Hier Ouatagouna, aujourd’hui Songho ! L’horreur frappe à nouveau le Mali. Trente-trois (33) belles âmes emportées par une barbarie innommable. La consternation, la colère, l’indignation et l’impuissance, tels sont les sentiments qui animent aujourd’hui la plupart des Maliens.
Comment un tel carnage a-t-il pu se (re)produire ? Pourquoi ? Qui en sont les auteurs et les éventuels commanditaires ? Quels sont leurs mobiles ou motivations ? Autant de questions auxquelles le gouvernement devra rapidement apporter des réponses, au risque d’alimenter une spirale dangereuse de la violence.
En attendant d’avoir des éléments d’information supplémentaires et plus affinés, on peut d’ores et déjà s’interroger sur les limites de la stratégie sécuritaire actuelle. Cette dernière repose principalement sur la lutte contre le terrorisme. Or elle conduit à une impasse à la fois conceptuelle et opérationnelle.
Pour de nombreux acteurs la lutte contre le terrorisme est un rempart contre les attaques des civils. Pourtant, l’une n’entraine pas automatiquement l’autre. Il s’agit de deux objectifs, certes intimement liés mais pas interchangeables. La différenciation n’est pas que d’ordre cosmétique, elle a un réel impact sur la façon dont les opérations sont planifiées et conduites. En effet, la lutte contre le terrorisme ne saurait être le but ultime auquel tous les autres devraient être subordonnés au regard des limites d’une telle approche qui ne prend pas en compte la multiplicité et la complexité́ des dynamiques (socio-économiques, politiques et plus largement les déficits en termes de gouvernance) qui sous- tendent ou alimentent l’insécurité́ dans cette région.
Un recentrage de l’agenda stratégique sur la protection des civils permettrait d’orienter les ressources et les énergies vers la sécurisation des personnes qui sont en première ligne et les plus directement affectées par la violence et l’insécurité, ainsi que de sécuriser leurs biens et moyens d’existence. Cela serait d’autant plus utile que le déficit de protection des civils et le sentiment pour les communautés locales d’être livrées à elles-mêmes figurent parmi les facteurs qui facilitent l’implantation locale des groupes armés et renforcent leur attractivité auprès de certains groupes sociaux.
Une telle approche suppose de revoir la hiérarchie des interventions, afin de mettre l’action antiterroriste au service de la protection et de la sécurisation effective des populations civiles, et de mieux tenir compte de l’interrelation entre les différentes formes d’insécurité́ auxquelles sont confrontées les populations au Mali. Ainsi, l’efficacité des actions des FDS, ne sera plus uniquement évaluée à l’aune du nombre de « terroristes neutralisés » mais aussi et surtout du nombre de villages et personnes secourus ou défendus. Ce changement de paradigme a également l’avantage de rapprocher les actions des FDS des préoccupations des populations et de contribuer à l’amélioration de leurs relations.
Source : Ibrahim Maïga