Comment comprendre que dans notre pays, tout le monde cherche à inscrire ses enfants dans les écoles privées, même ceux qui n’en ont pas les moyens ? Pourtant, l’État met environ 478 milliards de FCFA dans l’Éducation si on prend les deux (02) ministères: Éducation Nationale (392 milliards), Enseignement Supérieur et Recherche Scientifique (86 milliards).
C’est parce que la confiance au public s’effrite d’année en année. Le système a été rattrapé par ce que les économistes appellent, les anticipations auto réalisatrices. C’est-à-dire, chacun se dit que le public n’est pas bon (même si ce n’est pas le cas) et inscrit ses enfants dans le privé. Au fil des années, on ne fait même plus attention à ce qu’il se passe dans le public et on aboutit au résultat qu’on avait anticipé (à savoir que le public n’est pas bon).
La situation actuelle pousse beaucoup de gens, y compris des enseignants et d’autres acteurs du système, à investir dans la création d’écoles privées (puisque c’est trop demandé), réduisant ainsi leur engagement pour l’école publique qui continue son coma profond. Malheureusement, une des grosses plaies de ces écoles privées est l’arrivée dans le secteur d’affairistes exclusivement préoccupés par le profit au détriment de la formation. On n’oublie avant tout que l’école a un but d’utilité publique et non une vocation commerciale.
L’État malien engloutit chaque année au moins 55 milliards de FCFA comme frais d’inscription des élèves étatiques titulaires du Diplôme d’études fondamentales (DEF) dans les établissements privés.
Imaginez: seulement en Commune I, il n’y a qu’un seul lycée public contre vingt-quatre (24) lycées privés. Avec 55 milliards de FCFA, combien de lycées peut-on construire ou agrandir par an ?
Au niveau de l’Enseignement Supérieur, il y a cinq (05) universités publiques, onze (11) grandes écoles et instituts publics contre cent quarante-six (146) établissements privés d’Enseignement supérieur.
Depuis quelques années, l’État préfère orienter les élèves titulaires du DEF dans les écoles privées. Et curieusement, au même moment, les établissements secondaires publics ont de plus en plus de classes qui sont fermées (lycée de Kati, Lycée Ibrahim Ly…), faute d’élèves. Où est la logique de ces orientations à saveur commerciale ? Il y a donc une volonté claire de privatisation de l’école malienne.
Or, une école privée ne doit pas compter que sur la seule subvention de l’État. En clair, si l’État cesse d’orienter dans ces écoles privées, elles vont fermer. On a l’impression que l’État est aussi promoteur d’écoles privées via ses responsables en charge de l’Éducation. Ainsi, ces milliards sont destinés à leurs poches et à leurs plus proches.
On apprend cette semaine par Mme la ministre de l’Éducation nationale qu’il y a plus de 500 écoles privées au Mali, dont 200 du secondaire, frauduleuses et inéligibles ont été découvertes lors d’une inspection du ministère de l’Éducation nationale du Mali. La ministre annonce que toutes seront retirées du fichier des écoles agréées et elles n’accueilleront plus d’élèves.
N’est-il pas temps de situer les responsabilités administratives et pénales de ceux qui ont frauduleusement agréer ces 200 écoles ?
De tout ce qui précède, on peut faire les propositions suivantes:
- moraliser la distribution de l’autorisation d’ouverture des écoles privées;
- Rendre l’école publique obligatoire pour tous les enfants des gouvernants (Président, Ministre, Directeur National…);
- rendre l’école publique obligatoire pour les enfants des fonctionnaires et contractuels de l’État;
- supprimer les écoles privées jusqu’au niveau DEF, l’enseignement fondamental doit revenir à l’État;
- Poursuivre pénalement les auteurs de ces faux agréments.
Dr Souleymane DIARRA, Enseignant-chercheur
Source : L’Inter De Bamako