant de se préoccuper de l’avenir de la nation mais dès que des considérations pécuniaires s’en mêle, les intérêts divergents font jour. Il est fait semblant d’apprécier la lutte contre la corruption mais, uniquement, à condition, qu’elle touche les gros bonnets. Bientôt, nous ferons semblant de porter les masques, devenus obligatoires après une préconisation du Conseil national de défense, tenu le 8 mai 2020. Le semblant viendrait, alors, de l’incapacité de l’Etat, ou à mieux expliquer le bienfondé de cette décision ou à la faire respecter.
L’obligation qui relève du droit est souvent confondue avec la nécessité de fait. Mais ce qui est obligatoire, que ce soit juridiquement ou moralement, peut ne pas être accompli. L’obligation suppose la possibilité de la désobéissance. Connaissant ce peuple, la dernière option n’est pas à exclure dans la mise en œuvre de cette dernière mesure obligatoire.
A foison, il peut être cité des situations où le peuple du Mali fait montre d’un manque d’empathie réelle pour sa destinée. Qui s’assemble se ressemblance. Bienvenue dans la République de la semblance.
Y. KEBE
Source: Bamakonews